L’intrigue !

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En l’espace de quelques mois, la ville de Sour El Ghozlane est devenue une plaque tournante de vente de véhicules, neufs et d’occasion.

Un grand marché automobile a vu le jour grâce à Salah Moulay, un grand commerçant qui s’est installé dans la ville depuis quelques mois. Seulement, ce marché de véhicules ne ressemble en rien à ceux implantés à travers le pays. Les transactions commerciales qui s’y font sont d’un tout autre genre. L’entreprise «El Waad El Sadeq», qui gère ce marché propose, aussi bien aux vendeurs qu’aux acheteurs, une formule de vente un peu particulière et souvent alléchante. Que vous soyez acheteur ou vendeur d’un véhicule, vous êtes sûrs de repartir avec un bonus à la vente et une remise à l’achat. Cette formule de vente attire, désormais, de plus en plus de citoyens, qui arrivent des quatre coins du pays, souvent en quête d’une affaire en or. Cependant, si les gens y trouvent leur compte, qu’en est-il de l’entreprise «El Waad El Sadeq» ? Beaucoup diront que celle-ci perd de l’argent. Mais dans ce cas, n’aurait-elle pas aussitôt fermée ses portes ? Bien au contraire, cette société et l’on ne sait pas si elle en est une, prospère, et l’activité commerciale est florissante. Celle-ci s’étend, désormais, à l’immobilier et à d’autres produits de large consommation. Là encore, l’entreprise et son patron achètent, au prix fort, et vendent au rabais. Ce genre de négoce ne cesse d’intriguer les gens qui ont tendance à en parler tous les jours. L’affaire, si on peut la qualifier ainsi, prend l’allure d’un phénomène qui dépasse les frontières de la wilaya. Il faut dire que l’homme d’affaire «Moulay», qui est derrière cette entreprise, est en passe de bâtir un empire tentaculaire. Son business est-il légal ? Comment fait-il pour ne pas perdre de l’argent lors des transactions ? En tout cas, les services de sécurité travaillent encore sur le sujet.

À peine quelques mois depuis son ouverture, le nouveau marché d’automobile de la commune de Sour El-Ghozlane, à une quarantaine de kilomètres au sud de Bouira, est devenu un vrai phénomène de société. Ce marché qui emploie désormais plusieurs dizaines de jeunes chômeurs de cette localité attire de plus en plus les convoitises des citoyens, non seulement de la wilaya de Bouira, mais aussi des wilayas limitrophes telles que M’sila, Médéa, Sétif, Boumerdès, Alger et Tizi-Ouzou, voire même des wilayas lointaines de l’Ouest, de l’Est et du Sud du pays. Cette « Mecque » des automobilistes appartient à un seul homme, Salah Moulay, homme d’affaires un quadragénaire à qui tout semble sourire. Le secret de sa réussite réside dans la manière, hors normes, avec laquelle sont effectuées les opérations de vente à l’intérieur dudit marché. Une approche dont même les économistes n’arrivent pas à définir les tenants et les aboutissants. Une stratégie  jugée « tout bénef !’’, qui ne cesse d’attirer la clientèle. Des offres alléchantes, mais qui suscitent également beaucoup d’interrogations, voire parfois des craintes, quant à la « légalité » de ces opérations. Toutefois, personne n’a, pour le moment, pu décortiquer l’autre facette des transactions de ventes et d’achats des véhicules.

