Entre nostalgie et désaffection !

Partager

La population tizi-ouzéenne est-elle a ce point fatiguée et lassée après tant d’années de lutte acharnée contre tout ce qui symbolisait l’Etat, pour afficher presque une indifférence vis-à-vis d’une date historique qu’est le double anniversaire du printemps berbère et des evenements de 2001 ? Nous sommes à la veille de la commémoration de la première date et rien à Tizi-Ouzou ne dit qu’il y a un évènement. On est loin du grand stress qui gagnait la ville à l’approche de ces deux dates qui ont marqué, faut-il le préciser, l’histoire de la région. Nous avons sillonné, hier, les grandes artères de la ville des Genêts, les citoyens avec lesquels nous avons discuté évoquaient plutôt l’érosion du pouvoir d’achat, la cherté de la vie : “Je pense qu’il y a eu des acquis sur ce plan qui ont satisfait, plus au moins les habitants de cette région rebelle, le combat identitaire a été porté par la population durant des années, beaucoup de sacrifices ont été consentis pour la cause, les gens ont besoin de souffler, de regarder l’avenir avec optimisme”, nous dit Hacène, la trentaine, fonctionnaire au sein d’une résidence universitaire. Kamel, lui, a 25 ans, il fait partie de la génération de 2001. Emeutier durant les événement du Printemps noir, il tente, bien que difficilement, de gagner sa vie en assurant le gardiennage dans un parking au Sud de la ville des Genêts : “Comment voulez-vous célébrer l’évènement d’avril 2001 dans cette situation qu’est la mienne. J’était émeutier en 2001 et j’ai failli à plusieurs reprises perdre la vie. Que reste-t-il de l’idéal pour lequel nous avons risqué nos vie, rien ou presque, notre priorité c’est avoir du travail et fonder une famille”, nous indique le jeune Kamel. Sur les murs de la ville de Tizi-Ouzou, les graffitis qui “ornaient” jadis les murs qui constituaient un efficace d’expression et qui véhiculaient les revendications “démocratiques” de la jeunesse ne sont plus les mêmes. Les “pouvoir assassin”, “ulach smah ulach”, et autre slogans hostiles au pouvoir central ont cédé de l’espace pour les “3e mandat pour Bouteflika”, “vive Ouyahia”, même si dans certains quartiers, l’on a gardé le même jargon. “Les Genêts” par exemple. Même si pour certains, cela peut s’apparenter à un début insignifiant d’une transformation graduelle, d’un changement qui commence à s’opérer dans la région, d’une démobilisation citoyenne.

En dehors de la maison de la culture qui abrite depuis jeudi passé, la semaine de l’amazighité, de la permanence de la CADC qui a célébré le 8e anniversaire du Printemps noir, la majorité de la population est restée vraiment en marge. Cet état d’esprit n’est pas l’apanage du chef-lieu de wilaya, les villages de Tizi-Ouzou, qui retrouvaient un décor particulier à l’approche de l’anniversaire du Printemps berbère, affichent une indifférence qui renseigne de l’état des lieux de la revendication politique et de l’impasse dans lequel s’est, paradoxalement, “embourbé” le combat identitaire. A Oudhias, par exemple c’est l’équipe de la Maison de jeunesse du chef-lieu communal qui a pris sur elle l’animation culturelle. Une série de conférences-débats sont à ce sujet prévues en plus des expositions ayant trait à l’évènement. Amar Kherous, directeur de la structure, nous fera savoir qu’il s’agit d’un rendez-vous incontournable : “La Maison des jeunes est ouverte à toutes les franges de la société. Nous avons un plan d’action annuel qui prévoit entre autres la célébration de l’anniversaire du Printemps berbère en collaboration avec le mouvement associatif local, tel que l’association Tamkadbout d’Aït Bouaddou”. Non loin de là, au siège de la mairie, nous avons sollicité l’avis de Oued Smaïl, ex-délégué du mouvement citoyen, actuel 1er adjoint à l’APC, sur le climat et le contexte de la célébration de ces deux dates charnières pour la région. “Comme vous l’avez constaté, il y a une relative indifférence de la population. Cela est dû à des paramètre endogènes et exogènes au mouvement qui ont conduit à l’effritement.

Je peux vous citer les tiraillements internes de la structure qui ont fini par éloigner la population de ses propres délégués. Il y a eu aussi des erreurs stratégiques et les manœuvres diaboliques des tenants du pouvoir ayant empêché le mouvement d’atteindre ses objectifs. La démobilisation est le résultat de l’état d’esprit qui a marqué les moments post-dialogue avec ces deux facettes”, dira notre interlocuteur.

De leur côté, certains militants politiques, particulièrement ceux du vieux parti de l’opposition, le FFS en l’occurrence, mettent le doigt sur le phénomène de normalisation qui a fini par emporter “partiellement” la vocation revendicative de la région. “Il y a eu des manœuvres qui ont fini par produire cette situation. La folklorisation des festivités commémorative de l’évènement en est en partie responsable”, fat remarquer un militant du FFS. Et le mouvement associatif ? Le tissu associatif a de tout temps constitué l’élément moteur de toute les dynamiques de revendication dans la région, Celui-là est rentré, hélas, dans une agonie terrible laissant un vide en termes d’animation culturelle et scientifique. “A Boudjima les associations ont été laminées par les velléités de récupération partisanes et de tentative de déstabilisation qui ont fini par démotiver les plus convaincus, des partis se proclamant de la démocratie et de la culture ont tout fait pour faire capoter toutes les initiatives visant à redorer le blason du combat identitaire”, nous raconte Hocine, un étudiant originaire de la localité de Boudjima. Ce dernier notera que pour demain, seule l’université marchera. “La marche du 20 avril est une tradition qui doit rassembler les parties impliquées dans la lutte pour la consécration entière des droits de la population locale.”

Ce constat, de Karim jeune enseignant universitaire, ne veut nullement signifier que la région a sombré dans l’amnésie. Au contraire, dira-t-il, “c’est le sentiment d’une fatigue après tant d’années de lutte. La Kabylie a été longtemps seule contre tous, il est temps qu’elle se rapose, marque une halte, fasse le bilan et détermine les perspective et les moyens d’y arriver”, dira-t-il.

A. Z.

Partager