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M’Sila, au cœur de la steppe hodnéenne

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Par Amar Naït Messaoud

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Les activités économiques de la région tournent essentiellement autour du pastoralisme, ce qui signifie aussi le commerce des bestiaux, des fourrages, des toisons de mouton et des services connexes (prestations vétérinaires, vente de fumier,…). Outre cette activité principale qui s’étend pratiquement sur toute l’étendue du territoire de la wilaya, certains pôles urbains ou semi-urbains sont répertoriés depuis longtemps comme des plaques tournantes de commerce de marchandises issues de l’importation ou carrément de la contrebande.

Pièces automobiles, électroménager, vêtements, cosmétiques,…aucun domaine n’est omis dans ces espaces où se côtoient le régulier et l’informel, la pièce d’origine et celle “Taiwan’’, le bon et le moins bon. La dimension de la “casse’’ (cimetière de voitures et d’autres véhicules et engins) longeant la route entre Barika et M’Sila est probablement unique en Algérie. Pas moins d’une dizaine de kilomètres où s’entremêlent véhicules légers, camions, tracteurs agricoles, niveleuses, bulldozers,…etc. On vient chercher, et on est sûr de trouver, la pièce la plus rare, la moins vendue sur le territoire national. D’Oran, de Annaba, de Djelfa, les clients ne désertent les lieux qu’à la nuit tombée. Depuis sa promotion au rang de chef-lieu de wilaya en 1974, la ville de M’Sila-bâtie sur un terrain plat traversé par Oued Ksob- a subi une forte expansion urbaine et une grande croissance démographique. Située à moins de 500 m d’altitude et à mi-chemin entre Bordj Bou Arréridj et Bousaâda, M’Sila concentre en son sein beaucoup d’activités commerciales et industrielles de la wilaya. L’installation, il y a cinq ans, de la cimenterie Orascom à Hammam Dhalâa, 33 km au nord de M’sila, a quelque peu boosté le marché immobilier entretenu par une forte demande émanant des cadres et techniciens de cette entreprise. Depuis que son destin wilayal a été contrarié par les impénétrables voies de l’administration algérienne, Bousaâda n’a jamais vu d’un bon œil le fait que sa “rivale’’ du nord soit élevée au rang de chef-lieu de wilaya au détriment d’une vieille cité dont la zaouïa El Hamel marque le point d’orgue.

Les terrasses de Bousaâda

Ce n’est qu’en octobre 2006 que le nom de cette ville comme future chef-lieu de wilaya a été timidement cité par une information semi-confidentielle émanant du ministère de l’Intérieur. La ville est aujourd’hui menacée par les dunes de sable et les inondations issues du débordement de Oued Maïter. Elle garde encore des souvenirs douloureux des déluges d’eau qui ont dévasté les maisons et les infrastructures (ponts et routes) pendant les dures journées de septembre 2007. Cette ville qui a adopté le peintre Etienne Dinet a une vocation commerciale séculaire que n’ont chamboulé les nouvelles données de l’économie algérienne que récemment. Oasis la plus septentrionale d’Algérie, les anciens métiers artisanaux et ruraux s’y meurent de leur belle mort. Vanniers, dinandiers, tapissiers et autres potiers se font plus que discrets et ne répondent plus à l’appel.

Les rares pièces exposées dans les vieux quartiers n’ont pas assez de souffle pour attirer les touristes européens autrefois bien présents sous ces latitudes.

Plus au nord, les villes de Sidi Aïssa et Aïn Lahdjel ont détrôné Bousaâda et repoussé les velléités de M’Sila quant à ses “prétentions’’ commerciales. Ces deux villes du nord de la wilaya sont considérées comme la plaque tournante de toutes les transactions qui s’opèrent au Centre-Nord du pays et au nord Sahara.

Économie de la steppe

La vocation de cette région steppique- caractérisée par un élevage intensif et transhumant de l’ovin- que l’homme a imprimé à la région – ne va pas sans incidence sur l’écologie de la zone.

En effet, le potentiel végétal des Hauts Plateaux en général, et de la wilaya de M’Sila en particulier, a atteint ses limites biologiques en raison du surpâturage, de l’anarchie régnant dans le secteur de l’élevage et des labours illicites effectués dans la nappe alfatière.