Un slogan en guise de garantie…

Une virée sur les lieux, nous a permis, néanmoins, de comprendre une partie du fonctionnement du marché. En effet, deux sortes d’opérations sont effectuées à l’intérieur du marché. Il s’agit, entre autre, de ventes et d’achats de véhicules, neufs ou d’occasion. Toutes sortes de voitures sont exposées. Des grosses cylindrées, jusque-là très rares en Algérie, telles les Porsche, Land Rover, Jaguar … aux voitures traditionnellement présentes dans nos marchés, à l’instar des françaises, allemandes, japonaises et chinoises. Le tout peut se vendre à des prix pratiquement imbattables, avec notamment des réductions, à l’achat, et des augmentations à la vente. C’est à l’image de ses voitures de marque Cherry QQ, cédées au prix de 30 millions de centimes, alors que leurs prix chez les concessionnaires automobiles peut atteindre les 71 millions de centimes, en comptabilisant les taxes sur véhicules neuves. Ou encore les Renault Clio Campus, toutes neuves, qui se vendent au prix de 100 millions de centimes, alors que leurs prix initial est de 127 millions de centimes. L’on parle également d’une berline de type Jaguar, qui a été cédée au prix de 550 millions de centimes, contre un prix réel pouvant dépasser les 800 millions de centimes.  Les mêmes offres surprenantes sont également présentes pour les opérations de vente. Pour cela, l’acquéreur d’un véhicule doit accomplir toute une série de procédure. A commencé par plusieurs contrôles techniques du véhicule en question, effectuées par des spécialistes travaillant pour le compte du propriétaire du marché (Motorisation, Tôle, suspension, électricité… etc.). Si le véhicule passe avec succès ces examens, vous seriez alors conduits au bureau du négociateur, travaillant lui également pour le compte du même investisseur.  Cet « expert’’ doit vous fixer le prix marchand de votre véhicule, en plus d’un bonus. Si, par exemple, votre véhicule vaut 70 millions de centimes, il vous sera automatiquement facturé à 80 millions de centimes, ou plus parfois (l’augmentation du prix réel varie selon la qualité et les prix réels du véhicule). Certains affirment que l’augmentation en question peut atteindre les 20 millions de centimes. Finalement, et si vous vous mettez d’accord avec le négociateur, vous serez appelés à déposer votre véhicule ainsi que ses papiers. Un bon, d’une durée de 45 jours, vous sera délivré par la suite. Hormis ce fameux bon, cacheté en arabe « El waâd El sadeq» (la promesse tenue), aucune autre garantie n’est fournie au vendeur. Les opérations d’achats sont conditionnées donc par cette formule. L’acquéreur doit patienter 45 jours pour pouvoir récupérer son argent, tout en laissant son véhicule. Voilà en tout cas, ce qui suscite davantage d’interrogations, mais aussi de doutes, notamment chez les acquéreurs de véhicules. Certains citoyens ont rejeté les termes de marché malgré le prix alléchant de l’augmentation, mais sachant également que la voiture déposée sera vendue quelques jours plus tard, avec un prix nettement moindre que son prix initial. Cependant, et de l’avis d’autres clients, les clauses du « contrat » ont toujours été respectées, et personne n’a, pour le moment, déclaré avoir été escroqué. «Je collabore avec Moulay depuis son installation à Sour El-Ghozlane, je lui ai laissé une dizaine de véhicules et je n’ai jamais eu de problème de payement. Au contraire, je récupère à chaque fois mon argent, une fois le délai de 45 jours épuisé », nous dira Hamid, un jeune revendeur de voitures originaire d’Aïn Bessam. Ce dernier affirme que jamais personne, parmi ceux ayant déposés leurs véhicules, n’avait été lésé ou escroqué.

Vendre à perte, ça rapporte?

Le même procédé peut être également appliqué sur les opérations d’achats et de ventes d’appartements, de villas, de bâtiments, de terrains agricoles et de lots de terrains. L’unique différence, c’est les prix appliqués ainsi que les taux des fluctuations financières. Des taux qui peuvent dépasser les 500 millions de centimes, dans certains cas. En effet, des appartements, des lots et des villas ont été rachetés un peu partout, aux quatre coins de la wilaya de Bouira. À l’image de cette villa R+1 de 150m&sup2,; située dans un quartier résidentiel de la ville d’Aïn-Bessam, rachetée pour la somme d’1,7 milliard de centimes, et revendue, quelques jours plus tard, au prix d’1,2 milliard de centimes, alors que, selon les estimations de certains spécialistes que nous avons interrogés, son prix réel est d’1,3 milliard. Un exemple typique de vente à perte. Les opérations de vente et d’achats, selon la formule de la «promesse tenue», ne se limite pas, en effet, aux voitures ou aux biens immobiliers.  Elles peuvent également s’appliquer à l’or et à divers objet et métaux précieux, à des engins et des machines agricoles, de travaux publics. Mais aussi, les produits alimentaires de large consommation, notamment l’huile de table et le sucre. Certains propriétaires de magasins d’alimentation de la localité de Sour El-Ghozlane affirment que ces produits alimentaires sont également cédés à des prix plus au moins surprenants. «La bouteille d’huile de table de 5 lires est cédée à 350 DA, alors que le sucre est cédé à 76 DA. Ce n’est pas seulement moins cher que chez nous, mais c’est aussi moins cher qu’au prix d’usine. C’est tout à fait surprend ! Je me demande comment il fait ? En tout cas, ça doit être tout, mais pas du commerce !», commente Ahmed, propriétaire d’un magasin au centre-ville de Sour El Ghozlane. Comment ce monsieur, peut-il s’aventurer à ce type de transactions, sans que cela n’entraîne des répercussions sur ses affaires? Là encore, le mystère demeure entier.

