Les mendiants ont du génie

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Les mendiants ont du génie. Pour sustenter la charité il faut sans conteste avoir plusieurs flèches à son arc. Cela, tout le monde l’a remarqué à ses dépends. 

On est abordé soit par un  homme tiré à quatre épingles a qui on aurait volé le contenu de ses poches ou sa serviette qui contenait une fortune, soit par une femme traînant à ses pieds un enfant, soit par un éclopé apparent, soit par un homme ou une femme vous mettant sous le nez une ordonnance ou des boites vides de médicament. Toutes les astuces sont valables, pourvu qu’ils rapportent. Ces catégories, qu’elles soient poussées par des impératifs de crise dans leur pays comme les syriens et les maliens ou par des coutumes ethniques tels les Beni Adass tunisiens, se retrouvent, depuis peu pour les premiers et des décennies pour les seconds à Tizi-Ouzou et se partagent de différentes manière l’espace urbain. La mendicité telle que généralement définie, est la forme la plus sensible et la plus grossière de l’indigence solliciteuse. Elle s’adresse indifféremment à tous et à chacun. Elle erre de porte en porte, de lieu en lieu; elle s’établit sur la voie publique, sur le seuil des temples; elle cherche les endroits les plus fréquentés; elle ne se borne pas à exprimer ses besoins, elle en étale les tristes symptômes; elle cherche à émouvoir par ses dehors autant que par son langage; elle se rend hideuse pour devenir éloquente; elle se dégrade pour triompher. Le mendiant quitte sa demeure, son pays même. Il cherche des visages inconnus, des personnes qui ne l’ont jamais vu et qui ne le reverront jamais. Il s’abreuve d’humiliations comme à plaisir: l’indigence alors ne reçoit plus de bienfaits, elle perçoit des tributs; elle ne doit rien à la charité elle doit tout à la fatigue ou à la crainte. 

Les gens du voyage… sédentaires

Pour les tunisiens, une soixantaines de familles, des gens du voyage dans leur totalité qu’on appelait « Beni Adass », ils sont arrivés à la ville des Genêts au début des années quatre vingt dix, fuyant, à les en croire, l’insécurité terroriste régnant alors au bidonville du Gué de Constantine, à la périphérie d’Alger où ils étaient installés il y a de cela des lustres, et où ils s’adonnaient, pour les hommes, à des travaux de fortune et pour les femmes accompagnées de leurs marmailles à la mendicité dans le bassin algérois. A leurs arrivées à la capitale de Djurdjura, ils ont été convoyés par le Consul de Tunisie et accueillis par le wali d’alors, Nadir Hmimid et le président local du CRA, feu Si Moh El Kechaï. La wilaya et le Croissant rouge après avoir dégagé une assiette de terrain pouvant les recevoir, située dans un terrain désaffecté tout près de Oued Aïssi, ont mis à la disposition de ces familles des tentes, du matériel de couchage et de la nourriture. Aussitôt installées, ces réfugiés ont mis au point leur dispositif d’occupation des lieux. D’abord, en instaurant le black out sur tout ce qui les concerne. Nous nous sommes rendus à leur « bivouac » juste après leur installation. Nous fûmes reçu par un homme d’un certain âge, certainement leur chef, qui nous signifiât tout de go que nous n’étions pas les bienvenus, tout en précisant, qu’ils ont reçu « des instructions fermes du Consul de Tunisie de ne pas s’adresser à la presse ni à personne d’autre pour quelque motif que ce soit». Ensuite, ils se sont départagés les tâches : les hommes travaillent dans les sablières jouxtant leur camps, sur le lit de l’oued Sébaou et les femmes et leurs enfants, en bas âge, accoutrées pour la fonction, s’occupent de la mendicité. Elles s’adonnaient avec l’art et la manière la plus théâtrale possible à cette « besogne ». Le matin, des fourgons, loués au mois, viennent les chercher pour les amener au centre-ville et les déposer dans des espaces ciblés en fonction de leur apport, mosquées, entrées d’hôpitaux et autres lieux fréquentés par les éventuels donateurs. Comme l’appétit vienne en mangeant, elles en sont arrivées parfois à forcer la main, par persuasion et parfois par des menaces ouvertes pour dérober quelques sous aux passants. Chacune de ces femmes jouait à la perfection son rôle pour contraindre, souvent à leur corps défendant hommes, femmes de tous âges, à mettre la main à la poche.  Ces gens du voyage nord-africains, à l’image des tzigane ou des manouches outre méditerranée, observent les mêmes règles comportementales. Elles s’adonnent en plus de la mendicité à la voyance et ne respectent aucune loi du pays d’accueil même pas la plus élémentaire, comme scolariser leurs enfants en âge d’aller à l’école. D’ailleurs, à Tizi-Ouzou, on a tenté de les contraindre à scolariser leurs progénitures, en vain.  Pas plus loin  que l’année dernière ils ont été à l’origine de bagarres en règle avec les habitants des villages limitrophes tant leurs atteintes à la sécurité des passants étaient devenues intenables.    

La méthode des ressortissants syriens

Pour le cas des ressortissants syriens fuyant les événements qui accablent leur pays, et pas des réfugiés, puisque c’est l’appellation d’usage officielle auxquels les pouvoirs publics ont proposé pour leur hébergement le Centre psychopédagogique pour handicapés mentaux de Boukhalfa et qu’ils ont dédaigné pour des raisons de confort inadapté à leur goût, préférant louer des logements auprès du privé et sollicitant la générosité des Tizi-Ouziens par des astuces plus amènes. Ils proposent des mouchoirs en papiers et autres subtilités contre des dons en espèces de préférence. Ils sont au nombre de 118, selon le décompte de la Direction des affaires sociales de Tizi-Ouzou. De plus, les services sociaux de la wilaya les reçoivent périodiquement, chaque quinzaine, pour leur remettre des aides alimentaires. Ces réfugiés investissent plutôt les lieux de foule, comme les mosquées le vendredi, et les marchés hebdomadaires où ils sont pratiquement assurés d’avoir de quoi mettre du beurre dans les épinards. « Il y en a même parmi eux des gens qui parlent à la perfection le Kabyle», nous dit M. Derrich, directeur, par intérim, des affaires sociales. Cela écrit, la mendicité dans la wilaya de Tizi-Ouzou est suivie par une cellule composée par la DAS, la Protection civile, la Gendarmerie nationale et la Direction de sûreté de wilaya. Il reste à relevé que ce fléau, qu’est la mendicité a réellement reculé ces dernières semaines, car on ne voit que très rarement les troupes de mendiants enguenillés dans les rues de la ville de Tizi-Ouzou. . Pour ce qui est des maliens leur présence  a été le moins qu’on puisse dire furtive. Il n’ y a pas de place pour trop de mendiants, ils ont dû décamper.

 Sadek A. H.

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