Le capital alfatier se dégrade ainsi de jour en jour, alors qu’à un certain moment, sous le régime colonial, l’usine de Baba Ali de traitement de l’alfa ne suffisait pas aux grandes quantités récoltées sur les territoires de M’Sila et de Djelfa

La ligne de chemin de fer Djelfa-Médéa-Blida était spécialement conçue pour le transport de cette matière première.

Aujourd’hui, les dégâts occasionnés par les labours illicites, les défrichements et le pacage transhumant sont peut-être irrémédiables. Le premier signe inquiétant de la désertification sous ces latitudes est bien la réduction en peau de chagrin du couvert alfatier et le recul de la valeur agrologique des sols du fait de la dégradation due à l’érosion. Sur les piémonts, les atteintes au capital végétal ne sont pas non plus à prendre à la légère. En tout cas, au cours de ces dernières années, la réduction de l’offre fourragère due au surpâturage, couplée au phénomène de la sécheresse cyclique, ont fini par venir à bout des efforts de beaucoup d’éleveurs pour maintenir un métier ancestral et, pourquoi pas, le promouvoir à la faveur des nouvelles techniques relatives à l’agriculture et au développement rural.

Outre cette impasse écologique et économique, les difficultés auxquelles sont confrontées les populations de la steppe hodnéenne sont dues aux distances séparant les hameaux et les villes et au faible développement des infrastructures de base (routes, ouvrages hydrauliques, chemins de fer) et des équipements publics (centres de santé écoles, lieux de loisir,…).

Il en résulte un fort degré de pauvreté des taux de chômage ahurissants, une déperdition scolaire exceptionnelle et même un phénomène de déscolarisation qui entraîne le travail précoce des enfants.

Le programme complémentaire des Hauts Plateaux mis en œuvre depuis 2006 avec une enveloppe budgétaire de 620 milliards de dinars, touche évidemment la wilaya de M’Sila pour l’ensemble des activités qui y sont programmées.

La multisectorialité est l’une des garanties que veut se donner le président de la République pour la réussite d’un grand projet qui s’apparente à un véritable défi. Aucun secteur de développement n’a été omis dans l’architecture du nouveau projet: Urbanisme et Construction (programmes de logements), Travaux publics (routes nationales, départementales, ponts, viaducs), Agriculture et Forêt (élevage, céréaliculture, cultures irriguées, pistes, travaux sylvicoles, corrections torrentielles, fixation de berges), Hydraulique (forages, retenues, captage de sources, canaux d’irrigation), Santé (hôpitaux, centre de santé), Industrie et Énergie (électrification rurale, éoliennes, raccordement au gaz de ville), Éducation (lycées, CEM, écoles primaires), Culture (centres culturels et de loisirs, cybercafés, salles de cinéma), Transport (chemins de fer),…etc.

C’est en quelque sorte l’approche territoriale intégrée que tente de développer les pouvoirs publics sur un territoire miné par les problèmes de chômage, de pauvreté et de retards en infrastructures ; un territoire menacé surtout dans ce qu’il a de plus cher: la dégradation effarante de ses ressources naturelles conduisant les populations locales à un exode massif vers les grandes villes du Nord.

Un carrefour commercial

Le marché de Sidi Aïssa est une place d’envergure régionale pour le centre du pays et sa périphérie immédiate. Son développement tend à en faire une place d’importance nationale à côté des marchés de Tadjenent (Mila), Boukadir (Chlef), Hassi Fdoul (Tiaret) et Maghnia (Tlemcen), et ce malgré la concurrence rampante de Aïn Lahdjel, à 30 kilomètres au sud, toujours dans la wilaya de M’Sila. Il est vrai que même ce dernier marché est promis à un avenir prometteur vu son emplacement stratégique dans un carrefour important de la rocade des Hauts-Plateaux. À vu des plaques minéralogiques des véhicules qui se rendent à Sidi Aïssa ou qui en reviennent, son rayon d’influence atteint facilement les 300 km. De Tiaret, Batna, Djelfa, Béjaïa et d’autres villes d’importance moyenne, des véhicules de tourisme, des véhicules utilitaires et poids lourds affluent à partir de jeudi après-midi et pendant toute la nuit de jeudi à vendredi pour prendre place dans ce vaste espace qui n’a de limites que celles qu’auront tracées tous ces véhicules et les tables et tentes des marchands. À 90 km au nord-ouest de M’sila, 90 km au nord de Bousaâda, 130 km à l’est de Boughezoul et 60 km au sud de Bouira, cette plaque tournante de la RN 8 constitue la principale source d’approvisionnement de ces régions en produits électroménagers, vaisselle, habillement, friperie, pièces mécaniques, engins de travaux publics et véhicules d’occasion.

