Entre plaidoyer et démolissage !

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On parle de bavures médicales étouffées, d’avortements illégaux et bien d’autres tares et maux quand on aborde les «squelettes enterrés» du secteur privé, mais nul n’a eu à en leur existence. Est-ce par lâcheté ? Absence de preuves ? Ou seulement en raison du non fondement de ces accusations. Fait-on seulement dans le démolissage ? Si une clinique est «protégée», il s’en trouverait bien une du reste des cliniques du secteur privé qui paierait les frais de ses erreurs. Si les gens ne dénoncent pas c’est qu’il n’y a rien à dénoncer.

Le bien fondement de ces charges retenues contre les cliniques privées n’a jamais été prouvé publiquement ni dénoncé. On parle alors de racolage de malades, de coûts excessifs, ainsi que le taux de césariennes et de «boucherie légale». Et les imputations et les tares qu’on attribue aux cliniques du secteur privé sont multiples sans pour autant en perdre même la réputation et la popularité qu’elles ont pu gagner auprès des patients, au cours de ces dernières années. Laissons un peu le simple citoyen condamner ou cautionner ces institutions.

Y a-t-il vraiment plus juste pour en juger ? Il n’est pas question, ici, de défendre l’indéfendable, il est juste question de laisser la parole libre aux patients et malades qui choisissent ce service au lieu d’un autre, souvent au détriment même de leur bourses qui ne supportent, pour la plupart, pas les factures des soins prodigués par ces cliniques. Seulement, si du côté des malades on fait fie de tout même des trous budgétaires, ne serait-il pas justifié par les avantages qu’on s’offre dans le privé et qu’on ne trouve pas forcément dans le secteur public. Un tour dans les cliniques privées et quelques témoignages suffiront pour nous renseigner sur les motivations des uns et des autres.

Puis, s’il y a jugement plus juste, ce ne serait que celui du malade lui-même ou de ses proches. Ce sont les citoyens qui voient, subissent et payent de leur poche. Ecoutons-les ! A chacun son expérience. Commençons par ceux qui trouvent que les soins sont excessivement chers même s’ils défendent toutefois la qualité de ces derniers dans la plupart des cas. Le confort et l’accueil sont également avancés et vantés. Et ces derniers se paient, selon la plupart des patients rencontrés dans certaines cliniques. Notons, tout de même que nous n’avons pris en considération que les cliniques du centre-ville. Lisons un peu ce qu’on y entend.

Pour Issad, 58 ans, papa d’Amine : «Si j’opte pour la clinique privée pour les nombreuses interventions de mon petit garçon, ce n’est pas parce que j’ai de l’argent à jeter par les fenêtres. Je n’ai pas le choix.

Mon fils a déjà subi une intervention dans le service ORL d’un hôpital de la capitale sans succès. Ce n’est pas trop l’échec de l’intervention qui m’a motivé à opter dorénavant pour le privé parce que même au niveau de cette clinique, mon fils a également subi une seconde intervention qui a échoué. Il en est à sa troisième pour sauver ce qui lui reste comme capacité d’audition. Ce qui m’a contraint en quelque sorte à choisir le privé, c’est l’état d’esprit de mon bambin lorsqu’il était hospitalisé pour la première fois. Il en a été traumatisé. Etant loin de la capitale, ma femme était contrainte de rentrer pour s’occuper du reste de la famille, moi je suis resté à l’hôtel. Mon fils se sentait seul sans sa mère. Puis, il faut dire qu’en dehors des spécialistes qui distribuent quelques gentillesses aux enfants hospitalisés lors des visites quotidiennes, le reste du personnel de l’hôpital semble inconscient du fait que ces enfants ont besoin d’attention. Leur indifférence perçue comme de la méchanceté par la plupart des enfants, était mal vécue par mon fils. il en garde un souvenir amer». Si Issad met «le prix» c’est en premier lieu pour les soins, bien entendu, mais aussi pour l’attention et le traitement dont jouit son fils. C’est important pour un enfant comme cela doit être pour tout un chacun.

Le papa de Djaffar est là pour les mêmes raisons : «Mon père est très vieux et a déjà l’expérience des hôpitaux. Les soins sont les mêmes partout. Les médecins des deux secteurs ont fait les mêmes études et ont les mêmes connaissances. Je ne mets pas en doute le professionnalisme du personnel du secteur public. Seulement, je ne voudrai aucunement que l’état psychologique de mon père prenne encore un coup cette fois-ci. Je vous assure que je l’ai vu pleurer un jour à l’hôpital.

