"Une fois interdit, le commerce des stupéfiants rapporte beaucoup d’argent"

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Le Pr G.Ferrey, chef de service à l’hôpital Simone Veil de Paris (France), spécialiste des problèmes liées aux stupéfiants, nous livre son opinion sur la question de la légalisation ou non de la consommation de cannabis. Il se base dans son analyse sur ce qui se passe en Europe notamment en France, Portugal et Pays -bas.

La Dépêche de Kabylie : Parlons de l’expérience de la France en matière de lutte contre la toxicomanie.

Pr Ferrey : Très souvent on évolue entre interdire ou autoriser, le débat est en cours. On sait très bien qu’en Europe même, les politiques, selon les pays, en la matière, ne sont pas fixées, c’est-à-dire qu’ on peut interdire sévèrement et augmenter les condamnations pour usage de drogues comme on l’a fait, non pas au nom de la drogue d’ailleurs ,mais au nom des accidents de voiture du fait de la consommation d’alcool. Il y a, aussi, des endroits, des pays, le plus célèbre est la hollande, où on considère que la prise de hachich ou de drogues dites douces, sont une consommation comme une autre, si on ne la favorise pas, on la considère pas comme un délit, il suffit, naturellement de le faire dans le pays, dans des bars ou autres lieux réservés, pour en consommer. Il semble, assez bizarre, qu’en Hollande, on trouve qu’il y a eu des excès et qu’on reviendrait à limiter la consommation, c’est aberrant car ce pays est l’endroit où l’on doit se fournir quand on ne le fait pas au Maroc.

Justement, pensez- vous que l’interdiction de consommer, incite les jeunes à briser  » le tabou  » et à voir dans la drogue, l’expression d’une certaine liberté retrouvée ?

Le jeune débutant s’enfiche de l’interdiction. Il ne voit pas la drogue comme un adversaire. Bien au contraire, son seul objectif est de profiter des vertus de la drogue au maximum. Interdire la consommation dans son cas, reviendrait à vous dire qu’il faut pas mettre du sucre dans votre café car au début il est satisfait des  » vertus  » que lui procure cette drogue. Ce n’est malheureusement qu’à la fin qu’il prend conscience, tardivement, après des accidents, de la dangerosité de cette consommation sur sa santé. Donc c’est difficile de dire qu’il faut supprimer l’interdiction sinon il revient à montrer qu’il y a aucune limite .car comme on dit ,tout ce qui n’est pas interdit ,est permis. Moi ,je ne sais pas mais récemment ; il y a un autre pays en Europe , le Portugal en l’occurrence , qui a décidé d’autoriser la consommation, ils ont tiré des satisfactions car , pour eux , ils estiment que cela démunie les trafics .

Comment voyez- vous le rôle du médecin dans la lutte contre les stupéfiants ?

C’est très souvent le médecin généraliste et non pas le psychiatre par lequel, au départ, on vient le plus volontier ; généralement quand on constate qu’il y a quelque chose qui ne marche pas et qu’il faut bien admettre que c’est du à la drogue. Je pense que le premier conseiller auquel on va se confier tout en espérant qu’il ne va pas vous dire d’arrêter la consommation de drogue mais qui vous soignera, c’est le généraliste, surtout lorsqu’on sait qu’il va vous soigner sans méthode légale. Je pense que le médecin généraliste a un très grand rôle à jouer là- dessus. On dit aussi qu’il a un rôle préventif. Je dois dire que ce n’est pas tout à fait de la prévention puisque le sujet consomme.

A partir de quel niveau de consommation, on peut qualifier un sujet de toxicomane ?

C’est justement très difficile ! Par exemple,il y a des gens, il faut le dire, qui consomment modérément, régulièrement et sans excès, une ou deux cigarettes, ils se portent assez bien. C’est embêtant de dire que vous êtes toxicomane tout de suite. Par contre, on sait qu’il y a des consommations vraiment excessives, extraordinaires et dont on a prouvé je vous l’ai dit, qu’elles déclenchent des excès psychiatriques aigus et qui parfois présentent une introduction à la schizophrénie. C’est comme si on me disait à partir de quand, la cigarette, c’est une toxicomanie. C’est très difficile à dire.

Comment peut- on guérir d’une toxicomanie ?

Ce qu’il est très, généralement difficile, c’est le moment où vous dites  » je suis toxicomane « . D’abord admettre qu’on l’est. Ce qui n’est pas du tout évident car la plus part des toxicomanes vous diront qu’ils ne vont pas très bien. D’autre part, dire « je veux me libérer », c’est la deuxième chose. J’admets que j’exagère, peut être que je le refoulais jusqu’à présent. J’admets que je suis toxicomane et je veux me libérer. C’est libéré la transformation fondamentale du toxicomane. S’il se dit « je suis toxico et je veux me libérer » à ce moment là qu’il trouvera de l’aide,déjà auprès du médecin généraliste,et si ce dernier n’est pas en mesure de prendre en charge le sujet, il le recommandera à un médecin spécialiste. La prise en charge se fait également dans des centres de cure et de sevrage. Je pense qu’à ce moment- là il sera d’accord pour suivre le traitement vers la guérison.

O. Zeghni

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