La direction du commerce s’en mêle

À travers ce qui a été relaté d’innombrables questions ont émergé. Quelle est l’ampleur des opérations effectuées ? Pourquoi le premier intéressé ne communique jamais sur ses opérations ? Qu’en-t-il du contrôle des services du commerce et des impôt ? Quelle est l’origine et le devenir des fonds investis dans ce projet ? Toutes ces interrogations alimentent les discussions et les rumeurs dans la wilaya de Bouira, et ont créé un état de confusion et d’incertitude. Afin d’en savoir plus sur le sujet et tenter de comprendre « l’énigme Moulay », nous avons essayé de contacter le directeur du commerce de la wilaya de Bouira. Mais ce dernier n’était pas disponible, au moment de notre visite. Néanmoins, un haut responsable de la direction du commerce, que nous avons interrogé sur le sujet, nous a fourni quelques éléments de réponse, sans pourtant s’y étaler. Ainsi, notre interlocuteur affirmera que le ministère du Commerce avait instruit les responsables de la direction de Bouira d’ouvrir une enquête approfondie, afin de dévoiler les tenants et les aboutissants de cette affaire. Selon le même responsable, une brigade spécialisée a été mis en place juste après l’instruction du ministère de tutelle. Cette dernière a été chargée d’ouvrir une enquête administrative à ce sujet. Nous apprenons également de la même source, que la société «Moulay» régit via un registre de commerce de bureau d’affaire, la septicité et les faits juridiques du registre en question, nous pas été dévoilée. L’on apprend, également, que l’associé direct de Moulay a été également entendu, dans la matinée hier, dans le cadre de l’enquête en cours, dont les résultats seront rendu publics dès sa finalisation, affirme la même source. 

Le propriétaire sous contrôle judiciaire

L’étau judiciaire se resserre davantage sur l’énigmatique homme d’affaires Salah Moulay et son entreprise « El Waad El Sadeq ». Ce monsieur vient d’être placé sous contrôle judiciaire par les éléments de la brigade économique de la police de Bouira. En effet, les plus forts soupçons pesaient sur cet homme d’affaires. Son business et surtout ses méthodes de ventes aussi singulières qu’intrigantes ont poussé les services de la direction du commerce de la wilaya, sur instruction du département de Mustapha Benbada, à enclencher une enquête préliminaire à propos de certaines transactions de ce monsieur jugées « douteuses ». Mais avant cela, la brigade économique de la police judiciaire avait entamé dès le mois de novembre dernier, une enquête dite de « routine », afin de mettre la lumière sur certaines zones d’ombre qui entourent cet énigmatique personnage et son « empire » étrangement florissant. Les services enquêteurs avaient, selon des sources sûres, vérifié les comptes et les transactions effectuées par ce monsieur, sans toutefois trouver la moindre irrégularité. Poursuivant leur enquête, les éléments de ladite brigade auraient, par la suite, mis le doigt sur des transactions « opaques » sur lesquelles l’homme d’affaires doit s’expliquer. Ces transactions « louches » ont trait, selon nos informations, à des supposées malversations et également à l’origine « inconnue » de certains fonds qui ont servi à alimenter ses projets, notamment le fameux marché de voiture de Sour El Ghozlane. D’après les mêmes sources, M. Moulay a tenté lundi dernier, de quitter le territoire national, pour une raison encore inconnue. Aussitôt alertés par les éléments de la PAF de l’aéroport Haouari Boumediene d’Alger, les services enquêteurs ont procédé à l’interpellation du concernée qui a été relâché quelques heures plus tard, avant de lui signifier sa mise sous contrôle judiciaire et son placement sous l’ISTN (Interdiction de sortie du territoire national). Interrogées sur les motifs de cette interdiction, nos sources affirment que c’est une procédure « normale », lorsqu’un individu se retrouve dans le collimateur d’une enquête judiciaire. Enfin, on a appris que cette procédure est le début d’une enquête plus approfondie qui pourrait déboucher sur d’éventuelles inculpations.

Oussama Khitouche et Ramdane B.

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