Souvenirs d’enfants du 1er Novembre

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Par S Ait Hamouda

Hier, c’était le 1er Novembre. Une date qui renvoie la mémoire au temps de la colonisation de l’Algérie. On se souvient de nos loques, pieds nus et de la morve collée aux lèvres et au nez. On se souvient aussi de la faim qui nous taraude les trippes. Un bout de pain, qui n’était pas cher mais pour le porte-monnaie de nos pères et de nos mères, était une fortune. De temps à autre, ils en ramenaient, à l’école, du pain, de la sardine et quelquefois même du chocolat. On en bouffait goulûment et avec appétit, mais ça ne suffisait pas à calmer notre fringale. Un petit bout de pain ne nous rassasiait pas, au contraire, il avivait notre avidité.

Qu’à cela ne tienne, nous étions enfants et nous ne comprenions pas ce qui nous arrivait, avec ce monde de paras, de légionnaires, de goumiers, de soldats de la SAS. Tout ce beau monde avait une dent contre notre pays, et nous ne savions pas ce qu’était cette armée qui en voulait au peuple. Souvent à la nuit tombée, nous entendions le crépitement des armes. Nous n’avions pas peur, nous nous sommes habitués aux coups de feu. Nous avons appris de nos mères à reconnaître les moudjahidine à leurs tirs et les français à leurs mitrailles. Les uns n’avaient pas assez de minutions, les autres en avaient trop. Mais ça ne durait pas longtemps, juste quelques minutes, et puis ça s’arrête soudainement.

Puis nous entendions les moissonneurs qui chantaient et dansaient, et surtout les chants de la meule et du berceau. Ils étaient heureux malgré leur misère, leur indigence, malgré leurs savates en peau de chèvre ou de veau. Malgré leurs habits rapiécés, ils tenaient le coup, ils prenaient patience. En attendant, nous, nous ne savions quoi. Le matin nous apprenions qu’on a tué telle ou telle personne. Nous avions vécu toutes les indigences du monde parce que nous étions les enfants d’un pays occupé. Les souvenirs de ce temps là, nous nous en souvenons comme si cela datait d’hier. Nous avions les yeux remplis de larmes que nous étouffions, des souffrances que nous taisions, mais il faut que nous nous armions de patience. La patience pour les enfants, ça n’existe pas…

S. A. H.

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