Il a passé plus d’une heure à appeler les infirmiers pour lui remettre la perfusion qui s’est détachée. En vain. Il n’a certainement pas appelé très fort pour qu’on puisse l’entendre mais j’aurai aimé que mon père n’ait pas à subir une telle détresse et qu’on ait pensé à passer de temps en temps voir son état et demander de ses nouvelles. Ne serait-ce que pour le soutien moral. Et je suis prêt à payer n’importe quel prix pour éviter à mon père une telle épreuve», pour dira Djaffar qui est prêt à tout pour le bien-être de son vieux père dont les hospitalisations sont devenue courantes ces dernières années. La plupart des témoins que nous avons rencontrés dans les cliniques privées sont unanimes concernant le fait que l’on ne dénigre en rien les services du secteur public, seulement il est évident que sur le plan des relations humaines il y a beaucoup de travail à faire.

Il est vrai que quand on est malade, on devient vulnérable quel que soit l’âge. Si on doit payer le prix d’un bon traitement, on le fait sans hésiter. Et les gens paient réellement cet avantage. Et cet argument a beaucoup joué en faveur des cliniques privées, notamment au niveau des maternités et services gynécologiques qui y sont rattachés.

Nous avons tous entendu parler des femmes enceintes malmenées et maltraités comme nous avons aussi eu vent des césariennes dont on use et abuse au niveau des cliniques privées. Les responsables des cliniques privées et les gynécologues qui y exercent ou qui utilisent l’infrastructure pour le compte de leurs propres patients avancent que la césarienne n’est pratiquée que par nécessité médicale ou par respect au choix de la patiente ou de son conjoint. Il est vrai que nombreuses sont les femmes qui optent pour ce choix. Il est vrai aussi que c’est un droit.

Les femmes qui y ont recours sont nombreuses.

Wahiba, 32 ans, maman d’une adorable petite Lina : «Je souffrais tellement des contractions que j’ai supplié mon gynécologue de pratiquer une césarienne. Il est vrai que l’intervention était plus au moins programmée. Mon gynécologue m’avait parlé des différentes possibilités d’accouchement dès le huitième mois de grossesse. J’ai bien réfléchit et je n’ai pas oublié l’«autre» alternative. Et j’ai vite décidé de ma délivrance». Même si elle regrette un peu de ne pas avoir résisté face à la douleur, étant donné les douleurs, plus au moins égales à l’accouchement par voie naturelle, que post opératoire d’une césarienne, Wahiba est très heureuse d’avoir eu à en finir avec l’accouchement qui l’a hanté des mois durant ! Si Wahiba a choisi son mode d’accouchement, certaines femmes n’ont pas eu le choix.

Pour Houria, 39 ans : «J’ai énormément souffert dans une maternité du service public vers laquelle je me suis orientée naturellement dès les premiers signes qui annonçaient l’accouchement. Etant à mon deuxième enfant, je me sentais plus en moins rassurée quant au déroulement de l’accouchement.

La tâche s’est avérée plus difficile que je ne le croyais. J’étais très faible et la sage-femme m’avait dit qu’en dépit du travail qui avait commencé depuis plus de 18 heures, le col n’était pas parfaitement dilaté. Et le supplice a encore duré des heures supplémentaires. J’avais tellement mal que les minutes devenaient des siècles. La douleur m’a complètement envoyé dans les vaps. Mon mari a pris la décision de me transférer dans une clinique privée pas loin de la maternité où j’étais. Après examen, on a décidé l’urgence pour une césarienne. Quelque heures après, je tenais ma petite entre les bras», Houria, regrette d’ avoir perdu autant de temps et qui garde bien des séquelles de cette éprouvante expérience.

La césarienne était une véritable délivrance pour elle, en tout cas. La césarienne n’est pas une règle en clinique privée, selon leurs responsables. Il est vrai d’ailleurs qu’on y pratique des accouchements par voies naturelles aussi. Il est vrai que le taux de femmes ayant accouché par voie naturelle dans ce genre de structures ne peut rivaliser avec les accouchées par césariennes mais l’accouchement par voies naturelles existe dans le registre des services des cliniques privées.

