«Timest», le destin d’une œuvre majeure

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Une œuvre d’art, c’est comme un bateau qui sort d’un chantier naval : une fois qu’elle est achevée, elle échappe aux mains de son constructeur. Cela semble être le cas de «Timest», cette pièce de théâtre qui raconte une histoire liée au feu, jouée le 22 avril à Bouira, et dont nous avons rendu compte dans une de nos éditions. Depuis, elle ne fait que continuer sur sa lancée. Le 28 avril de la même année, elle fut accueillie avec le même enthousiasme à M’Chedellah, puis le 29 juin, les 1er et 3 juillet à Tizi-Ouzou. On la retrouvera à partir du 2 août à Béjaïa, Annaba, Batna, avant de revenir à Bouira.

Du 27 juin au 5 juillet, elle a participé au Festival du théâtre amazigh de Ouhadias (Tizi-Ouzou), où étaient présentes 20 troupes théâtrales venant de Béjaïa, Tizi-Ouzou, Oran, Bel Abbès et…elle décrochait quatre prix, en l’occurrence : le prix du meilleur comédien (Malek Fellag), le prix du meilleur scénographe (Chakik Bouchelkia), le prix de la meilleure musique de création et le prix du meilleur spectacle. Le 5 octobre, on la verra au Théâtre national algérien, à l’occasion du Festival international amazigh qui se tiendra en décembre. Le souhait exprimé par le réalisateur Lyès Mokrab Nacer et Nacer Terrada, responsable de gestion, est que «Timest» étende sa tournée aux wilayas les plus reculées, afin de faire aimer un art en perte de vitesse auprès du public.

Cette pièce qui met en scène des comédiens au talent confirmé est jouée par neuf acteurs de Bouira, dont Hassiba Cherfaoui qui incarne le rôle de la princesse. Elle connaît, depuis son lancement à Bouira, un succès qui ne fait que croître. L’histoire, nous confiait son auteur, s’inspire d’un passage lu ans l’œuvre de Mouloud Mammeri. Son auteur, par le biais du personnage du forgeron qui met le feu au village pour prouver que cet élément n’avait rien de divin et faire revenir de leurs erreurs ses compatriotes, se fait le champion d’un idéal de liberté et de justice sociale. Par la maîtrise de son art, il a su composer une pièce dans la pure tradition classique. C’est du Corneille par le tragique auquel elle atteint. En effet, par le renoncement à l’amour par fidélité aux principes et au devoir, le héros finit par se donner la mort.

Mais auparavant, pour combattre l’idolâtrie de son village, qui a choisi d’adorer le feu, un culte amené d’Orient par un imposteur qui a gagné la confiance du Roi, dont il cherchait à épouser la fille, le héros a mis le feu au palais royal. Ecrite en Tamazight, «Timest» met en scène des personnages eux-mêmes Cornéliens, comme la prêtresse du feu qui sait trouver les accents tragiques jusque dans ses formules incantatoires : «Brule, &ocirc,; feu, brûle et rayonne au loin». Elle n’a d’égal, à notre avis, que «Tifi», l’autre pièce écrite de la même main. Cette œuvre raconte le malheur d’un autre village confronté à une terrible sécheresse. Pour apaiser la colère du dieu de la pluie, il ne reste qu’un moyen : sacrifier la plus belle fille du village. Mais au moment où le geste sacrificiel allait être accompli, la colère du dieu s’abat sur tout le village. Comme dans «Timest», le jeune qui a pris la défense de cette fille alors qu’elle était l’objet de la haine et de la jalousie générale, croyant que sa bien-aimée est morte, se donne la mort. «Timest» est une belle pièce. Mais «Tifi» ne lui est pas inférieure. Elle doit être plus souvent programmée. Cela est d’autant plus vrai que Lyès Mokrab, l’auteur de ces deux œuvres, ne parvient pas à avoir une préférence marquée pour l’une d’elles.

Aziz Bey

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