«L’hadronthérapie pour traiter le cancer»

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Le Professeur en physique, Madjid Boutemeur, nominé pour le Prix Nobel 2016, a donné une conférence, mardi dernier, au campus de Targa Ouzemour de l’Université de Béjaïa, sur le thème «La Physique pour la Santé».

C’est le Club Scientifique des Sciences de la Nature qui a invité le professeur. L’auditorium était plein. Nombreux furent les étudiants, enseignants et chercheurs de l’université qui sont venus assister à la conférence. Des doyens de facultés et des chefs de départements étaient également présents, en plus du secrétaire général de l’université. Madjid Boutemeur est natif de la région de Tazmalt, au village Iouakouren. Il y a fait sa scolarité, avant de rejoindre l’université de Tizi-Ouzou, puis celle de Grenoble en France pour y faire des études de physique nucléaire. Il est aujourd’hui professeur des Universités Européennes et chercheur au CERN, le Centre de Recherche en Physique Nucléaire de Genève, célèbre pour son fameux Accélérateur de Particules avec ses applications dans le domaine de la Santé. A l’occasion de cette conférence, il a abordé le sujet de la hadronthérapie. Pour les scientifiques, il s’agit d’une technologie nouvelle pour le traitement du cancer. Elle permet de soigner des cancers qui résistent à la radiothérapie et qui deviennent difficiles à opérer. La radiothérapie utilise des rayons X, alors que l’adronthérapie se sert d’un faisceau de particules qu’on appelle les hadrons. La précision de cette méthode innovante permet d’améliorer l’irradiation des cellules tumorales sans toucher les tissus sains et les organes. Il n’existe pour le moment qu’un seul centre utilisant cette technologie en Europe et il est en Allemagne. Il y en a un autre au Japon et plusieurs pays ont annoncé leur intention d’en construire dans les prochaines années. Madjid Boutemeur souhaite en construire un en Algérie dans les deux ou trois prochaines années. Il s’est dit très optimiste, puisque les autorités se sont montrées sensibles à cette technologie. Le projet est à un stade d’étude avancé. Boutemeur souhaiterait le construire quelque part entre Bouira et Béjaïa car, selon lui, c’est là que les meilleures conditions de sa réalisation sont réunies.

Un centre d’hadronthérapie en Algérie ?

Ce centre permettrait de prendre en charge 2 000 patients par an en moyenne. La durée d’une intervention est de 90 secondes, sans anesthésie ni chirurgie. 1’30’’ pour éliminer les cellules cancéreuses récalcitrantes et résistantes aux traitements conventionnels. Même les endroits du corps difficilement accessibles par la chirurgie classique peuvent l’être grâce à des rayonnements ultra précis. Les opérations menées jusque-là permettent d’établir que dans les plus mauvais cas, le taux de survie des patients est de 74% en quatre-vingt-seize mois. D’autres cas permettent d’obtenir des résultats nettement supérieurs. Et c’est une grande avancée, par rapport aux traitements classiques qui ne permettent un succès que dans un cas sur deux en moyenne. La construction de ce centre permettrait aussi aux chercheurs algériens d’y travailler et de développer leurs recherches et compétences. Madjid Boutemeur estime que trois cents thèses pourraient être soutenues sur le sujet, en Algérie. Et des dizaines d’articles scientifiques pourraient être publiés dans les plus grandes revues spécialisées. Le professeur a encouragé son auditoire à oser aller de l’avant et à libérer son imagination et sa créativité. Beaucoup de chercheurs européens sont prêts à venir travailler avec ceux de l’Algérie, et la réalisation de ce projet permettrait à l’Algérie de devancer plusieurs pays européens dans ce domaine. Le coût du projet est à la portée de l’Algérie qui semble l’inscrire dans ses projets à court terme. Même s’il est difficile de donner un chiffre précis, son coût global est estimé à cent-vingt millions d’Euros, avec des frais de fonctionnement de vingt millions d’Euros par an. Durant deux heures, Madjid Boutemeur, avec beaucoup d’humour, alternant le kabyle et le français, a développé sa communication en simplifiant au maximum le sujet afin de le rendre accessible à tous. Usant d’une pédagogie efficace, il a illustré des concepts scientifiques de pointe avec des exemples de la vie courante. Il a à la fois expliqué comment fonctionnent les cellules cancéreuses et les problèmes rencontrés pour leur élimination, ainsi que le fonctionnement de cette thérapie révolutionnaire. Il expliquera : «Le cancer doit être traité de façon rapide, car les cellules cancéreuses développent très vite de la résistance aux thérapies. Si on leur laisse le temps et si le traitement ne se fait que de manière partielle, on laisse dans le corps six chats et on y retrouve douze tigres». C’est comme ça qu’il a expliqué le comportement de cette maladie qu’il est primordial de prendre de cours pour l’empêcher de se développer et de causer des dégâts plus importants. Durant les débats, l’assistance s’est montrée très intéressée et très impliquée. Le professeur a estimé qu’il y avait là un potentiel intéressant à développer avec les étudiants et chercheurs de cette université qu’il a beaucoup encouragés. Il a même invité ceux qui le souhaitent à lui rendre visite pour leur faire visiter le centre de recherche où il travaille actuellement. En tournée dans la région, Madjid Boutemeur a également donné des conférences dans les universités de Tizi-Ouzou et Boumerdès.

N. Si Yani

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