Brochettes à la criée

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Certains n’ayant pas trouvé de place pour se ranger,n’hésitent pas à se mettre en deuxième position, ce qui ne manque pas de créer quelques escarmouches entre automobilistes qui empruntent cette artère connue pour sa circulation intense et l’activité de ses abattoirs. Des jeunes gardiens de voitures auto-proclamés sont là pour indiquer l’endroit où garer et vous guider au moment de quitter les lieux, moyennant une pièce de 50 DA, des fois plus. L’odeur des grillades, l’étalage, les présentoirs frigorifiques aux néons de couleur rose, donnent une couleur de fraîcheur aux brochettes proposées. Le passager regarde, hésite et finit par céder aux effluves odorantes de la viande grillée. La concurrence est rude. Une vingtaine environ de commerces de “choua”, ou rôtisseries, raison sociale consacrée par le centre du registre de commerce, dont la plus grande partie est de création récente. Certains propriétaires ont investi pour satisfaire une clientèle de plus en plus exigeante et composée de gens de la Niddleclass supérieure. Les “chouwayines” qui disposent de locaux plus spacieux réservent des salles avec climatisation aux familles qui s’habituent de plus en plus à ces lieux. Contrastant avec des abords extérieurs peu engageants, l’intérieur est souvent d’une propreté irréprochable avec des efforts sérieux en matière de décoration. La qualité de service est excellente dans le plupart des commerces.

L’arrivée progressive des nouveaux “chouwauyine” a été mal accueilli au début par les trois ou quatre commerces qui disposaient d’une sorte de monopole sur la rue des Fusillés. Mais, dira Nacer, “la multiplication des “cawayine” a été bénéfique pour tous, puisque la clientèle s’est agrandie avec la réputation, colportée de bouche à oreille, où les brochettes sont bien en chair et n’on rien à voir avec les minables bouts de viande vendus à la rue Tanger à Alger-centre.” Nacer qui est dans la viande (boucherie) comme son frère ainé l’a été avant lui, admet que son inquiétude n’était pas justifiée. Depuis l’afflux de la concurrence, il a loué deux autres grands locaux au prix fort (100 000 et 150 000 dinars par mois) pour étendre son activité et répondre surtout à une demande de plus en plus grandissante. Cette concentration des rottisseurs rappelle celle des grossistes de l’électroménager du Hamiz ou de Bab-Ezzouar, ou ceux de Kouba (jolie vue) pour les produits alimentaires.

Une véritable aubaine

A voir le nombre de clients, le défilé de voitures parfois contraints de faire un ou deux tours pour trouver un stationnement surtout en début de soirée, on se rend compte que ce genre de commerce est une véritable aubaine. La clientèle est si régulière et si nombreuse que beaucoup de “chouwayine” ont doublé, voire triplé le nombre de leur ouvriers (serveurs, grilleurs, plongeurs etc) pour les faire employer en “brigade”. Les rotisseurs de la rue des Fusillés travaillent même peuvent la nuit alors que la plupart des quartiers d’Alger dort. Les bénéfices nets qui peuvent atteindre quelques centaines de millions/ an sont proportionnels à l’effort fourni quotidiennement. “C’est un commerce juteux et porteur, mais très harassant”, constate Nacer. “Satisfaire une clientèle exigeante et la préserver, gérer un personnel atteignant par saison de 15 à 20 personnes, s’approvisionner en viande de qualité etc; n’est pas chose aisée, “renchérit Kader la quarantaine passée, installée depuis plus de dix ans à la rue des Fusillés. C’est ce qui fait dire à notre interlocuteur que les propriétaires de locaux se trouvent dans tout le quartier des Annnasers et à proximité des abattoirs préfèrent louer que de s’aventurer dans ce genre de créneau très pénible.

Les avis des clients divergent

Les clients ne sont pas unanimes sur la qualité des brochettes.

