Berkaï Mouloud tire sa révérence

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Après avoir lutté contre la mort durant un mois, l’ancien maquisard et premier condamné à mort par la justice coloniale dans la région de M’Chedallah vient de rendre l’âme à l’âge de 90 ans.

Le défunt, qui présentait des déficiences cardiaques, a subi une opération chirurgicale consistant en l’implantation d’une pile «Packmeker» (stimulateur cardiaque) au service cardiologie du CHU de Tizi-Ouzou.

Une opération menée avec succès dans un premier temps bien que le patient fût extrêmement faible et inconscient, ayant cessé de s’alimenter depuis deux semaines.

Mais son état s’est vite détérioré et perdit conscience. Il succombera 24 après l’intervention, au pavillon de urgences de M’Chedallah après avoir reçu cet appareil, et ce malgré toutes les tentatives de l’équipe médicale de garde de le réanimer.

Rappelons que le défunt est le premier condamné a mort de la région et de la wilaya III historique.

Son parcours de combattant

Né en 1927 dans l’Aarch Iwakouren, du village Ighzer, Mouloud Berkai, acteur de la première heure de la cause nationale, a commencé, comme la plupart des jeunes de son âge, à militer dans les rangs du MTLD vers la fin des années 1940, avant de rejoindre le FLN dès le déclenchement de la guerre de libération nationale, le 1er novembre 1954.

Enrôlé dans le groupe du sergent Bessaoudi Arezki, un rescapé de la guerre d’Indochine, il participera en mars 1955, avec 25 de ses compagnons d’armes, à la première grande bataille de la wilaya 3 historique, à Alaouv, à proximité de Tiksiridene, actuelle Chorfa, en bordure de la RN15.

La bataille opposa son groupe à un important convoi militaire des forces coloniales qu’il décima, leur causant d’énormes pertes.

Des témoins de cette légendaire bataille rapportent que 45 soldats français y furent tués et qu’un grand nombre d’entre eux fut blessé.

Grisés par la victoire, les fédayins tardèrent à décrocher et furent surpris par les renforts dépêchés à partir de la caserne de Chorfa.

C’est alors que 4 compagnons d’Aami Mouloud tombèrent au champ d’honneur sous le feu nourri d’un blindé.

Lui-même fut blessé à la jambe et emprisonné à la prison de Serkadji à Alger. Il fut jeté dans une cellule, sans soins, dans le couloir de la mort. Il y attendra son exécution durant trois mois après avoir été condamné à mort au tribunal de Bouira.

Le Moudjahid Boussoura Belaïd, un autre condamné à mort, lui aussi blessé et fait prisonnier dans la bataille de Tiverahin à Ivehlal, commune d’Aghbalou, durant la même année en novembre 1955, raconta que Mouloud Berkai a été remarqué par les prisonniers algériens de Serkadji qui ont vu ses deux mains s’agripper à la minuscule lucarne de sa cellule isoloir.

Ils donnèrent l’alerte après que sa présence dans ce mouroir a été confirmée par un prisonnier marocain de droit commun, chargé des corvées par les responsables du pénitencier.

Le FLN a aussitôt envoyé maître Arezki Bouzida pour le secourir avec l’aide du bâtonnier d’Alger à cette époque-là Amaar Bentoumi. Sous la pression des deux avocats, le fédaye fut retiré de son cachot, avec une jambe infectée par la blessure. Une jambe qu’il perdit après sa libération après avoir contracté la gangrène.

Il fut sauvé par Ahmed Zabana et le compagnon du colonel Amirouche, Babouche Saïd, deux autres condamnés à mort qui eurent le temps de le soigner et le sauver d’une mort certaine avant d’être exécutés tous les deux.

Il a été le seul de cette nouvelle cellule à être épargné par la potence de Serkadji, grâce au combat des deux avocats qui le défendirent avec acharnement.

À souligner que son tortionnaire, un gardien de prison à Serkadji, a été exécuté par un commando de l’ALN.

Les autorités militaires françaises décidèrent, par la suite, de le transférer à Lambèse, toujours dans le but de l’exécuter, en le jetant dans le couloir de la mort.

Une sentence que les mêmes avocats retardèrent durant deux ans encore. Dans le but d’arracher son dossier à ces deux avocats acharnés, il a été transféré en France dans la prison des Baumettes, à Marseille.

Il fut donc de nouveau jeté dans le couloir de la mort. Cette fois-ci, ce fut maître Jacques Verges qui prit le relai de maître Bouzida et fit reporter, de date en date, l’exécution de la sentence.

Aami Mouloud sera sauvé in extremis par la proclamation du cessez-le-feu. Il rejoindra aussitôt les rangs de l’ANP et sera affecté durant deux ans à Sétif. Il reviendra à la vie civile et travaillera dans plusieurs secteurs jusqu’à la retraite.

Il y a lieu de rappeler que son père, Saïd, et son frère Mohand sont tombés au champ d’honneur durant son incarcération.

Aami Mouloud avait perdu sa 2e jambe il y a 5 ans et était condamné à finir ses jours dans un fauteuil roulant avant se tirer sa révérence il y a quelques jours.

La nouvelle de son décès, qui a circulé comme une traînée de poudre, a drainé une foule immense vers sa maison à Raffour, qui l’a accompagné à sa dernière demeure samedi dernier, couvert par l’emblème national au cimetière du même village.

Une marée humaine composée des autorités locales, de citoyens venus des quatre coins de la wilaya et d’ailleurs, de la famille révolutionnaire et ses compagnons d’arme encore en vie, a tenu a assister aux obsèques.

Oulaid Soualah

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