Hier a été une journée exceptionnelle, où l’émotion était visible sur les visages des acteurs du combat identitaire, toutes générations confondues, qui ont pris part au colloque de deux jours organisé à la Maison de la culture Mouloud Mammeri.
Qu’il s’agisse de Hebib Youcef, ancien membre de l’Académie berbère, de Ramdane Achab dont l’évocation du nom suffit pour résumer le rôle qu’il a joué dans le combat identitaire, de Ahcène Chérifi, Idir Ahmed Zaid et de tant d’autres figures de proue de l’amazighité, tous avaient eu à un moment ou à un autre la gorge nouée quand il s’agissait de raconter les périodes très difficiles mais héroïques du combat pour l’identité amazighe.
Mais la joie était également au rendez-vous car les organisateurs du colloque, que sont les militants Ahmed Sadi et Said Chemakh, entre autres, ont réussi à concrétiser une véritable prouesse : il s’agit de la réunion des acteurs et d’artisans du combat identitaire qui ont animé et joué les premiers rôles dans des évènements historiques de premier plan du combat identitaire mais qui appartiennent à différentes générations et à différentes étapes.
On a été habitués à voir ces acteurs, chacun cloisonné dans sa période de lutte, mais hier, une jonction historique a été faite entre les différentes générations. Ce qui a réjoui tout le monde et l’expérience gagnerait bien sûr à être renouvelée en étendant la participation aux militants qui n’ont pas pu être présents hier pour une raison ou une autre. Les huit premiers conférenciers ayant intervenu, hier, ont apporté chacun sa touche à ce colloque et il faut reconnaître que ce dernier a été très enrichissant.
Bon nombre de témoignages sont carrément inédits. Des détails petits mais bons à savoir, qui devaient être apporté à l’opinion publique depuis longtemps, n’ont été rendus publics qu’hier. Comme par exemple le fait que la voiture qui transportait l’écrivain Mouloud Mammeri le jour où il se rendait à Tizi-Ouzou, le 10 mars 1980, pour animer sa conférence interdite, était celle de… Malika Ahmed Zaid. «On évoque rarement le rôle des femmes dans cette lutte, pourtant il y en a eu», rassure Idir Ahmed Zaid, lui aussi figurant parmi les 24 détenus du Printemps amazigh de 1980.
Malika Ahmed Zaid a vécu et joué un rôle des plus importants lors de toute la période du Printemps berbère à Tizi-Ouzou, elle qui avait déjà eu à faire ses premiers pas dans ce combat en France avec l’Académie amazighe de Bessaoud Mohand Arab mais aussi avec le groupe d’études berbères de Vincennes. Le témoignage de Malika Ahmed Zaid et tout le rôle qu’elle a joué dans le combat identitaire gagnerait aussi à être soit écrit par elle-même, brillante intellectuelle qu’elle est, ou bien recueilli.
Car il serait dommage que l’apport de Malika Ahmed Zaid ne soit pas immortalisé. L’apport de cette dernière est méconnu même par les férus de l’Histoire du combat identitaire. Autant que celui joué par Youcef Hebib, aussi bien dans les rangs de l’Académie amazighe que dans le Collectif de Défense des Droits Culturels né en France après l’interdiction de la conférence de Mouloud Mammeri.
Les témoignages de Guerbas M’barek et Hamoudi Arezki ont aussi ému les présents, hier, car ce sont ces deux militants en compagnie d’autres bien sûr qui étaient à l’origine de la protestation contre l’exclusion de la culture et de la langue berbère lors de la célèbre fête des cerises de Larbaâ Nath Irathen en 1974 et qui est l’un des évènements clés du long cheminement du combat identitaire amazigh. Il faut rappeler que le colloque en question a pour thème générique : «Rétrospective et perspectives du Mouvement culturel berbère».
Initialement, les organisateurs ont prévu des conférences et des tables rondes avec Mouloud Lounaouci, Aziz Tari (qui a animé sa conférence hier matin), Ramdane Achab, Idir Ahmed Zaid, Oussalem Mohand Ouamar, Arab Aknine, Hamou Boumedine, Youcef Hebib et Hakim Saheb mais les organisateurs ont eu l’ingénieuse idée de donner aussi la parole à de nombreux autres acteurs qui ont tenu à marquer de leur présence cet événement et dont les témoignages poignants se sont avérés des plus précieux. C’est le cas, notamment, d’anciens cadres de l’Eniem et militants qui ont aussi apporté leur touche à l’édifice du combat identitaire amazigh, surtout durant les événements du Printemps berbère d’avril 1980. Nous y reviendrons.
Aomar Mohellebi