Un alchimiste au gouvernement

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Par Anouar Rouchi

Djamel : Bonjour M. le ministre de la Santé. Je vous remercie de m’avoir accordé cet entretien malgré votre agenda et toutes les contraintes ramadhanesques.Le ministre : Pour ne rien vous cacher, vous le devez à ma curiosité. Votre réputation et celle de votre journal vous ont précédé. Il faut dire que vous dégagez une odeur de soufre. Y a pas idée, en effet, de se donner comme titre “Le midi à14 heures” !Djamel : Nous ne méritons vraiment pas cette réputation, M. le ministre, vous le constatez de vous-même puisque je n’ai d’autre intention que de connaître votre vision et votre stratégie en matière de santé publique.Le ministre : Vaste programme ! Eh bien…Djamel : Permettez-moi, M. le ministre avant de vous laisser la parole, de vous poser une question d’actualité.Le ministre : Je vous écoute, mais alors une seule question !Djamel : C’est promis ! M. le ministre, la grippe aviaire menace notre pays. Quelles dispositions avez-vous prises pour y faire face ?Le ministre : J’ai réuni l’ensemble des professionnels de l’information que j’ai gratifiés d’une projection vidéo sur le sujet. C’est la meilleure façon d’informer la population du danger.Djamel : Suffit-il, M. le ministre, d’informer la population ? Ne faut-il pas, en plus, l’armer contre ce danger ? Or, selon toute vraisemblance, le vaccin approprié ne serait pas disponible sur le marché.Le ministre : Dire que le vaccin n’est pas disponible est faux ! Allez donc voir la clinique de Staoueli ! Tous les “habitants” de Club des Pins et de Hydra vous diront qu’il n’ont aucun mal à se faire vacciner.Djamel : Mais, M. le Ministre, Club des Pins et Hydra ce n’est que l’Algérie d’en haut. Et tout le reste ?Le Ministre : L’approvisionnement du marché a pris un peu de retard, mais ce sera corrigé dès que je nommerai un nouveau directeur à l’Institut Pasteur. Ceci dit, nous avons un grand souci. Vous conviendrez avec moi, Si Djamel, que vos compatriotes sont de drôles d’oiseaux, et, s’agissant précisément de grippe aviaire, nous doutons quelque peu de l’efficacité du vaccin sur eux…Djamel : Merci pour ces éclaircissements. Les lecteurs apprécieront. Pouvez-vous maintenant nous révéler les grandes lignes de votre stratégie.Le ministre : Avec plaisir, mais je risque de vous surprendre car j’ai une approche originale de la question. Je suis personnellement de ceux qui pensent que la médecine doit être en harmonie avec la culture ambiante. Comme cette culture n’est pas loin de celle qui prévalait au Moyen-Age, il me semble tout indiqué de privilégier les méthodes médicales de l’époque. Les alchimistes ont accumulé un savoir fabuleux en la matière. Il faut aller dans la direction de la réapproriation des sciences spagiriques. Cela permettrait, entre autres, de synthétiser “l’or portable”, une liqueur qui a valeur de médicamentation universelle qui, non seulement guérit tous les maux, mais permet aux cellules de ce régénérer de sorte que le sujet soigné accède à une jeunesse quasiéternelle.Djamel : Vous êtes sérieux, M. le ministre ?Le ministre : Je savais que vous seriez surpris, mais il n’y a rien de plus sérieux. D’ailleurs, si je tarde à nommer le nouveau directeur de l’Institut Pasteur, c’est que j’ai envie de faire de cette institution un centre de recherche en sciences spagiriques et médecines douces. Un seul obstacle retarde mon projet : Il faudrait que la tutelle du GRAAC accepte de transformer ce centre en lieu de recherche en astrologie. Je sais que vous l’ignorez, mais il faut savoir que le travail des spagiristes est étroitement lié aux signes du zodiaque, à la conjonction des planètes et donc au travail des astrologues…Djamel : Vraiment, vous m’épatez, M. le ministre…Le ministre : Il y a mieux ! Sachez qu’il y a une étroite correspondance entre les planètes, les métaux et les organes à soigner. Ainsi, le soleil correspond à l’or dont la quintessence soigne toutes les maladies, notamment celles du sang et du cerveau. La lune correspond à l’argent qui régule la circulation du sang et agit sur l’estomac, les reins et la vessie. La Terre, elle, correspond à l’antimoine dont la liqueur débarrasse le corps des toxines…Djamel : Je vous remercie, M. Le ministre. Vous ne trouvez pas qu’il y a comme une odeur de soufre dans votre bureau ?

A. R.

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