“Khalef m’avait titularisé à 17 ans”

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La Dépêche de kabylie : Que devient Mourad ?ll Mourad Aït Tahar : Je suis médecin, fonctionnaire de l’Etat, au niveau du centre sportif national de Draria. Je suis père d’une fille de 2 ans et demi.

Pouvez-vous revenir sur votre parcours pour les fans de la JSK qui ne vous connaissent pas ?ll Toutes mes classes je les ai faites à la JSK, depuis l’école du foot jusqu’en seniors. C’est en 1980/1981 que j’ai débuté en classe minime, puis cadet, juniors. Mon 1er match seniors je l’ai joué à l‘âge de 17 ans et c’était contre l’USM Alger. D’ailleurs, c’est à partir de ce match là que j’ai intégré l’équipe 1re de la JSK. De cette année là, 1987, jusqu’en 1994, j’ai continué à jouer à la JSK puis au MCA pour réintégrer la JSK en 1997. Deux années plus tard, j’ai quitté le football.

Vous avez fait toutes vos classes à la JSK, où vous devez jouer durant de longues années, pour la quitter en 1994, peut-on connaître les raisons de ce départ de la JSK ?ll La saison 94/95, c’était l’année de l’internat, il fallait que je termine mes études en médecine. Quelque part, cette saison là, je me suis retrouvé remplaçant et délaissé, j’ai compris par là qu’il fallait s’engager à fond dans les compétitions et aux entraînements, de même qu’il faut dire aussi qu’il n’y avait pas une bonne entente avec le staff de cette année là. Et comme je n’ai pas joué durant presque toute l’année, il était évident pour moi de partir ailleurs donc dans un autre club. Le hic, c’est que la JSK n’avait bien sûr pas profité des années où j’avais joué avec le MCA. Quand je faisais mes études, j’étais à la JSK, mais la période où j’étais en force et en forme j’étais au mouloudia et là c’était une perte pour la JSK. Mais je suis quand même revenu à la JSK en 1997.

Et qu’est-ce qui a fait que vous êtes revenus à la JSK en 97 ?ll D’abord, en 1997 il n’y avait plus le même staff de 94, qui était une des raisons de mon départ de la JSK, aussi les anciens joueurs m’avaient touché pour que je revienne en me disant qu’il y avait un changement au sein de la JSK et j’ai accepté de revenir sans rancune bien sûr. Tizi c’est ma ville, la JSK mon club et surtout on avait besoin de moi et l’appel du cœur ne se rejette pas et ne se refuse pas.

Mais en 94, on disait justement que Mourad se donnait plus pour ses études que pour la JSK, c’est peut-être ça qui a fait que vous étiez beaucoup plus sur le banc de touche ?ll Oui, c’est vrai que pendant les 7 années d’études, c’était difficile de gérer les études et le football. Les 3 premières années de mes études de médecine, je peux dire que je m’étais beaucoup plus donné au foot qu’aux études, mais les 2 dernières années c’était l’inverse, je m’étais investi plus dans les études que le foot. Seulement durant ces sept (07) années, il fallait gérer son emploi du temps et concilier les études et le foot. C’était des semaines sans week-end pour moi, et le seul repos que j’avais, c’était les vacances scolaires et l’intersaison, et même pendant cette dernière période (intersaison) il fallait travailler, préparer la saison sportive suivante. Quant à la saison 93/94, je n’ai pratiquement pas joué, car il fallait terminer mes études, c’était l’année de l’internat, l’année où il y avait beaucoup de gardes et de stages à l’hôpital. Donc, c’était la saison où j’étais pratiquement absent du terrain, à cela s’ajoute les blessures qui ne m’avaient pas épargné. C’est pour tout cela que c’était la saison (93/94) où je m’étais donné à fond pour les études, car aussi c’était la dernière année.

Quelle différence y a t-il, à la JSK, du temps où vous jouiez et maintenant ?ll De notre temps, en cadets où en juniors, on connaissaint l’équipe seniors, on connaissait le staff, il y avait une stabilité en tout, joueurs et staff. Je m’explique : Lorsqu’un junior monte en équipe seniors, il connaît déjà les joueurs de la catégorie supérieure, il savait déjà s’il a sa place ou non dans cette catégorie, de même que le junior sait déjà qu’il aura sa chance et sa place. Alors, que maintenant l’instabilité règne, les entraîneurs des jeunes changent chaque année, ceci dans tous les clubs pas seulement à la JSK. Il en est de même pour l’entraîneur des seniors, ce qui est aussi le cas des joueurs où chaque année il y a des nouveaux, et aussi des départs. Alors qu’avant, à la JSK et surtout en équipe seniors, lorsqu’il y a changement dans l’équipe, surtout seniors, c’est beaucoup plus le départ d’un remplaçant, sinon l’équipe-type reste 4 à 5 ans sans changement de joueurs, c’est-à-dire, si tu te fais une place en seniors la stabilité était assurée. Mais maintenant ce n’est plus la même chose, il y a des départs constamment, des arrivées chaque année… Il y a trop de mouvements dans l’équipe et dans l’encadrement et c’est cela qui a fait la crise du foot en Algérie.

