Comme il était dans l’air, cette année, la célèbre Fête nationale du bijou d’Ath Yenni n’aura pas lieu. La décision a été finalement tranchée en fin de semaine dernière.
Après consultations et débat entre l’Association des artisans bijoutiers et l’APC, qui a l’habitude de co-organiser l’événement avec l’association, il a été décidé de s’en tenir, pour cette année, faute d’un engagement franc de la municipalité, à un Salon du bijou à la place de la Fête nationale. Une manifestation prévue par l’Association des bijoutiers du 17 au 22 août courant.
Malik Malki, artisan bijoutier et membre du Comité communal des fêtes, tente une explication sur l’annulation du rendez-vous annuel : «La période que traverse le pays et la révolte, déclenchée le 22 février, ne nous permettent pas d’organiser la fête du bijou qui a une dimension nationale. Du coup, nous avons choisi de tenir un salon local du 17 au 22 août courant pour ne pas pénaliser nos artisans qui ont travaillé durant toute l’année en vue de constituer des stocks en prévision de cette fête, laquelle demeure le seul espace commercial de grande envergure pour nos bijoutiers. On a donc opté pour ce salon qui, faut-il le noter, ne coïncidera pas avec la journée du vendredi, pour éviter de perturber la marche populaire du hebdomadaire».
S’agissant des objectifs assignés à cet événement, du nombre d’exposants et des frais de participation, notre interlocuteur révèle que «le salon, qui se tiendra à la maison de jeunes du chef-lieu communal, est pris en charge par l’Association des artisans». Le même bijoutier informe que «les exposants s’acquitteront d’une contribution financière de 6 000 DA (frais du stand)». «Nous nous attendons, poursuit-il, à la participation d’une soixantaine d’artisans bijoutiers locaux. À travers cet événement, on vise, avant toute chose, la promotion et la préservation du bijou des Ath Yenni. L’objectif c’est aussi de donner la chance à nos artisans de commercialiser leurs produits».
A signaler que l’APC est, cette fois, juste partenaire du salon. C’est ce qu’affirme le maire d’Ath Yenni, Smaïl Deghoul : «A Ath Yenni quand le bijou va, tout va. C’est pour cette raison que nous avons insisté pour tenir, au moins, un salon local. La période actuelle n’est pas propice à l’organisation d’une fête de dimension nationale qui a besoin de plus de temps d’organisation, de plus de moyens et de plus de garantie. C’est pour cette raison qu’on a opté, avec les artisans, pour un salon local en attendant que la situation s’améliore. Notre Assemblée reste toujours aux côtés de l’Association pour l’aider par tous les moyens disponibles, afin de réussir ce rendez-vous et de permettre aux exposants de rentabiliser leur activité».
Joint, un autre artisan reconnaîtra «que la situation actuelle ne permet, certes, pas l’organisation d’une Fête nationale, mais il y a besoin d’un espace pour les bijoutiers afin qu’ils écoulent leurs produits. «Ce salon permettra, justement, de rentabiliser et de mettre en valeur ce travail artisanal. Espérons seulement que les visiteurs seront nombreux», ajoute-t-il.
Les artisans bijoutiers toujours en difficulté
Saluant cette initiative, les artisans bijoutiers se disent, néanmoins, toujours en butte aux mêmes difficultés, regrettant de ne pouvoir plus arriver à vivre de leur labeur. Ce qui, à la longue, peut provoquer la disparition de cet artisanat traditionnel, qui constitue l’une des fiertés de la wilaya, et par conséquent, le gagne-pain de centaines de familles, redoute-t-on. «À Ath Yenni, quand le bijou va, tout va», dixit un artisan rencontré lors de la dernière édition de la Fête du bijou. Une citation qui n’est pas sans rappeler le fameux diction : «lorsque le bâtiment va, tout va». C’est comprendre que le bijou est aussi important à Ath Yenni et Tizi-Ouzou que l’est le secteur du bâtiment dans l’économie de tout un pays.
Pour connaître les raisons du déclin de cet art ancestral et des difficultés que rencontrent les bijoutiers dans l’exercice de leur métier, nous avons questionné plusieurs artisans bijoutiers qui ont soulevé une kyrielle d’insuffisances : «Nous faisons face à des problèmes monstres, à commencer par l’indisponibilité de la matière première et sa cherté chez le privé. Il y a aussi des difficultés de poinçonnage (tellement nous achetons sans factures), les prix de la location, les impôts et autres frais, en sus de la concurrence déloyale des marchands ambulants qui proposent des produits contrefaits à des prix dérisoires. Nous demandons aux responsables concernés de nous garantir un approvisionnement régulier en matière première, de combattre le produit chinois et indien, qui envahit le marché, et d’ouvrir plus d’espaces de vente et de commercialisation.
La lutte contre la contrefaçon est impérative si on veut préserver notre patrimoine artisanal. La facilitation des mesures d’exportation est tout aussi indispensable afin de faire connaître notre artisanat et garantir sa continuité. En définitive, il faut un véritable changement dans ce domaine car, présentement, tout est verrouillé. Le changement est un préalable pour permettre à l’artisan et à l’Algérien de respirer», insistent-ils unanimement.
Hocine T.