«La chanson kabyle progresse»

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Moh Dahak revient avec un nouvel opus, ce mardi, après cinq années d’absence, mais pas de la scène. En effet, il a continué à animer régulièrement des concerts et des galas, notamment en France où il réside. Le chanteur a toujours su garder une relation sincère et exceptionnelle avec son public. Il se confie à cœur ouvert à nous dans cet entretien exclusif.

La Dépêche de Kabylie : Comment êtes-vous venu à la chanson ?

M. Dahak : C’est une question compliquée. Pour vous dire que d’un côté je suis venu à la chanson, comme tout le monde. C’est une passion que j’ai vu naître en moi dès mon plus jeune âge. Ça a toujours été en moi. En réalité c’est un détail que je ne pourrais jamais expliquer clairement. Je me pose souvent la même question : Aurais-je pu évoluer dans un autre domaine plutôt que la chanson ? Franchement je ne pourrais jamais répondre à cette question, je dirais plutôt que c’est l’inspiration et ma vie qui m’ont conduit à être, un jour, chanteur, aussi à composer et produire des musiques.

Vous avez un patrimoine très riche en chansons, avec notamment sept albums. Aujourd’hui et si vous auriez à classer vos chansons et vos musiques, dans quel genre les classeriez-vous ?

Il faut, en premier temps, préciser que je ne fais pas vraiment de distinction entre mes chansons. Je les aime toutes, elles sont faites à base d’inspiration, mais aussi à base de mon vécu et d’expériences personnelles, c’est pour cela que je ressens toujours l’expression de mes chansons. J’essaie aussi de rester en contact permanant avec ma société et ma communauté. Dans d’autres chansons, je véhicule le mal de vivre des jeunes, leurs soucis quotidiens et leurs revendications. Je tente aussi de transmettre certains messages, des souhaits et des espérances, pour la tolérance et pour la réconciliation. Au sujet de mon style musical, je pourrais dire que ma petite expérience dans la chanson m’a permis de devenir un chanteur multidimensionnel qui peut véhiculer la majorité des styles locaux et mondiaux. Toutes mes chansons sont faites de la même façon. Dans la majorité de mes albums, une panoplie de styles musicaux est incluse, le plus important pour moi reste de réussir les textes et les musiques, et surtout de développer ma production. Il y aurait certainement des préférences chez le public, les goûts et les couleurs ça ne se discute pas ! Pour moi, toutes mes chansons m’ont marquées et je ne regrette aucune d’entre elles.

Quelles sont vos influences musicales ?

Comme tous les chanteurs algériens, j’ai été globalement influencé dès mon jeune âge, par le patrimoine musical algérien. J’ai beaucoup estimé le travail de nos chanteurs, musiciens et compositeurs. Je n’en fais pas de distinction, parce que non seulement je respecte le travail intellectuel de nos artistes, mais aussi je considère que la chanson n’est pas seulement un produit matériel, tout en essayant de le voir autrement. Ma définition, un peu particulière à la chanson, m’a conduit à aimer et à apprécier le patrimoine musical algérien, avec toutes ses variétés. Je crois aussi en le rôle que peut jouer la musique dans notre vie quotidienne. Elle est universelle et humaine, elle véhicule des messages d’amour, de solidarité et de fraternité et moi-même je suis fan de la musique, avec ses variétés et sa complication.

En tant qu’artiste Kabyle, quelle appréciation portez-vous sur l’état de la chanson kabyle actuellement ?

La chanson progresse bien et elle avance. Je pense que l’essor de développement et de progression qu’elle connaît actuellement, contribuera certainement à sa popularisation et son perfectionnement. La chanson de chez-nous a une histoire et un patrimoine non-négligeable, deux éléments clés qui vont lui permettre de s’inscrire dans la continuité et dans le registre de l’humanité. Aujourd’hui et malgré la multiplication des contraintes et des obstacles, la chanson kabyle résiste bien, ou plutôt elle avance bien. Il faut dire aussi que nous avons un public très connaisseur qui aime la diversité et l’amélioration de qualité. Souvent, beaucoup de chanteurs, particulièrement les jeunes, sont la proie de critiques très sévères et subjectives. Moi même si je favorise la critique, je milite pour que celle-ci soit objective et constructive, d’une manière à aider les artistes à progresser. J’essaie, d’ailleurs, d’encourager, par tous les moyens, les jeunes talents qui font leurs débuts dans le monde de la chanson. Même si pour l’instant, on ne voie pas beaucoup de qualités, mais je vous avoue que j’ai confiance en cette nouvelle génération, qui reste déterminée et engagée en faveur de la chanson. On ne doit pas justement critiquer pour le plaisir de critiquer, le travail de perfection doit être un travail collectif et ce sont toutes les parties concernées qui devront s’impliquer pour l’amélioration de notre patrimoine musical. On doit aussi encourager les jeunes talents, leur donner la chance de s’exprimer et de nous montrer ce dont ils sont capables. Je suis partisan de la libération de la chanson kabyle, et c’est à nous d’encadrer toutes cette énergie. Nos critiques doivent sortir du cadre subjectif et personnel, nous devons aussi développer notre critique pour qu’elle soit progressive et constructive. En gros, je vous dirais que j’ai confiance en ces jeunes qui peuvent bouleverser l’avenir de la chanson kabyle en particulier et algérienne en général.

