Comment Léonard de Vinci a-t-il peint la Joconde ?

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Jacques Franck, spécialiste indépendant de la technique du maître florentin, est « fasciné » depuis toujours par la virtuosité picturale de Léonard de Vinci, à laquelle il consacre une thèse universitaire à Paris.Travaillant avec « le regard du peintre » qu’il est lui-même, ce spécialiste « a voulu comprendre l’esprit de l’oeuvre à sa création ». « Du point de vue de la technique, la Joconde dépasse l’entendement », dit-il. « Comment a fait Léonard de Vinci ? Moi, j’ai la réponse ! », affirme-t-il.Pour reconstituer la façon de faire du maître, Jacques Franck a étudié des écrits anciens dont ceux de Léonard de Vinci d’une part, analysé son travail et surtout, reproduit lui-même certaines de ses oeuvres.Ce sont justement ces reconstitutions que M. Franck présente dans le cadre d’une exposition, « L’esprit de Léonard, le génie universel au travail », qui a démarré mardi à la Galerie des Offices de Florence (jusqu’au 7 janvier 2007).Le spécialiste a confectionné six panneaux où il reconstitue les étapes de la fabrication de l’oeil de Monna Lisa. Il y expose également deux copies qu’il a lui-même exécutées, deux têtes de sainte Anne d’oeuvres du Louvre et de la National Gallery de Londres. »Le problème fondamental du +sfumato+, c’est de savoir comment l’ombre et la lumière sont reliées de manière insensible », explique M. Franck à l’AFP, dans son appartement parisien. Pour parvenir à tant de subtilités, Léonard a « utilisé ce que j’appelle la micro-division », dit-il.En résumé, « sur une base de départ appelée +imprimatura+ qui donne un jaune léger, Léonard de Vinci va d’abord s’occuper de créer des contrastes, en utilisant une matière très diluée de tons rougeâtres. Il va ensuite reprendre très finement toutes les ombres par un système de travail de hachures », dit-il.Le peintre posera ensuite à nouveau cette +imprimatura+ formant voile « de façon à abolir la forme en la masquant », dit-il. Le système sera de poser des touches de plus en plus fines, très diluées, chaque couche étant patiemment recouverte de ce voile et le tout n’excédant pas les 1-2 mm. Sur le visage de la Joconde, « je pense que Léonard a du le faire une trentaine de fois », estime-t-il. « Il a du travailler avec une loupe, pour arriver à des touches allant au 1/30e ou au 1/40e de mm. Il a travaillé pendant des années », ajoute M. Franck qui a lui-même consacré « 3.000 heures » à une tête de la sainte Anne. »Depuis l’époque romaine, on utilise les hachures pour donner le relief », ajoute-t-il. « La peinture à l’huile permet le modelé. Léonard n’a fait que la synthèse de ces deux procédés, dans sa volonté de faire un relief extraordinaire », dit-il.Le C2RMF, le laboratoire des musées de France, a également analysé l’illustre panneau de peuplier, dont il publiera l’étude en juin dans « Au coeur de la Joconde. Léonard de Vinci décodé » (Gallimard). Pour Jean-Pierre Mohen qui dirige l’ouvrage, M. Franck « a bien avancé » avec une « autre approche, qui n’est pas analytique mais expérimentale ».La Joconde est « un travail très lent, très minutieux », confirme-t-il, avec « un maximum de réflexion et d’expérience, et tout cela au service d’un sourire qui a duré un quart de seconde ! ».

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