Mettre les terres en négociations

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Par S Ait Hamouda

Il faut aimer la terre. Elle nous nourrit, de ses productions à satiété, elle calme notre faim. Mais aujourd’hui que nos terres arables sont cessibles pour une bouchée de pain, que nos plus belles terres sont négociables à moindre prix, que nous échangeons la terre contre le béton. Construire à présent passe, et demain nos enfants, de quoi vivront-ils ? De rien ! Ils (nos enfants) apprennent à bâtir et non à planter, ils savent construire mais pas greffer, ni bécher, ni labourer, surtout pas avec un âne…

Pourtant, rien ne vaut l’apprentissage du travail de l’agriculteur, sans lequel il n’y a pas de nourriture, en attendant la faim qui viendra, assurément, s’installer chez nous avec la garantie qu’elle se prépare à nous la faire sentir sans tergiversations, sans nous leurrer, sans nous abuser, elle viendra d’un coup nous faire ressentir sa douleur, son épreuve terrible, ses maux irréductibles. La seule solution réside dans l’importation et même là il faut avoir de quoi subvenir à notre fringale de béton. La solution se trouve, en principe, dans nos terres et pas dans la bétonisation de nos espaces cultivables. Parce que ces trésors ne sont pas évaluables, sont inestimables, ne sont pas à mettre au marché, à adjuger au plus offrant.

Ce qui nous rend pauvres comme Job, alors que nous étions proches de Crésus, possédant la plus forte richesse du monde. Ce qui a inspiré Thomas Chaline : «Lorsque nous mettons nos terres aux enchères, nous jouons avec nos possessions aux dés, justement nous nous amusions avec notre avenir sans vergogne. Il nous faut retravailler la chaussée et les petits ponts qui traversent nos silencieux vallons blasés, refleurir nos collines de mots chaleureux et de laines cousues mains». Ces lopins, grands ou petits, s’évacuent avec des mots et des tromperies jusqu’à ne plus pouvoir négocier le moindre bout. Aujourd’hui, nous assistons aux ventes de nos plus beaux carrés, de nos plus belles plantations, de nos plus radieuses roseraies. Vaille que vaille, l’argent se prend là où il est, nous profitons d’autant mieux qu’il est disponible et nous en profiterons tant qu’il encore possible, et après nous nous graterons la tête…

S. A. H.

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