Plaidoyer pour de nouvelles alternatives

Partager

«Une personne sur huit n’a pas accès à l’eau dans le monde», a déclaré Ahmed Kettab, membre de l’académie française de l’eau et coordonnateur du groupe Eau des pays islamiques et membre fondateur de Watmed, lors d’une communication animée à la faculté des sciences de l’ingénieur de l’université de Boumerdès.

Le conférencier qui participait à une journée sur les technologies innovantes pour l’accès à l’eau et à l’électricité en Algérie, organisée par l’association nationale d’éco-conception, analyse de cycle de vie et développement durable (ANEADD), a tiré la sonnette d’alarme en déclarant que la pénurie d’eau s’installe d’ores et déjà dans plusieurs pays du monde.

«Nous assistons à un phénomène planétaire exceptionnel, des inondations d’une part et des sécheresses d’une autre part», a-t-il souligné. Le stress hydrique gagne de plus en plus du terrain et le comble c’est qu’il commence à gagner même les pays les plus industrialisés. M. Kettab dira que le stresse hydrique touchera l’Europe et que des pays comme l’Espagne traversent actuellement cette crise qui l’a poussé à exploiter les eaux épurées et investisse beaucoup dans la réalisation de stations d’épuration modernes pour récupérer l’eau.

«La norme d’accès à l’eau est évaluée à 1 000 m3 par habitant, au dessous de cette norme, c’est la pénurie», explique-t-il avant de poursuivre : «En Algérie, ce volume n’est toujours pas atteignable, surtout lorsqu’on se compare au volume brésilien estimé à 32 000 m3 et européen de l’ordre de 25 000 m3 ».

En Algérie, précise le conférencier, «la consommation moyenne d’un habitant en eau potable avoine les 180 l/j». Bien que ce ratio est faible, mais l’Algérien, selon M. Kettab, consomme mal son eau car il y a le gaspillage. «Le problème ce n’est pas l’existence de cette ressource, mais c’est le gaspillage.

Près de 45% de l’eau distribuée sur les réseaux partent dans la nature. Les autorités peinent à régler ce problème», a-t-il poursuivi avant d’enchaîner : «Il y aura près de 3 milliards de personnes qui n’auront pas accès à l’eau d’ici 2025. 75% de l’eau mondiale est contrôlée par douze pays, notamment les USA et la Suède. Il y a près de 2,6% de l’eau douce dans le monde alors que plus de 97% est salée». «L’Algérie ne profite pas des pluies qui tombent chaque hiver.

Il y aurait plus de 10 milliards de m3 d’eau qui tombent, près de 70% partent dans la nature et dans l’agriculteur qui demande près de 6 000 m3 par an et par hectare». L’orateur estime que l’agriculteur aura besoin de plus de l’eau à l’avenir pour élargir le périmètre irrigué qui n’est que de 850 000 hectares actuellement.

L’État a construit près de 80 barrages hydriques à travers le territoire national, mais il faut penser à valoriser ces infrastructures afin qu’elles génèrent des richesses et des fonds en ces temps de pénuries d’eau, notamment en matière de pêche continentale et de tourisme», explique M. Kettab. Selon cet expert international, l’Algérie devra investir 600 milliards de dollars pour résoudre définitivement la problématique de l’eau.

«L’Algérie a un grand potentiel de produire de l’eau par le dessalement de l’eau de mer en raison de son vaste littoral méditerranéen. Selon le conférencier, le pays a un excédent de production et il export près de 6% de l’eau produite. Près de 840 millions de m3 d’eau ont été produites par les treize stations de dessalement en Algérie, alors que près de 1 milliard de m3 ont été produites par les eaux usées mais qui ne sont pas exploitées ou sous exploitées.

Pour régler ce problème, le conférencier préconise la formation de l’être humain aux métiers de l’eau et à sa préservation comme première étape. Ensuite, vient l’étape de mobilisation des ressources et l’utilisation des eaux sous terraines, puis le traitement des eaux usées et leurs réutilisations et, enfin, plaidoyer pour le concept ‘solidarité eau’ qui consiste à transférer de l’eau aux régions qui en manquent.

La réutilisation des eaux usées n’est pas généralisée en Algérie alors qu’elle constitue une alternative meilleure en temps de crises. À Boumerdès, par exemple, on dénombre près de cinq stations d’épuration dont l’eau épurée ne fait plus profiter à la population. Seul un taux ne dépassant pas les 2% sont utilisés dans l’irrigation de champs agricoles, notamment dans la vigne à Corso. La grande partie est jetée dans la nature ou dans la mer comme ce fut le cas des eaux en provenance de la STEP de Boumerdès.

