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Pris en charge des personnes du troisième âge et pari de la solidarité nationale : La société face à ses responsabilités

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L’harmonie de groupe à l’échelle de la société et l’épanouissement des hommes à l’échelle des individus commandent à ce que la solidarité générationnelle soit prise en charge de façon impérieuse et efficace. Partout dans le monde industrialisé des mécanismes et des relais ont été institués afin de faire face à l’infortune qui touche des franges précises de la société.

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En Algérie, au vu d’un vieillissement progressif de la population algérienne confirmé par les chiffres de l’Office national des statistiques de l’année 2010 et même par le recensement général de la population et de l’habitat d’avril 2008, les société et les pouvoirs publics sont appelés à déployer dès à présent un trésor d’imagination pour la prise en charge de la catégorie de la population classée dans la catégorie de troisième âge. D’ici 2012, cette population atteindra plus de six millions de personnes. Actuellement, cette population est estimée, d’après le ministère de la Santé , de la Population et de la réforme hospitalière à 2.700.00 personnes.

Même si les questions de développement humain concernent l’ensemble de la population dans ses différentes classes d’âge, la spécificité des besoins des personnes âgées est une donnée naturelle établie dans la presque totalité des pays du monde. Dans notre pays, c’est là une problématique qui vient juste d’être effleurée par le monde associatif et les pouvoirs publics.

La presse écrite et la télévision ont eu à faire des reportages dans des zones où des Algériens mènent une vie d’infra-humains. Aucune statistique ne peut cacher ou détourner une plaie sociale appelée pauvreté d’autant plus que ces manifestations matérielles extérieures, ses ‘’radiations’’, sont visibles à l’œil nu. Outre une large frange de la jeunesse, le phénomène de la mendicité qui a pris ces dernières années une ampleur sans précédent dans les rues et les quartiers, la fouille de la nourriture dans les poubelles et d’autres manifestations aussi hideuses touchent, touchent aussi une grande partie de personnes âgées.

L’augmentation du nombre de personnes âgées- près de trois millions en 2010- est due au double phénomène du recul de la natalité et de l’accroissement de l’espérance de vie. Le gouvernement compte mettre un terme au départ à la retraite anticipée, avantage mis en place à la fin des années quatre-vingt-dix pour des quinquagénaires de bénéficier de la retraite sans conditions d’âge. Or, non seulement le phénomène à saigné à blanc l’administration et les entreprises publiques en matière de compétences techniques et managériales, mais, comme l’a souligné le ministre du Travail et de la Sécurité sociale, a crée un préjudice énorme pour la Caisse nationale de retraite. Le nombre de travailleurs- cotisants actuels ne permet pas de financer correctement les retraites. Si le système des retraites souffre ou s’effondre, ce sont d’abord nos parents- malades, esseulés, handicapés- qui en prendront un coup. Le système de la solidarité nationale est ainsi conçu pour assurer la cohésion entre catégories sociales et entre générations d’un pays.

Des valeurs qui se perdent

Au cours de l’année 2010, deux mesures importantes ont été prises dans le sens d’une meilleure prise en charge des personnes âgées. Sur le plan de la morale sociale qui établit depuis toujours des devoirs envers les parents et les vieilles personnes, une loi vient réhabiliter cet ancien réflexe profondément ancré dans la culture algérienne. Pourquoi donc une loi ? Il semble bien que le respect, la considération et la survalorisation que notre société vouait aux parents et personnes âgées sont maintenant plus un mythe qu’une réalité. La rue- avec ses mendiants et mendiantes, ses malades mentaux et autres marginalisés ayant été trahis par leur âge avancé- peut nous en apprendre sans doute mieux que les statistiques du ministère de la Solidarité nationale. Ces dernières peuvent compléter le tableau par le nombre de personnes élisant domicile dans les hospices de vieux, ramenés parfois par leur propre progéniture.