Et concernant l’équipe nationale ?ll Elle reflète notre championnat. C’est le reflet d niveau des clubs. Quand 3 clubs sont éliminés de la compétition africaine dès le 1er tour, il ne faut pas s’attendre à voir une équipe nationale, composée des joueurs de ces clubs, qui va se qualifier à la coupe du monde. Et je pense que le mal ne date pas d’aujourd’hui, mais du début des années 90, années où il y a eu désengagement de l’Etat, des entreprises ; ceci a fait que les clubs étaient sans argent, sans sponsors. Tout cela a crée un vide, donc il n’y a pas eu de formation des joueurs. A tout cela, s’ajoute la décennie noire qu’à vécue l’Algérie, donc qui a touché aussi le football.

Que pouvez-vous dire de la JSK d’hier et celle d’aujourd’hui, par rapport à la gestion et autre ?ll Ce qui se passe à la JSK arrive dans tous les clubs, les problèmes sont les mêmes. C’est surtout le problème de formation des jeunes, donc de relève, de continuité. Il y a aussi ces problèmes liés à l’encadrement et à la gestion. Par je ne dis pas qu’il y a seulement mauvaise gestion, mais il y a aussi de mauvais entraîneurs, de mauvais joueurs. Quand je dis mauvais entraîneurs et mauvais joueurs c’est du côté financier, côté argent. Je ne suis pas contre, à ce que le joueur ou l’entraîneur se fasse une situation et assure son avenir par le foot ; qu’ils gagnent de l’argent oui, mais qu’ils gardent le minimum de respect au club, qu’ils aient une certaine dignité envers ce club qui leur a tant donnés, du respect pour le club, les couleurs et la région… et de ce côté, je dirais que le respect, l’éthique du club sont bafoués pour de l’argent.

Peut-on comprendre qu’en ces temps, le joueur et l’entraîneur était plus matérialistes, et que pour le club, ils ne pensent pas à leur devoir ?ll Que le joueur ou l’entraîneur pense à son avenir, c’est légitime, mais il y a aussi le devoir de chacun. On a tendance à plus penser aux droits et avantages qu’au devoir. Et ce que je veux dire par devoir, c’est être sérieux, ponctuel à l’entraînement, travailler d’arrache-pied, donner le meilleur de soi-même. De même que le joueur et l’entraîneur pensent plus à la fin de saison, donc la fin du contrat pour empocher, mais ne pensent pas à honorer ce contrat par le sérieux et ce que tout un chacun doit donner au club par rapport à ce que le club donne au joueur ou à l’entraîneur. Quand on parle de contrat, en Algérie c’est devenu “à la mode” que le joueur ou l’entraîneur signe pour 6 mois où une année. En Europe le joueur signe pour 2, 3 ou 4 ans. Le joueur doit au moins rester 2 ans dans un club, mais chez nous, ce n’est pas ce qui arrive. Cela conduit à l’instabilité du club, puisque l’effectif encadrement compris n’est pas stable.

D’anciens joueurs traversent actuellement une période critique au point qu’ils sont réduits à de petits boulots pour survivre ! Un commentaire !ll A ma connaissance, les joueurs de ma génération ne sont pas arrivés à ce point, mais il faut savoir qu’on peut être footballeur et après être réduit à faire de petits boulots comme vous le dites, comme on peut être archi-millionnaire et devenir un jour chômeur. Mais cela ne veut nullement dire que la faute incombe au club. Que le joueur durant sa carrière de footballeur avait eu tous les moyens pour faire et assurer son avenir est une réalité, mais qu’il gère mal sa carrière et son argent, c’est sa responsabilité non celle du club ou du dirigeant, cela une relation avec la personnalité de l’individu. Au foot, à 32 et 33 ans la carrière se termine, c’est là que commence, pour “l’ex-joueur”, la vraie vie lorsqu’il se mari et fait des enfants, alors le tout parait au grand air. L’avenir se prépare. Je connais des joueurs qui on gagné beaucoup d’argent que d’autres, mais à la fin de leur carrière de joueur, ils sont réduits à de petits boulots, par contre, il y en a d’autres qui n’ont pas beaucoup gagné en jouant, mais qui sont très bien après la fin de leur carrière. Maintenant si le joueur gère très mal son argent et sa vie cela est dû à sa personnalité morale, à ses fréquentation à son entourage, mais il n’y a pas de quoi incriminer le club et ses dirigeants.