Après plus de cinq ans d’absence, «Thilelli», votre nouvel album, sort mardi prochain. Pouvez-vous nous parler d’avantage sur ce travail, particulièrement en matière de thématique, de textes et des arrangements musicaux ?

Oui effectivement, mon nouvel album sera en vente en Algérie à partir du 23 août. L’album en question et comme tous mes précédents, est le fruit d’un long travail de réflexion et d’arrangement. Il est composé de 10 chansons. Pour les titres et les sujets, j’ai essayé comme à chaque fois, de diversifier les styles et les sujets, dans l’espoir de satisfaire une grande partie de mon public ; j’espère d’ailleurs qu’il va plaire aux gens et je leur laisse l’appréciation. J’ai traité de plusieurs thèmes, mais ils sont principalement basés sur un sujet principal qui est l’amour, dans toutes ses sortes. J’ai essayé de transmettre un message d’amour, pour notre patrie, pour notre communauté pour nos parents ; chacun aura son amour dans cet album. Ensuite, j’ai essayé de rappeler l’importance de la cellule familiale dans notre société. Dans d’autres titres, j’ai essayé de véhiculer mes rêves et mes souhaits. Ceux d’une vie meilleure, sans haine, sans racisme et avec beaucoup de solidarité. Je pense aussi que la chanson peut apporter sa contribution pour l’amélioration de nos relations et notre vécu. Je pense aussi que les valeurs humaines, particulièrement, en Kabylie, doivent être restaurées, j’ai essayé d’apporter ma pièce à l’édifice dans cet album. Pour les arrangements musicaux, j’ai essayé de faire un album 100% acoustique, sans robotique ni influence technologique. Je l’ai enregistré en collaboration avec des arrangeurs Marocains, turcs, Français et Algériens, dans plusieurs studios. Je compte sur le grand public pour l’évaluer.

Selon-vous, la reconnaissance du public suffit-elle à forger la notoriété d’un chanteur ?

D’abord, j’espère que j’ai eu cette reconnaissance (rires). Ensuite, pour vous dire, je me considère toujours comme étant un simple artiste, qui évolue avec son public et sa communauté. J’essaye d’accompagner les gens, les jeunes particulièrement, dans leurs soucis quotidiens, dans leurs espérances. Je rêve aussi de poursuivre à progresser avec eux, d’apprendre plus. Je ne vous cache pas que je veux être un grand chanteur, alors j’essaye à chaque fois de développer de nouvelles méthodes, de faire introduire de nouveaux styles et arrangements, dans l’espoir de réussir un jour. Je sais qu’il me faut beaucoup de patience et beaucoup de temps. À l’état actuel des choses, je pense que le chemin est toujours long, malheureusement, je n’ai pas tous les moyens nécessaires et je me retrouve souvent face une réalité difficile et délicate, que j’essaye à chaque fois de surpasser. Une chose est sûre, je n’arrêterais jamais mes efforts et mes sacrifices pour me placer au rang des grands de la chanson kabyle.

Beaucoup de nostalgie et de regrets dans vos chansons, pourquoi ?

Oui, comme je vous l’ai dit, toutes mes chansons sont faites à partir d’expériences personnelles. Des souvenirs et un vécu qui m’a marqué. Aujourd’hui et au fil des années, je vous avoue que je ne pourrais produire une chanson qui ne m’a pas touché. Des fois, je pourrais véhiculer d’autres expériences, d’amis proches ou de ma famille, mais j’apporterais toujours ma petite touche personnelle, en me mettant à la place de ceux qui ont vécu ces expériences. De toute façon, toute personne, particulièrement dans le contexte social actuel, a une scène à regretter. Ce sont ces scènes justement qui marquent et forgent les personnalités des individus.

Quels sont vos projets ?

En plus du nouvel album que j’espère qu’il soit à la hauteur des attentes du grand public, j’ai un autre album en préparation. Je ne peux pas vous déclarer la date de sa sortie, car je préfère prendre tout le temps nécessaire pour son perfectionnement. C’est un projet qu’on a commencé depuis plusieurs années. Vous aurez beaucoup de surprises, avec notamment des duos avec des chanteurs étrangers et mondialement connus, que je préfère taire pour le moment.

Un mot pour conclure…

Pour conclure, je tiens en premier lieu à vous remercier au même titre que toute l’équipe de la Dépêche de Kabylie, pour m’avoir reçu dans votre bureau aussi chaleureusement. Je salue pour l’occasion mon public et tous ceux qui m’admirent. J’espère que ce nouvel album leur plaise et soit à la hauteur de leurs attentes.

Entretien réalisé par Oussama Khitouche

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