Les prix littéraires entre petites combines et grandes manoeuvres

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Un clash, une exclusion du jury Femina, un gros pétard en librairie sur « La cuisine des prix »… et la polémique sur les prix littéraires, leurs « magouilles » et petites combines, est repartie de plus belle à quelques jours de l’attribution, lundi, du Goncourt.

La romancière Madeleine Chapsal n’en est pas revenue. En quelques minutes, elle a été exclue le 30 octobre du jury Femina, après 25 ans de loyaux services, pour avoir révélé dans son « Journal d’hier et d’aujourd’hui » (Fayard), les petits arrangements lors de l’attribution du prix 2005.

« Quant à ces dames, six d’entre elles avaient décidé mordicus et avant même d’entrer en scène de voter pour Gallimard », écrit-elle, en disséquant les manoeuvres des « gallimardiennes » et de leurs rivales. Faux! lui ont répondu ses consoeurs. « Nous votons pour un livre, pas pour un éditeur », s’est écriée Christine Jordis après le vote.

Démissionnaire du jury, « par solidarité » avec Madeleine Chapsal, Régine Deforges affirme n’être au courant de rien. « Je dois préciser que je n’ai jamais été témoin de magouilles au sein du Femina, du moins, si cela a été le cas, on ne m’en a pas avertie », déclarait-elle dans Le Figaro jeudi.

Ce qui sautait aux yeux de l’une échappait totalement à l’autre.

Magouilles ou pas magouilles ? Un pavé de 750 pages, le « Journal » (Pauvert) de Jacques Brenner (1922-2001), sous-titré « La cuisine des prix », publié cette semaine, vient opportunément alimenter la polémique.

C’est la revanche d’un obscur, d’un écrivain oublié, qui a siégé au jury Renaudot de 1986 à sa mort. Pendant 15 ans, Brenner a tout noté des bassesses et des pressions pour décrocher un prix ou se mettre un juré dans la poche.

Désabusé, « aigri », Brenner ne supportait guère que ses chiens.

En 1993, les écrivains Nicolas Bréhal et Angelo Rinaldi sont pressentis pour le Renaudot. Jeudi 28 octobre : « Petite conversation, écrit-il : Berger me rapporte, en me demandant de garder ça pour moi, que Rinaldi a l’intention de m’offrir un nouveau chien – oh, pas tout de suite, et non sans s’être informé de mes préférences en ce qui concerne les races ».

Yves Berger, alors directeur littéraire chez Grasset, décédé en 2004, est omniprésent dans le « Journal ». Octobre 1988 : « Berger me propose de l’argent pour racheter une voiture. Il me dit : Ce n’est pas possible que Falco (le chien de Brenner) soit privé de promenade ».

« Ah! magouilles, magouilles », se lamente Jacques Brenner. Pas question pour lui de démissionner pour autant. « Les ennemis des jurys ont bien raison quand ils parlent de magouilles, et je donnerais ma démission du Renaudot si je n’en retirais moi-même quelques bénéfices », écrit-il en octobre 1993.

Les manoeuvres s’intensifient à l’approche du prix. Novembre 1993 : « Un accord a été conclu entre Gallimard et Grasset. Les jurés Gallimard voteront Grasset pour le Goncourt, et les jurés Grasset voteront Gallimard pour le Renaudot », écrit Brenner.

En juin 2005, le Service central de prévention de la corruption (SCPC) avait pointé dans son rapport d’activité « les risques de conflit d’intérêt » dans le monde de l’édition lors de l’attribution des prix.

Mais si le système à la française, notamment le fait que les jurés des « grands » prix soient nommés à vie, est régulièrement critiqué, les prix continuent de faire vendre des livres et de nouvelles récompenses apparaissent chaque année.

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