Hold-up à la Casbah, nouvel opus de Tarek Djeroud

Partager

Tarik Djerroud avoue avoir un faible pour l’histoire récente de l’Algérie à laquelle il a déjà consacré un premier roman en 2009, Le sang de mars, évoquant la barbarie coloniale et les désillusions de l’Indépendance.

En ce début de 2012, année coïncidant avec les cinquantenaire du recouvrement de la souveraineté nationale, ce jeune auteur revient avec la publication d’un nouvel opus qui retrace les coulisses militaires et diplomatiques qui ont favorisé la conquête de la Régence d’Alger et sonné le glas du règne des Turcs en Afrique du nord. Dans Hold-up à la Casbah, l’auteur nous fait voyager dans les rouages des événements survenus entre 1801 à 1830, dans un vertigineux chassé-croisé entre deux Etats, la Régence d’Alger, cherchant à empocher le montant des livraisons de blé faite à un Royaume de France qui, à contrario, temporise et fuit en avant.

Rédigé avec maestria, cette enquête, agrémentée de notes romanesques, dans un style ressemblant à celui d’Amin Maalouf, lève le voile sur une période charnière et peu connue de notre histoire. Roman enrichi par des documents authentiques, les personnages jouent leurs propres rôles dans un décor, à peine fardé où le pittoresque ajoute un charme splendide à une écriture fortement imagée. Ainsi donc, c’était Talleyrand, en sa qualité de chef de la diplomatie française, qui a allumé la mèche de la conquête d’Alger dès 1798 après la publication de son « Essai sur les avantages à retirer sur les nouvelles colonies ». En fin stratège, il a su convaincre Napoléon Bonaparte à s’y préparer. Ce dernier, Premier Consul, empêtré dans les conquêtes d’Egypte et d’Italie, guerroyant sans cesse en Europe, n’a pas pu exaucer ce rêve. Il meurt en 1821, c’est-à-dire trois ans après l’arrivée du Dey Hussein au trône de la Régence d’Alger (1818). Du côté français, l’écho se voulait fétide, agaçant, provoquant, voir méprisant. Et la lecture détaillée des correspondances des Deys d’Alger avec la Cour de France brosse en filigrane un rejet manifeste de la part du Royaume pour les doléances légitimes de la Régence. Pourtant, les Espagnols ont honoré leurs créances ! Qu’à cela ne tienne, Louis XVIII et son successeur, Charles X, se contentent de solennelles promesses, tandis que le Dey Hussein jure de récupérer son dû pour mourir dignement.

Soudain, les événements s’accélèrent et la trame passe à une grande vitesse. Le ministre des affaires étrangère, le Baron de Damas, ne répond guère aux messages du Dey. Le Roi, idem. Bacri et Buschnach, les deux négociants créanciers du Dey, entre faux et mensonges, quittent la Régence et trahissent la confiance du maître d’Alger. Et le comble, à la veille de l’Aïd, le consul Pierre Deval se montre évasif et insultant envers le Dey qui, dans un accès de colère, le soufflette avec son chasse-mouche… La France est humiliée, l’alibi de la conquête est tout trouvé et, faute d’excuses prise, considérée comme circonstance aggravante, le général de Bourmont (ennemi juré de Napoléon) débarque à Alger pour chasser le Dey, faire main basse sur le trésor de la Casbah, estimé à quelques 500 millions de francs, et disposer d’un « territoire aux dividendes multiples, à la beauté divine, vaste comme un rêve et généreux comme le cœur d’une mère ». Soutenu par une bibliographie encyclopédique, Hold-up à la Casbah se veut un regard serein sur une supercherie majeure, reflétant les abus d’amitié et la gourmandise des puissants. Et l’Algérie demeure, de nos jours encore, un pays très convoité pour ses richesses terrestres et maritimes, d’ailleurs sublimées par la plume de Tarik Djerroud.

En remettant au goût du jour cette page de notre histoire sous les traits vivants des personnages de l’époque, ce regard vers le passé inaugure un cycle d’écriture dénué de haine et de faux semblants. « L’histoire court, pendant que l’esprit médite », lit-on en épigraphe, en évoquant un certain Camus auquel s’ajoute la conviction de l’auteur : « l’histoire est l’âme immortelle des peuples ». A lire… et à méditer !

L. Beddar

Partager