Malgré les insuffisances, près de 98% de la population de notre pays a accès à l’eau, alors que 98% est raccordée au réseau d’assainissement. Nous sommes les mieux classés notamment en Afrique et dans certains pays asiatiques et nous avons atteint en grande partie les objectifs millénaires tracés par les Nations Unies», s’est réjoui le conférencier qui affirme que près de 2,6 milliards de personnes n’ont pas d’installation sanitaire.

L’eau source de conflits et de guerres

Ce liquide vital est une source de guerre et de paix entre les nations. Les conflits liés à l’eau sont légions, notamment au Moyen Orient (Palestine et Israël), au Sénégal et en Inde particulièrement. Selon lui, l’eau est une source de coopération internationale comme ce fut le cas de la Turquie et l’Arabie saoudite ou bien l’Égypte avec les neufs pays que traverse le delta du Nil.

«L’ONU a recensé près de 1 800 litiges liés à l’eau dans le monde. En 1979, le président égyptien, Anouar Sadat, avait déclaré que son pays s’engagera en guerre uniquement s’il s’agira de problème d’eau», a-t-il appuyé. Le conférencier dira que l’Algérie qui entretient de bonnes relations avec ses voisins n’aura pas à craindre des tensions nées de l’aggravation de la pénurie en eau, et ce malgré le partage des eaux avec certains pays comme la Libye.

«Notre pays n’a pas de frontières terrestres avec des pays voisins, au contraire il est doté d’un littoral méditerranéen très vaste qui lui permet de développer les technologies de dessalement de l’eau de mer», a-t-il fait savoir. En matière d’électricité, 98% de la population est raccordée au réseau d’énergie électrique et l’Algérie a très avancé dans ce domaine, notamment par la réalisation de centrales électriques et thermales. R

achid Ali Abdellah, directeur exécutif de la commission énergie à l’union africaine, a déclaré que le continent noir utilise à 80% de l’énergie fossile (gaz et pétrole) et 23% de la population utilise l’énergie verte alors que 1,86 n’utilise que de solaire, tandis que la consommation de biomasse avoisine les 50%.

Cet expert a fait savoir que l’Algérie est mieux avancée dans le domaine de développement de l’énergie électrique par rapport à plusieurs pays africains. Courant de la prochaine décennie, l’Algérie sera confrontée à des problèmes croissants d’approvisionnement en eau et en électricité, où la satisfaction des besoins de la population nécessite des solutions urgentes.

Les objectifs du développement durable suscitent une lueur d’espoir d’un accès universel à l’eau et à l’énergie visant à développer les infrastructures hydrauliques et d’accroître la part des énergies renouvelables. La production de l’eau et de l’électricité nécessite la mise en œuvre et l’utilisation des technologies appropriées et en optimisant l’utilisation des ressources locales en énergies, en matériaux et en main d’œuvre qualifiée et bien formée.

L’objectif étant de présenter des solutions innovantes à moindre coût pour la coproduction de l’électricité et de l’eau. Lors de la même journée sur les technologies innovantes, des expériences en matière de préservation de l’environnement des risques des eaux usées ont été exposées et débattues par les experts qui ont mis en valeur ces solutions biologiques au traitement des eaux usées et leurs récupération pour êtres réutilisées.

Mlle Ladji Hadda du laboratoire de la recherche sur les technologies alimentaires, dans son étude de cas sur les rejets des eaux usées à Béni Messous à l’ouest d’Alger, précise que ces rejets risquent d’avoir un impact négatif sur l’environnement. «Un excès d’apport en phosphore et en azote dans l’environnement pourrait contribuer à l’eutrophisation des plans d’eau des environs et la contamination des ressources en eau superficielles et souterraines par ces eaux pourrait avoir des effets nocifs sur la santé de l’être humain et sur la faune et la flore», a-t-elle conclu.

Une autre expérience de récupération et de traitement des eaux usées en utilisant des gravats et des roseaux a démontré, par ailleurs, son efficacité dans le traitement biologique des rejets et permet également de préserver l’environnement et le sol particulièrement. La phytoépuration par filtre à roseau est une alternative traditionnelle et écologique à moindre coût, mais malheureusement n’est pas pratiquée. Cette technique écologique était utilisée en Europe en Allemagne et aux Pays Bas, notamment depuis les années cinquante. Elle, à ce jour, utilisée et se répand rapidement en raison de son coût bas et les moyens, équipements et produits utilisés.

Youcef Z.

Partager