Ne pensez-vous que le club doit tout de même faire un geste pour et envers ce joueur réduit à de petits boulots pour survivre ?ll Le club ! Mais qui au club ? Les dirigeants ? Même avec le foot moderne on peut avoir des étrangers au pays qui dirigent le club, à l’exemple de Chelsea qui est sous la coupe d’un Russe, ou Manchester par un Américain, alors que ces clubs sont anglais, et aussi jusqu’à quand, le club doit-il aider le joueur. Quelque part, ce sont les anciens joueurs qui doivent y penser et cela par l’intermédiaire du club. On est tous prêts, et je ne pense pas qu’il y ait un ancien qui refuserai de donner un coup de main, si son ex-coéquipier, s’il y a des jubilés à faire ou quoi que ce soit dans ce sens. Mais il faut que cela vienne des anciens joueurs.

L’idée d’une association d’anciens joueurs, n’éffleur-t-elle pas justement votre esprit ?ll Ça oui, cette association d’anciens joueurs du club, ou même une association nationale serait une très bonne idée. Mais qui aura pour rôle d’aider tout ancien joueur en difficulté, et dont le rôle serait parallèle à la gestion du club, car il ne faudra pas mélanger entre gérer un club et aider les anciens, il faut aussi qu’elle soit autonome mais qu’elle entretienne de très bonnes relations avec les dirigeants du club. Il ne faut pas qu’il y ait interférence. Certes, ont peut solliciter le club pour apporter assistance, mais il faut que ce soit les anciens joueurs qui doivent solliciter et non le club. Car les dirigeants, présidents, entraîneurs du club ont d’autres choses à gérer. Au risque de me répéter et j’insiste-là dessus, s’il doit y avoir aide c’est du ressort de l’association ou de l’organisation. La JSK peut contribuer pas plus.

Revenons maintenant à votre carrière, pourquoi avoir quitté définitivement la JSK ?ll J’ai arrêté en 1999, parce que je voyais que c’était ma fin de carrière ; ce n’était pas la peur… mais je ne voulais pas revivre l’expérience de 1994 où j’étais écarté par le staff technique. Je voulais partir et laisser la place aux joueurs qui pouvaient donner mieux et en plus et ceci aussi pour garder la JSK comme étant mon club de préférence et de référence.

Mais après ce départ vous avez tout de même intégré d’autres clubs ?ll Quand nous avions perdu les deux finales contre l’USMA et le MCA, il y avait certains qui déclaraient qu’on n’avait rien fait, qu’on n’avait pas d’équipe, pas d’attaquants, pour moi, il ne fallait plus que je continue à la JSK. Alors j’ai été à Blida qui était une équipe, en 2000, ambitieuse, c’était une bonne équipe mais les résultats n’ont pas suivi. Puis, il y a eu le MC Bouira dont les dirigeants m’ont demandé à ce que je les aide en étant joueur et entraîneur. J’ai répondu par oui, il y a eu 2 accessions, mais par manque de moyens, le club est resté à la même division.

Votre meilleur souvenir ?ll La coupe d’Afrique de 91, la demi-finale contre Ashanti Kotoko où j’avais marqué l’un des 2 buts de la victoire.

Et quel est votre mauvais souvenir ?ll Les deux défaites en coupe d’Algérie, contre Bel Abbès par 2 à 0, match qu’on pouvait gagner, mais ! et la défaite contre l’USM Alger en 99.

Qui sont les entraîneurs qui vous ont le plus marqué ?ll Ceux des jeunes catégories, à l’exemple de Moh Younsi, Hamid Smaïl, Yousfi mais surtout Khalef Mahieddine, qui m’a fait confiance lorsque je n’avais que 17 ans en me faisant jouer en équipe seniors du temps du Jumbo Jet. Il m’avait mis dans le bain au côté de joueurs chevronnés comme Adghigh, Abdeslam et les autres.

A vous le soin de conclure ?ll Je remercie le journal la Dépêche de Kabylie pour cet entretien, je souhaite à la JSK une bonne saison prochaine, et pourquoi pas un titre, de la joie aux supporters de la JSK. Je voudrais aussi dire : L’union, l’union, l’union entre les supporters de la JSK, qu’ils soient de la Kabylie ou d’ailleurs, comme le n°1 de la JSK doit expliquer aux supporters l’objectif à venir, qu’il y ait une confiance entre dirigeants et supporters.

Entretien réalisé par M. A. B.

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