Quelle forme pour la transition ?

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La mobilisation fut exemplaire avant-hier encore à l’occasion du 7e vendredi de «la révolution joyeuse», qu’elle soit à Alger ou dans les autres wilayas du pays.

La démission, mardi dernier, d’Abdelaziz Bouteflika du poste de président de la République, acté par le Conseil constitutionnel, n’a en rien entamé la détermination du peuple algérien qui veut exercer réellement l’énoncé de l’article 7 de la Constitution. Maintenant, c’est de l’application de l’article 8 de la Loi fondamentale qu’il est question, notamment l’alinéa premier stipulant «le pouvoir constituant appartient au peuple».

Reste à savoir comment ce peuple, qui continue de faire pression sur les tenants des pouvoirs, politiques et militaires, pourra accéder à ce pouvoir que lui confère la Constitution sans jamais l’exercer. La période de transition qui s’ouvre cette semaine, à la faveur de la réunion «de plein droit» du Parlement pour entériner le constat de la vacance du poste de président de la république et la désignation d’un chef de l’Etat pour assurer l’intérim jusqu’à la tenue d’une élection présidentielle, paraît problématique.

Si l’état-major de l’armée, ayant contribué à la démission de Bouteflika mardi soir, tient mordicus au respect de la Constitution dans les démarches à suivre pour en finir avec la crise, les Algériens qui défilent depuis le 22 février ne l’entendent pas de cette manière. Les partis et personnalités politiques non plus. Les slogans brandis hier dans la quasi-totalité des wilayas du pays témoignent du désir d’un changement radical, y compris concernant les figures devant mener la transition.

L’appel au départ des «3B» n’est pas pour agrémenter la sonorité des slogans, mais pour signifier aux concernés, mais surtout au chef de l’état-major de l’ANP, que la transition se fera sans Bensalah ni Belaïz ni Bedoui. Ce qui sous-entend la démission des trois personnages à la tête des institutions législative, exécutive et de contrôle qui est le Conseil constitutionnel, avant l’entame de la période de transition. Sauf que les choses risquent de se corser si Gaïd Salah s’entête sur le strict respect de la Constitution, notamment son article 102, que le peuple rejette.

Ainsi donc, ce que Gaïd Salah veut et ce que le peuple réclame s’avèrent antinomiques et risqueraient de perdurer la protestation. «7e vendredi de grande mobilisation algéroise. Sans doute la plus massive de toutes. Suffisant pour indiquer à Gaïd Salah la voie à suivre : pas de Bensalah ni de Belaiz ni de Bedoui. La transition doit être confiée à un conseil désigné par le peuple. Il sera protégé par l’armée», a tweeté le journaliste-écrivain, Nordine Grim, comme pour refléter ce que le peuple algérien réclame dans son 7e vendredi de mobilisation.

La tâche est donc ardue pour le chef militaire qui ne peut pas sortir du cadre juridique, balisé par la Constitution, pour prendre une quelconque décision politique. Une prérogative qui lui est strictement interdite, notamment au vu du principe de la séparation des pouvoirs, mais aussi du point de vue éthique. Gaïd Salah, qui ne cesse d’affirmer l’attachement de l’ANP à son peuple, et «d’être aux cotés du peuple dans le meilleur et dans le pire», n’a pas d’autres choix que de se tenir à la revendication du peuple, qui est sa protection y compris dans le processus du changement qu’il veut amorcer afin d’exercer sa souveraineté.

Le slogan «Djeich – chaâb, khawa khawa (armée – peuple, frères)», qui revient tel un leitmotiv dans les manifestations, traduit à quel point le peuple est attaché à son armée de laquelle il demande protection et non pas qu’elle lui impose la démarche à suivre dans le processus de changement du système, fut-elle constitutionnelle.

D’aucuns espèrent l’autodissolution des deux chambres du Parlement dès la validation de la vacance du poste de président de la République prévue cette semaine, afin de pouvoir amorcer le processus de transition sans Bensalah ou son éventuel successeur à la tête du Sénat, si bien que rien n’indique le changement imminent à la tête de la chambre haute. En dépit de ce scenario, la transition de 90 jours demeure intacte au regard de la Loi fondamentale avec la nomination de Belaiz, lui aussi contesté, pour assurer l’intérim du chef de l’Etat.

Bedoui non plus ne pourrait mener l’Algérie vers une nouvelle élection présidentielle en cas de défection de Taïb Belaiz, car lui aussi est décrié. Il est même appelé à démissionner avec son nouveau gouvernement. La dissolution de ces trois institutions de l’Etat, réclamée par le peuple, donnera automatiquement le droit à l’intervention du Haut conseil de sécurité qui, à ce moment-là, pourrait accéder à la revendication du peuple, en faisant appel à des personnalités jugées neutres pour guider la transition et préparer le terrain à une élection présidentielle. Reste à savoir si la révision de la Loi électorale et de la Constitution serait la démarche sine qua non avant d’aller à l’élection d’un nouveau président de la République.

M. A. T.

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