Ce qui est offert est très varié : brochettes de viande, de foie, rognon blanc et rouge, brochettes royales nettement plus grosses dont les morceaux de viande alternent, non pas avec des bouts de graisse, mais avec des tranches de tomates, d’oignons et de piment doux. On propose aussi des brochettes de viande de dinde et du bouzelouf ovin. Tous les clients ne croient pas au mythe de la rue des Fusillés. Certains affirment ne pas être vraiment satisfait et ils soutiennent que ce sont les abattoirs qui créent l’illusion chez la clientèle qu’ils auront de la viande fraîche et de bonne qualité.

Rue Didouche Mourad : au rythme de la pizza

Cette rue aux trottoirs, tantôt larges, tantôt exigus se réveille chaque jour au rythme de la bouffe. Une vingtaine de boulangeries, de pizzerias, de fast-foods, et plus d’une quinzaine de “gargotes” qui sévissent seules “avant l’ère des pizzerias et des fast-foods. Dès huit heures du matin, les premiers fast-foods et pizzerias ouvrent leurs portes. Nettoyage. “En général, ça commence vers 10 heures, mais il faut se préparer” insiste le jeune gérant. “D’ailleurs à 7 heures du matin, nous commençons les préparatifs, c’est un métier pas facile. J’habite dans le quartier et malgré cela, je travaille sans arrêt de 6 heures à 22 heures, sous une température de plus de 600 degrés”. Sa famille, il la voit rarement “Il faut faire des sacrifices” pour les dettes. les pizzerias qui “fonctionnent bien”, ne payent pas le loyer. Le local ? “C’est à la famille”. La location d’un local comme le sien à l’ex.rue Michelet est de 12 000 DA. Entre 21 et 26 ans, au look très varié, mais in à la “gomina”, les jeunes gérants des pizzerias les plus “hetta” (chic) de Didouche ont une clientèle fidèle, tirés sur le volet et même plus. Elle n’habite pas spécialement le quartier, mais ici à Didouche “On se connaît presque tous”. Souvent, ils (clients et gérants) finissent la soirée ensemble dans les boites de nuit. Les plus anciennes des pizzerias se plaignent de la concurrence “mon chiffre d’affaires à baissé de presque 60 %, Avant je faisais travailler 10 personnes, aujourd’hui on est quatre”. Ces pizzerias se transforment et vendent en plus divers sandwiches à différents prix. “Il y’a énormément de passants à Didouche qui n’ont ni le temps ni l’argent nécessaires pour s’offrir une pizza, alors on est là”. Les prix ?” Cela dépend les “wache takoul”, ! ça varie entre 15 DA et 350 DA. La spécialité de la maison ? “c’est la plus chère”. Un point commun : Les spécialités pas moins de 400 DA l’une et portent le nom de l’établissement. Mais “très peu de clients en prennent”. Durant les dernières années, la clientèle à beaucoup changé “les clients vérifient jusqu’au moindre centime le coût du couvert”. il y’a cinq ans “je faisais de la restauration avec boissons alcoolisées”.

Mais ça a changé pas d’alcool et ça va mieux. “On est pas des gens qui savent manger et boire, les gens viennent pour se saouler la gueule et moi je refuse d’être un barman.” Aujourd’hui sa clientèle est mieux, des adolescents à la recherche d’intimité, des familles, et il gagner mieux. Du côté de la vingtaine de restaurants, qui jonche les ruelles et artères de Didouche, une demie douzaine de clients entre midi et 14 heures. Alors… vos clients ? “A l’image du pays” réplique le patron, pas l’air du tout inquet. “ça dure depuis plus de 10 ans, depuis la guerre, notre clientèle a presque disparu, avant j’avais un personnel de 10 personnes aujourd’hui je tourne à trois”. Et la location ? “On a investi ailleurs, là où il y a la boisson, la musique et autres loisirs…” De Sacré Cœur à Audin” pour un peu d’intimité et beaucoup de séduction”, il faut aller bouffer. Et pour cela, il faut payer le prix.

S. K. S.

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