Iguersafene, le modèle à suivre

Partager

Le village Iguersafene, qui constitue le chef-lieu de la commune d’Idjeur, est situé en plein cœur de la forêt d’Akfadou, à 70 kilomètres à l’est du chef-lieu de la wilaya de Tizi-Ouzou à environ 25 kilomètres de la daïra de Bouzeguene, à’une altitude de 890 mètres.

Le mot Iguersafene  veut dire entre les oueds. Le village se trouve entre Assif Ath Hendis et  Assif Elaabed, ces deux oueds se rencontrent au sud d’ Assif Ousserdoun. Le village Iguersafene compte 4000 habitants qui maintiennent toujours l’organisation villageoise comme l’ont indiqué leurs ancêtres qui communiquaient les lois par voix orale dans le but de sauvegarder ce patrimoine. « Une  mini constitution, agréée par l’ensemble des habitants, a été rédigée par le défunt Hemache Ali en 1994. Elle a été révisée et modifiée en 2010 en ajoutant quelques clauses et chapitres dont celui de l’environnement dans le but d’aller avec les changements qui ont surgi avec le temps. » explique Raab Karim représentant du comité de village.

Tadjmaath, comme au bon vieux temps

à tadjmaath qui est la représentation concrète du village, le comité gère les affaires des habitants (eau, mariages, divorces et enterrements), règle les conflits, répond aux réclamations et annonce les projets durant les réunions qui se tiennent ordinairement chaque vendredi et deux fois par semaine ou même plus en cas d’affaire urgente qui nécessite l’étude et l’analyse des sages. Ces assemblées  ont lieu en présence des citoyens qui dépassent dix huit ans. Ainsi, ce sont 1367 hommes inscrits sur la liste qui sont tenus d’assister à toute réunion et si quelqu’un arrive en retard une amende de 50 da lui est infligée, s’il s’absente, il écope d’une amende de 200 da et s’il s’absente lors d’un volontariat, il sera sanctionné d’une amende de 400 da. Ainsi toutes les affaires, malentendus, terrains, divorces et autres conflits passent par le comité du village avant d’aller en justice. Dans le cas où une personne outrepasse ce règlement, elle se verrait automatiquement sanctionnée par le comité. L’objectif est d’éviter les vengeances que cela pourrait provoquer le village tisse les liens de fraternité en faisant appel à la sagesse et à la maturité qui caractérisent en gros les villageois et les représentants en particulier. La gestion financière est des plus avancées au village Iguersafene. Un important pourcentage  qui est de 80% des ressources financières vient des villageois, soit 21% des émigrés à raison de 5 euros par mois, des amendes, 25% des dons et 25 DA pour chaque foyer qui représente  l’abonnement aux  947 compteurs d’électricité existants, 20 % viennent des aides de l’Etat en subventions pour le village avec ses différentes associations. Le volet environnemental est l’une des priorités des gens d’Iguersafene  qui a été élu le village le plus propre de la wilaya de Tizi-Ouzou au concours Rabah Aissat l’année passée.

L’environnement comme priorité

En effet, le prix est bien mérité pour un village qui a pris des engagements collectifs à prendre en charge ce côté et à protéger l’environnement durant toute l’année et non occasionnellement. Ainsi, tout le monde est impliqué à commencer par l’association « Alma Vert » qui fait un travail merveilleux. Ce que doit effectuer le pays, Iguersafene a pu en peu de temps le réaliser. Tous les habitants sont conscients que l’environnement est l’affaire de tous avant qu’elle soit celle de la daïra ou  même du pays. Les gens n’attendent pas des arrêtés municipaux pour ne pas jeter les déchets, les épluchures, les mégots et même un petit bout de papier. C’est devenu une culture, les enfants même ont réussi à s’adapter vite  aux nouveaux comportements et à toutes les lois instaurées. La protection de l’environnement s’y  fait par amour et non par la force et l’obligation. « Ce n’est pas la mer à boire finalement, tout est habitude. Au début, on a trouvé des difficultés à se surveiller tout le temps mais là on n’imagine pas notre ville avec un seul mégot par terre. Nous aimons tellement notre village que nous veillons à le protéger ! Et puis, toutes les épidémies viennent de l’insalubrité et des odeurs des ordures de tous types ! Nous remercions notre élite d’avoir pensé  à réaliser tout ce que nous voyons aujourd’hui et les citoyens d’avoir obéi. Nous sommes fiers de la propreté de notre village qui reflète aussi de notre propreté. » confie un citoyen.

Organisation parfaite

En plus d’une décharge contrôlée dont rêvent quelques communes, l’association de l’environnement « Alma Vert » et le comité du village et les villageois ont pu réaliser en étroite collaboration avec des docteurs  Messaoudene Mohand Oussalah, directeur de l’institut des recherches forestières et  Hamoum Arezki professeur à l’université de Tizi-Ouzou, un centre de tri. Il est le premier au niveau de la daïra de Bouzeguene. Créé en 2012, il est opérationnel depuis Janvier 2013. Le village a acheté avec ses propres moyens un tracteur pour le transport des déchets. Le chauffeur, dont le salaire est assuré par le village, passe chaque matin par les endroits où les citoyens doivent déposer leur poubelle juste quand le tracteur passe et si un résident le fait avant, il sera  sanctionné d’une amende fixée à 100 da même s’il le terrain lui appartient. Un réseau de compostage micro-collectif est mis dans une unité de compostage des déchets biodégradables ; les gens d’Iguersafene trient les déchets, ils savent qu’ils ont une valeur économique pour cela ils ont mis en place des corbeilles de différentes couleurs. Chaque couleur représente une matière. Le plastique ne côtoie pas le verre ou autres déchets. Ainsi les villageois savent que toute chose a une valeur avant est après son utilisation. Le village donne ainsi l’exemple de l’organisation et de la propreté pour laquelle tous les peuples se battent, il est ainsi leader en terme de civisme et de citoyenneté parce qu’au fait, il ne suffit pas de dire « je suis du village », il faut faire quelque chose pour le prouver. Pari réussi à Iguersafene que plusieurs villages tentent de suivre pour améliorer le cadre de vie des gens. Après que le plus important est réglé le village trace un plan de développement de haut niveau dont l’aménagement des fontaines, réalisation d’une crèche, d’un manège, d’une maison pour les trois associations culturelle, sportive et environnementale ainsi que d’une salle polyvalente estimée budgétairement  à près de 4 milliards de centimes et dont les travaux ont débuté. Le Wali a promis d’ailleurs, d’aider à sa réalisation. « Soyez les bienvenus au village des 99 martyrs Iguersafene »  Comme le panneau d’accueil l’indique, le village compte, en effet, 99 martyrs que les jeunes n’oublient pas dans leur programme par la réfection de leurs tombes au cimetière des Chouhada.

Fatima Ameziane. 

Partager