De nos jours, bien que la modernité ait gagné nos villages, des femmes rurales résistent en s’engageant sur la voie de leurs ancêtres.
Elles le font, non seulement pour survivre à la rudesse de la vie montagnarde de Kabylie, mais aussi pour préserver les métiers ancestraux en voie d’extinction.
S’il est vrai qu’avec la démocratisation de l’enseignement, les jeunes montagnardes vont à l’université, certaines d’entre elles, peu douées pour des études poussées, quittent précocement les bancs de l’école pour se consacrer aux besognes familiales. Mais aussi, il y en a celles qui, sur les pas de leurs mères, de leurs tantes et de leurs grands-mères, ont pensé à prendre la relève.
C’est le cas de Sadia Mohammed-Arab, tisseuse depuis son jeune âge. «C’est à l’âge de douze ans que je suis passée derrière notre métier à tisser (azetta), d’abord avec ma grand-mère puis avec ma mère. J’ai cardé la laine et j’ai commencé à donner mes premiers coups de peigne et tasser la laine.
Quant aux différents motifs décoratifs, c’était d’abord de l’imitation puis ça a laissé place à l’imagination. Chacune a sa façon de voir son tapis. Parfois, c’est une partie de soi», nous confie la tisseuse, Mohammed-Arab Sadia, d’Ath Bouadou.
Pour notre interlocutrice, c’est avant tout un métier de famille. «Dans notre famille, presque chaque maison a son métier à tisser bien que ces derniers temps, certains ont laissé place à des machines à coudre et à d’autres machines plus modernes. Mais, l’originalité, on ne la trouve que dans le tapis traditionnel ancien.
D’ailleurs, il séduit aujourd’hui de plus en plus de jeunes mariées. Il y a quand même une prise de conscience au sein de la gent féminine qui fait qu’elle est gardienne de la culture, des traditions et des coutumes. Cela relève de notre histoire et de notre identité berbère», estime cette tisseuse ambitieuse.
Sadia Mohammed-Arab a ouvert un atelier aux Ouadhias, lequel est consacré à la couture. «C’est une autre passion et un pan de notre culture. On ne doit pas laisser filer nos habits traditionnels. Toutefois, je vous avoue que c’est le tissage qui me tient le plus à cœur.
Certes, on peut améliorer les motifs, mais, je crois qu’il ne faut pas les défigurer pour qu’ils ne perdent pas de leur originalité», souligne notre tisseuse. Cependant, son ambition est indubitablement sa réussite dans le projet qu’elle vient de déposer afin de bénéficier d’un crédit dans un programme lancé par l’Union européenne, dont le dispositif d’aide aux communautés paysannes des parcs nationaux (ACPPN).
Madame Mohammed Arab Sadia a, après avoir passé, avec brio les premières étapes de sélection, a déposé son projet dimanche dernier au bureau de parc national du Djurdjura, partenaire dudit programme. Le contenu de son projet fera l’objet d’étude par la commission. «Si j’arrive à décrocher l’aide qui est de l’ordre de 100 millions de centimes, je pense voir grand.
Tout d’abord, je lancerai un atelier en employant des jeunes filles comme stagiaires, lesquelles apprendront ce métier et deviendront à leur tour des partenaires dans ce domaine.
En tout cas, c’est mon souhait absolu et je suis optimiste car la fiche technique présentée est prometteuse», conclut cette tisseuse aux mains de fée quand on voit les produits qu’elle a exposés aussi bien pour leur qualité que pour leur design.
Dans la famille de cette tisseuse, ce travail artisanal ancestral se transmet de mère en fille. Pour les prix, ils varient entre 20000 DA et 50000 DA selon la laine utilisée et selon aussi l’originalité de l’ouvrage. Tout comme Mohammed Arab Sadia, elles sont nombreuses à dépoussiérer les métiers à tisser et à se lancer dans ce travail ô combien noble et sacré pour certaines d’entre-elles.
Amar Ouramdane