Contre les enfants qui abandonneraient leurs parents, la législation algérienne vient justement de prendre des mesures coercitives. Le président de la République a tenu à réaffirmer la volonté de l’État à « ne ménager aucun effort » pour mettre un terme à l’abandon des personnes âgées dans des centres de vieillesse et « assurer une vie décente aux générations qui ont consacré leur vie à bâtir l’Algérie et préparer le bien-être des nouvelles générations ». Rappelant aux enfants leur devoir de prendre soin de leurs ascendants, le président de la République a insisté sur la nécessité d’apporter une aide publique aux familles des personnes âgées lorsque celles-ci sont démunies, ou même en encourageant des familles disposées à accueillir des personnes âgées démunies qui n’ont plus de proches.

La tendance démographique en Algérie consacre, depuis ces dernières années, l’allongement de l’espérance de vie. Cette nouvelle réalité appelle les pouvoirs publics à renforcer le réseau des centres publics spécialisés de soins et d’accompagnement des personnes âgées, de former en nombre suffisant un personnel d’accueil et de soins de qualité.

Au cours de l’année, l’État a alloué une enveloppe financière de 23,8 milliards de dinars au profit de 708.000 personnes démunies bénéficiant de l’allocation forfaitaire de solidarité (AFS), dont plus de 292.000 âgées de 60 ans et plus.

De même, une enveloppe financière de l’ordre de 6,1 milliards de dinars a été dégagée au titre des cotisations à la sécurité sociale pour les bénéficiaires de l’AFS et de leurs ayants-droit.

L’autre innovation relative à la prise en charge des personnes de troisième âge est cet intérêt accordé à la création de centres de gériatrie. En effet, dans la plupart établissements hospitaliers des pays développée, la médecine spécifique aux personnes âgées (diagnostic, thérapie médicale ou psychologique, orientations,…) figure en bonne place dans l’organisation générale des ces structures. Des séminaires et journées d’études ont eu lieu en Algérie pour identifier les vrais besoins en la matière de façon à ouvrir des centres de gériatrie dans certains hôpitaux. En octobre 2010, le troisième séminaire sur l’éthique médicale organisé à Alger a insisté sur la formation de spécialistes en gériatrie avant de décider du lieu d’implantation des centres gériatriques. Ces derniers peuvent, d’après Moussa Arrada, doyen de la Faculté de médecine d’Alger, prendre la forme d’unités spécialisées dans certains hôpitaux. Le ministre de la Santé et de la Réforme hospitalière, M.Dajamal Ould Abbas, soutient, au cours de ce séminaire, qu’ « il faut optimiser la formation des étudiants de médecine dans le domaine de l’éthique médicale ».

« Pendant notre cursus de médecine, nous n’avons pas eu de module gériatrie », a expliqué le Dr Merad Mustapha au site Magharebia.com « Pourtant, dans la pratique, nous sommes de plus en plus confrontés à des patients de plus en plus âgés avec des pathologies dégénératives. Nous apprenons cela sur le tas, mais l’idéal serait de mettre en place des services spécialisés avec des soins spécifiques, où les personnes âgées puissent trouver une prise en charge qui leur convient. Le ministère de la Santé avait promis il y a quelques années d’ouvrir plusieurs services de gériatrie, mais jusque là nous ne voyons rien venir. »

Eclatement de la cellule familiale

Les spectacles qui s’offrent quotidiennement aux yeux des citoyens concernant le traitement réservé à la catégorie de personnes âgées- aussi bien chez elles que dans les lieux publics- invitent la société tout entière, et particulièrement l’administration et le monde associatif, à une profonde réflexion à même d’amener à extraire nos parents de la misère, de la maladie, de la marginalité et de l’état de déréliction.

