«Nous n’avons pas les moyens d’injecter le moindre sou. D’ailleurs, il n’y a plus de budget pour ce genre de fête», confie un élu de l’APC de Frikat qui évoquait la fête du Couscou. Si au début des années 2000, l’idée d’organiser des fêtes dédiées au couscous, à la musique folklorique ou encore à la promotion de la lecture dans les localités de Frikat et à Tizi-Gheniff au sud du chef-lieu de la wilaya de Tizi-Ouzou avait fait son petit bout de chemin durant quelques années, ce n’est plus le cas depuis trois ans ou quatre ans.
A commencer, par ce grand rendez-vous culinaire, dédié au couscous kabyle roulé exclusivement à la main dans la localité de Frikat où bon nombre de petites maisons de couscous ont poussé comme de petits champignons donnant un essor considérable à cet art culinaire d’autant plus que ce sont les femmes qui s’en occupent même lorsque les entreprises sont dirigées par les hommes.
En effet, la première édition lancée en 2005 fut un succès total avec la participation de dizaines d’exposants venus des autres localités de la wilaya et des autres wilayas du pays. D’ailleurs, les initiateurs et les promoteurs de cette rencontre autour de ce mets traditionnel l’ont baptisée «Fête nationale du couscous».
Frikat a voulu, ainsi, inscrire à son actif cet acquis. Quelques mois après, la maison du couscous Lahlou a participé à un concours international en Italie et décroché un prix. La deuxième édition tenue, quatre ans plus tard, a été mieux réussie que la précédente. Il faut rappeler qu’un grand plat en bois de 3 mètres de diamètre fut préparée à cette occasion et fut dégusté par 7000 convives.
D’ailleurs, d’année en année, même les pouvoirs publics commençaient à accompagner cette manifestation en promettant de promouvoir ce plat culinaire et même avaient promis de réaliser une auberge à Frikat afin d’accueillir les exposants venant des autres régions du pays. Cela permettra à coup sûr de booster le tourisme dans cette région quand on sait que certains villages de haute montagne sont situés à plus de 1200 mètres d’altitude où l’on peut découvrir de beaux paysages et y faire des randonnées pédestres tels Ath Ali et Ath Boumaâza.
Cette fête qui a sorti la localité de son anonymat a continué jusqu’en 2014. C’était la dernière édition. Depuis, personne ne s’engage à prendre les dépenses : ni les autorités locales ni l’APW ni encore moins les fabricants du couscous… «Nous n’avons pas les moyens d’injecter le moindre sou. D’ailleurs, il n’y a plus de budget pour ce genre de fête», confie un élu de l’APC. Dans la commune de Tizi-Gheniff, ce fut le comité culturel qui a pri l’initiative en 2010 d’organiser la première édition du festival des troupes d’«Idhaballen» sous le slogan «Idhaballen, la musique folklorique, un patrimoine culturel à sauvegarder».
Tout comme les premières éditions de la fête du couscous, Tizi-Gheniff fut durant la fin du mois de mai la Mecque des fans de cette musique ancestrale d’autant plus que la région est connue pour ses troupes dont les groupes «Laifa» de Henia (Draâ El-Mizan), Achechar (Tizi-Gheniff) et bien d’autres troupes de M’Kira.
«C’était un devoir pour nous de ressusciter cette musique agressée par d’autres styles. C’était un objectif que nous avions atteint notamment les premiers temps où plus de neuf troupes venues de Tizi-Ouzou, de Béjaia, de Boumerdès, de Bouira et d’ailleurs avaient créé une grande ambiance dans la région. Mais, avec le temps, les subventions ont diminué et puis aussi, je dirai que même les membres de notre association ont quelque peu lâché. En tout cas, nous n’avons pas encore mis la clé sous le paillasson. En tout, nous avions organisé six éditions jusqu’en 2016», a expliqué M. Mohamed Bougaci en sa qualité de président du comité culturel de Tizi-Gheniff qui nous rappelle au passage que des grands artistes ont participé à la clôture de chacune des éditions. Il a cité entre autres Belaid Abranis, Rabah Asma, Akli Yahiatiène, Hacène Ahrès, Zedek Mouloud, Ali Amrane, Ali Ideflawen…
Notre interlocuteur a évoqué aussi «Le salon du livre» toujours initié par le comité culturel. «Ce fut aussi une grande rencontre avec les maisons d’édition et des écrivains. Nous avons su en six éditions comment susciter le goût de la lecture et l’amour du livre aussi bien chez les enfants que chez les adultes. Par manque de subventions, nous n’avons pas organisé les éditions suivantes. C’est pour vous dire que toutes les initiatives n’ont pas survécu au manque d’argent», a estimé le même interlocuteur.
Même le festival dédié au théâtre pour enfants organisé par la maison de jeunes Cheikh Larbi H’Sissène de Ain Zaouia n’a pas échappé à ces restrictions. La dernière édition a eu lieu en 2017. Donc, en 2018 et en 2019, ce grand rendez-vous où se rencontrent les acteurs et le public a été annulé faute de moyens financiers. N’est-il pas temps que chaque commune ait son comité des fêtes qui devrait avoir un programme d’actions et un budget spécial ? Car, à ce rythme, les autres fêtes maintenues encore, à savoir la fête de la figue, la fête de l’olive, celle du tapis d’Ath Hicham, la poterie de Mâatkas, le bijou d’Ath Yenni et peut-être même le festival Raconte-arts, dont le coup d’envoi a été donné avant-hier au village Sahel à Bouzeguène, et bien d’autres rendez-vous du genre, qui permettent non seulement la promotion des produits du terroir mais aussi les arts traditionnels, risquent de disparaître.
Amar Ouramdane