Sabiha, 31 ans, raconte : «C’est mon médecin traitant qui m’a fait accoucher ici. Il est conventionné avec cette clinique depuis des années déjà. Ma sœur qui est suivie par le même médecin m’en a vanté les mérites. Ma grossesse s’étant avérée sans risques, j’ai été tentée en dépit de toutes mes appréhensions concernant la césarienne. Mon mari était contre et m’avait dit que je risquais d’être déçue si on me faisait faire une césarienne injustifiée». Saliha a eu droit à un accouchement par voie naturelle comme elle l’avait souhaité et est sortie le lendemain de son accouchement avec quelques points de sutures d’épisiotomie. C’est toujours mieux qu’une césarienne ! «Et puis personne n’était là pour me crier dessus. On était à mon chevet à la moindre plainte. Je n’aurais certainement pas supporté qu’on soit indifférent à mes douleurs. C’est aussi pour ça que j’ai opté pour la clinique où j’ai accouché», conclut Saliha qui dit avoir économisé des mois durant pour assurer son accouchement et d’éventuelles surprises.

Il est vrai que les petites bourses ne peuvent rêver d’un séjour dans une clinique privée, quel que soit le service prodigué. C’est d’ailleurs l’un des reproches que l’on fait souvent au secteur public de la santé, avançant que l’on profite souvent de la détresse des malades et de l’insuffisance des infrastructures publiques pour s’enrichir. Les hauts responsables du secteur avaient même avancé à moult reprises qu’«il n’est pas interdit de s’enrichir à condition de respecter la science». Les cliniques privées qui n’ont de yeux que pour le pécule, selon eux. Les responsables des cliniques répondent qu’ils sont prêts à faire face à plus de durcissement des normes techniques étant sûres de leur professionnalisme et de la qualité des services qu’ils offrent et se défendent face aux idées reçues et exagérations autour des coûts pratiqués par les cliniques du secteur privé. Ils avancent entre 25 et 30% de gain sur le coût global du service. Ce taux est, selon eux, bouffé en partie par les innombrables charges auxquelles ils doivent faire face. Et puis, il faut bien amortir son investissement, se défendent certains, notamment récemment installés. L’investissement consenti dans ce genre d’infrastructure est énorme, selon la plupart des responsables de cliniques. Ils parlent du coût excessif du matériel et des différentes installations et des multiples charges que cela représente. Quand on compte sur des crédits bancaires, on est plus contraints que d’autres à «ne pas faire dans le social».

Le responsable d’une clinique du centre de la ville nous explique : «En tant que chirurgien et responsable d’une clinique je préfére ne pas avoir de relation directe avec l’argent du malade. Je préférerais plutôt avoir affaire avec la sécurité sociale. Seulement tant que ce n’est pas le cas, on reste la cible de certains et on est contraints de nous défendre. Vous croyez que nous pourrons un jour refuser les soins à quelqu’un de démuni ? Je ne crois pas qu’un médecin puisse refuser de porter assistance à un malade sous prétexte qu’il n’a pas de quoi payer ses soins. Seulement nous ne pouvons pas opérer et traiter gratuitement tout le temps. Si les banques nous prennent par le coup, nous aussi».

On reproche également aux cliniques privées de ne pas avoir d’équipes permanentes et de se contenter de conventions, concernant le corps médical et paramédical. Les responsables se défendent, quant à eux, par le fait que le personnel conventionné l’est par choix, en dépit des propositions de permanisation. Nul n’est intéressé de perdre un poste de travail dans le secteur public plus sûr ceci dit, pour rejoindre l’équipe d’une clinique privée et ne se contenter que de cela. Les responsables des cliniques avancent qu’ils ne peuvent assurer les exigences salariales de ces conventionnés étant donné qu’ils assurent, dans la plupart des cas, jusqu’à trois postes dans différentes institutions. Il est vrai que l’on ne peut pas payer l’équivalent de trois salaires pour une seule personne pour le seul prétexte de le débaucher du secteur public ou de chez un concurrent. Et la concurrence sera rude dans quelques temps, notamment avec la réalisation des six autres cliniques en projet dans la wilaya. Celles déjà installées ont déjà fait leurs preuves. La capacité d’accueil des cliniques déjà opérationnelle est de 180 lits. Ce qui n’est certainement pas négligeable. En plus des douze cliniques médico-chirurgicales installées en ville, à Draâ Ben Khedda et à Mekla, le DSP avait évoqué, il y a quelques semaines, l’existence de trois cliniques ambulatoires spécialisées dans l’ORL et l’ophtalmologie, ainsi que trois centres d’hémodialyses dotés de 56 postes de dialyse. Le secteur privé de la santé semble prendre de l’essor et c’est tant mieux, si toutefois, la profession est respectée. Cela impliquant toute l’humanité et abnégation dont devraient faire preuve ces sauveurs de vies.

Samia A.B.

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