Jusqu’à un passé récent, la cohésion sociale dans les villages et hameaux de l’Algérie profonde ne permettait jamais à ce que ceux qui ont consacré leur jeunesse au travail, au labeur et à l’éducation des jeunes générations puissent tomber dans l’abandon. Les seuls relais sociaux- et ce sont les bons et les vrais- qui étaient mis en œuvre étaient ceux de la famille (famille élargie, collatéraux et même la tribu). L’hospice des vieux est une invention des années quatre-vingt du siècle dernier et qui, heureusement, n’a pas encore servi de modèle aux foyers de l’arrière-pays, même si des cas d’abandon de parents commencent à être signalés ici et là. Ces cas exceptionnels sont signalés particulièrement dans certains foyers où de grandes disputes se sont déroulées à propos de pensions de retraite en dinars, ou mieux encore, en euros. Des affaires de ce genre ont pu même atterrir dans des tribunaux. Des scènes affligeantes où le père et ses fils, dans des séances publiques, font face à un jury chargé de les réconcilier ou les départager à propos d’une rente à laquelle il reste quelques années pour s’éteindre, c’est-à-dire le temps que son détenteur soit rappelé à la volonté de Dieu. Dans le cas où la mère bénéficie de la réversion de retraite, le jeu est un plus aisé pour notre ‘’jeune rentier’’. Certains de ces jeunes pour qui leurs parents pensionnés ont réalisé des projets ou acheté des fonds de commerce ont fini, ô comble d’ingratitude, par jeter dans la rue leurs géniteurs.

Il est indéniable que la situation actuelle du foyer algérien, miné par la perte de cohésion et de grevé de l’absence d’une culture de la famille, a bien besoin de l’intervention des pouvoirs publics pour asseoir des règles de conduite qui font honneur à notre histoire et à nos traditions et qui éduquent la nouvelle génération dans le sens du respect des valeurs, valeurs qui la sauveront à son tour dans le processus générationnel auquel nous astreint la fatalité biologique.

L’un des signes du développement général du pays est assurément la gestion sociale, médicale et psychologique des personnes âgées. C’est un critère qui fait même partie des indices de développement humains instaurés par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) depuis une vingtaine d’années.

En effet, que peuvent représenter les indices macroéconomiques (endettement, chômage et inflations ‘’maîtrisés’’, PIB en croissance,…) dont se targuent les gouvernants face au regard des institutions internationales et face aussi aux populations lorsque des éléments de dignité humaine et de cohésion sociale sont en jeu ?

Les heures tendues du développement humain

Outre le regard porté sur une croissance et un développement dont a du mal à juger les impacts, une autre appréciation est pourtant possible. Celle-ci nous renseigne sur une certaine détresse sociale qui a pour noms la maladie, la régression de l’espérance de vie chez certaines catégories de la population, la malnutrition ou la sous-alimentation et l’abandon.

La position de notre pays est qualifiée de moyenne selon l’échelle des valeurs établie le rapport sur le développement humain. En effet, plus loin encore pour ce qui est du monde arabe, on retrouve le Yémen réunifié renvoyé à la 150e place. Les analyses qui accompagnent les chiffres avancés par le PNUD expliquent ces retards de développement en Algérie par la lente transition économique par laquelle passe notre pays et qui s’est accompagnée de la libéralisation des prix, l’augmentation du chômage, le désengagement de l’État de la sphère économique. Ces mutations rapides de l’architecture de l’économie algérienne ont directement contribué à l’aggravation de la vulnérabilité des couches les plus défavorisées de la société particulièrement les enfants, les femmes et les personnes de troisième âge. Si auparavant, malgré les dysfonctionnements structurels de l’économie et la navigation à vue des dirigeants, un semblant de cohésion sociale était maintenu, c’était incontestablement dû à la distribution de la rente pétrolière. Les réformes auxquelles avait recouru le gouvernement algérien à partir de 1989 pour sortir de cette impasse ont été régulièrement freinées par plusieurs facteurs : la résistance des rentiers du système, le lourd héritage bureaucratique, la déstructuration des entreprises publiques, une politique timide d’incitation à l’investissement et la difficulté de l’évolution des mentalités. En fait, la remise en cause brutale de l’État-providence au profit d’une orthodoxie budgétaire pour laquelle l’Algérie n’a pas encore mobilisé tous les moyens a entraîné fatalement dans son sillage la marginalisation des catégories les plus vulnérables de la société. Cela s’est produit aussi bien par le recul du niveau de vie que par l’effilochement des solidarités sociales et familiales.