Malgré le volume des échanges matériels et des transactions financières en argent liquide, et nonobstant les rentrées substantielles pour l’APC, ce marché forain adossé à Djebel Ennaga et s’étendant sur plus de quinze hectares de superficie, reste à l’état rudimentaire de place foraine. Ni étalages fixes, ni abris, ni allées, ni revêtement. C’est un véritable capharnaüm qui rassemble chaque week-end des dizaines de milliers de visiteurs dans l’anarchie et la promiscuité. Même les espaces destinés à servir d’allées ou de travées sont investis par des vendeurs proférant des boniments assourdissants, surtout quand le haut parleur se met de la partie.

En hiver, c’est un véritable marécage où, même avec des bottes en caoutchouc, on risque de s’enliser. En été les poussières mues par le vent de Biskra et de Ouargla vous rendent méconnaissable au bout d’une heure de tournée. À cela s’ajoutent la sempiternelle hantise et le risque réel de se faire chiper son porte-monnaie à la tire ou à l’esbroufe. Il est même arrivé que des véhicules stationnés à l’entrée du marché-gardés il est vrai par des individus interlopes- se volatilisent cinq minutes après le départ de leurs propriétaires. Nous avons eu écho de ce forain venu en véhicule bâché et ayant dans la cabine à ses côtés son fils âgé de cinq ans. Après avoir garé son véhicule, il se dirige vers une baraque éloignée d’à peine cent mètres pour faire ses dernières emplettes en laissant son fils dans la voiture. Trois minutes après, il regagne le lieu de stationnement et, catastrophe, seul l’enfant apparaît debout, les yeux hagards et la mine abattue. Il étreint son fils, regarde à gauche, à droite ; nulle trace du véhicule ! Un vieux assis devant une villa en construction l’interpelle : « Remercie Dieu que tu aies retrouvé le bambin sain et sauf ; quant au matériel, Dieu te le remplacera s’il est acquis licitement. » « Bien sûr, bien sûr ! Je n’en fait pas vraiment un problème », répond l’autre en hélant un taxi pour le reconduire chez lui. Un vrai boucan envahit le quartier. La cacophonie se complique par les cassettes diffusant des prêches religieux à grands décibels. Les guérisseurs vantent les vertus de leurs potions et ambroisies, les bonimenteurs surenchérissent à propos de leurs tissus venus de Syrie, de leurs batteurs fabriqués au Japon ou de leurs joujoux montés en Chine. Vous pouvez tournoyer, scruter, soupeser pendant trois heures sans que vous puissiez fixer votre choix sur un objet précis.

Au pied de Djenel Ennaga, les gargotiers à l’hygiène incertaine vous harcèlent pour que vous commandiez un sandwich douteux. Généralement, ils travaillent dans des fourgons aménagés en kitchenettes. Sous des tentes bédouine, se dressent des débits de café improvisés où l’on vous propose de vous asseoir sur des tabourets en face d’une meïda. La boisson la plus prisée sous le ciel de Sidi Aïssa est immanquablement le thé ‘’harr’’ (épicé) préparé dans des ustensiles en cuivre. Le service des toilettes publiques sont proposés à dix dinars, mais là il faut faire la chaîne pour se soulager et souvent se résigner à user de Tayammoum (se passer de l’eau).

La plupart des observateurs locaux sont convaincus que le marché de Sidi Aïssa, au vu de son importance et de l’ampleur des échanges qui s’y effectuent, mérite bien un autre destin. La clôture, la revêtement de la plate-forme, le traçage des allées, l’établissement des étalages fixes, des cafés et restaurants dignes de ce nom, des toilettes modernes, un service de nettoyage pour les déchets d’emballage et les excréments de bestiaux, une aire de stationnement avec un gardiennage officiel, un poste de police permanent, tous ces éléments ne pourront que rehausser la place et la renommée du marché de Sidi Aïssa, installer un cadre d’activité agréable dans une ville qui devient de plus en plus tentaculaire, créer des emplois financés par les recettes assez conséquentes de l’adjudication, comme ils faciliteront la tâche aux vendeurs et aux acheteurs venus des quatre coins du pays.

A. N. M.

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