La part des transferts sociaux

Le budget de l’Etat ne cesse de consacrer des sommes importantes aux dépenses sociales, particulièrement depuis le milieu des années 2000. Les transferts sociaux pour l’année 2011 sont d’environ 16 milliards de dollars (soutien des prix des produits stratégiques, incitations aux investissements via les exonérations fiscales, aides apportées aux franges démunies de la population [handicapés, troisième âge, personnes sans revenus],soutien aux établissements hospitaliers complétant les conventions avec la CNAS , contribution annuelle au Fonds de réserve des retraites, pensions de retraites et petites pensions, transport de marchandises vers les régions du Sud, bourses des étudiants, indemnisations des victimes du terrorisme et des victimes de la tragédie nationale,…).

Une partie des fonds sociaux sont destinés aux allocations de chômage, allocations forfaitaires de solidarité(AFS), création des emplois d’attente, dispositif d’aide à l’insertion professionnelle (DAIP), alimentation de la caisse de la sécurité sociale au titre de la compensation des abattements sur la part patronale des cotisations sociales,…).

D’autre part, les soutiens de l’État vont en direction des exonérations ou d’abattements fiscaux comme ceux dont bénéficient les engrais et les produits phytosanitaires en matière de taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Les impôts sur les bénéfices des sociétés (IBS) continuent à être exonérés pour les jeunes les entreprises qui s’engagent à créer au moins cinq emplois permanents.

L’État consent aussi des soutiens qui ont plus un caractère de fonds de développement qu’un simple transfert social au sens traditionnel du terme. C’est ainsi que la loi de Finances 2010 a prévu la création d’un fonds pour les énergies renouvelables et d’un fonds de développement de l’industrie cinématographique. Un autre fonds, beaucoup plus social celui-là a défrayé la chronique tout au long de l’année 2010 aussi bien au niveau des banques et des promoteurs immobiliers que de la presse et des franges de la population concernée. Il s’agit, comme on peut le deviner, du le fonds réservé à la bonification des taux d’intérêts pour l’acquisition ou la construction de logements dans le cadre des programmes immobiliers soutenus par l’État. Le différentiel entre le taux d’intérêt commercial réel et le taux d’intérêt bonifié est pris en charge par le Trésor public.

Dans l’ensemble des fonds et montants destinés au volet social, et pour pouvoir juger et apprécier les parts de budget revenant à chaque chapitre de la loi de Finances, la distinction doit être faite entre les transferts destinés à la consommation stricte (soutien des prix, bonification des taux d’intérêt bancaire sur l’acquisition de logement,…) et les soutiens destinés à encourager une activité une production ou une branche en matière de création d’emploi et même de création d’entreprises (PME/PMI).

S’agissant de la catégorie des personnes de troisième âge, l’Allocation forfaitaire de solidarité (AFS) qui leur est accordée est passée de 3 000 dinars à 10.000 dinars. En outre, sur le plan de la prise en charge médicale, le système du tiers-payant s’est généralisé pour cette catégorie dont une grande partie souffre de maladies chroniques (asthme, hypertension, diabète,…). La carte Chiffa, actuellement au stade de l’essai dans plusieurs wilayas, est censée renforcer et améliorer ce système en amenant les partenaires (hôpitaux- CNAS- pharmacies) à des conventions à même de fluidifier les procédures de prestation.

Amar Naït Messaoud

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