Quel rôle pour les ressources et le génie algériens ?

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Hormis les réajustements urgents que commande la situation financière actuelle du pays-rationalisation des dépenses publiques, réduction des importations superflues, résorption du marché informel, nouveau ciblage pour les soutiens des prix, tel qu'il se dessine pour les carburants, par exemple-, quelle sera la part de l'innovation et de la recherche scientifique dans le nouveau pas que s'apprête à faire notre pays dans la relance et la diversification économique?

Quel sera l’apport de l’Université algérienne et des autres instances de formation pour la réussite de ce complexe challenge? Quelle sera la part de l’innovation technique et technologique dans le projet d’une nouvelle compétitivité à insuffler aux entreprises algériennes, qu’elles soient publiques ou privées? Le débat n’est pas encore lancé. Pendant les années passées, il ne pouvait pas l’être pour la simple et unique raison que le pays n’était pas dans le besoin. Du moins, c’est là la logique régnant, de façon consciente ou inconsciente, dans les sphères de décision. Le peu de « littérature » produite à ce sujet n’a pas dépassé le stade de certaines réflexions insérées dans les journaux ou de conversations académiques qui ne portaient pas à conséquence. Intégrer correctement dans la chaîne de l’agroalimentaire les excès de production en fruits, organiser et planifier scientifiquement les nouveaux périmètres irrigués permis par la mobilisation de la ressource hydrique, engager des actions globales dans le secteur du tourisme à même d’harmoniser les maillons de l’offre touristique (sites naturels, culturels, historiques ; accueil, hôtellerie, transport aérien et maritime, etc.), mettre à niveau les entreprises et leur injecter de la compétitivité en s’appuyant sur les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC), sont des missions qui exigent une grande part de technicité qui est censée provenir de l’Université des grandes écoles et de la formation professionnelle. Elles comportent inévitablement une part d’ingénierie, du sens de la prospective et de la recherche scientifique, dans sa déclinaison appliquée. C’est que, en ces moments difficiles de l’économie nationale, peinant à sortir de sa dépendance quasi totale aux hydrocarbures, il n’y a de salut que par le retour au génie national, et le regard se braque inévitablement vers les potentialités nationales en dormance, qu’elles relèvent des ressources naturelles non exploitées, des savoir-faire oubliés ou mis à la marge, ou bien encore de ressources humaines non valorisées jusqu’ici. En matière de ressources humaines, l’Algérie a compromis ses chances par une école et une université qui forme aux « profils » du chômage. Le niveau a dramatiquement baissé les diplômes ne représentent que du papier et les méthodes d’évaluation ont été malmenées par la fraude et le copiage. Ainsi, le retour aux méthodes et aux vertus de la formation qui répondent aux défis des nouveaux besoins de l’économie nationale- faits de défis de diversification et d’exploitation tous azimuts des ressources hors hydrocarbures- n’est pas une sinécure. Pourtant, des cadres ont été formés par le passé lesquels ont même fait le bonheur des pays…développés où il se sont réfugiés. Au moment où l’Algérie a un pressant besoin de se mettre au développement, l’idée a circulé de faire appel à ces Algériens qui font marcher des laboratoires à l’étranger, et à solliciter également la communauté des jeunes algériens établis à l’étranger pour apporter son savoir-faire et son ingénierie dans le projet de la relance économique. Il y a quelques mois, un salon pour les possibilités d’investissement des émigrés dans leur pays d’origine, l’Algérie, a été organisé. On compte sur leur double appartenance culturelle, leur formation, leurs capitaux financiers et leurs connaissances de certains circuits commerciaux pour l’exportation de produits hors hydrocarbures. Mais, des salons et des séminaires, on en a vu plein les yeux.

Cautère sur une jambe de bois

Passer à l’acte est décidément autre chose. Tous les éléments dissuasifs qui sont dressés au travers des investissements directs étrangers, sont toujours là; ils constituent toujours un obstacle de poids, y compris pour les enfants de la communauté algérienne établis à l’étranger qui seraient tentés de répondre à l’appel de la nation pour contribuer à la revivification de l’économie algérienne. Bureaucratie administrative, difficulté d’accès au foncier viabilisé corruption; bref, tout ce qui est connu sous le nom générique de climat des affaires tarde à se hisser au niveau des exigences de l’heure. Le nouveau code des investissements, par lequel le gouvernement d’Abdelmalek Sellal s’est engagé à aplanir ces difficultés et rendre le pays attractif aux capitaux nationaux et étrangers, n’a pas encore vu le jour. Le gouvernement s’est plutôt occupé des mesures d’urgence pour amortir certaines incidences de la crise financière et parer au plus pressé. Néanmoins, sans un traitement de fond, basé sur l’investissement productif, à même renverser la tendance actuelle et de diversifier les exportations algériennes dans tous les domaines, tout autre mesure- nécessairement ponctuelle et à peine correctrice d’un dysfonctionnement partiel- peut se révéler comme un cautère sur une jambe de bois. Outre un climat des affaires à améliorer et à rendre attractif, l’Algérie se doit de se sonner de la visibilité sur les domaines d’intervention restés en friche. En d’autres termes, il s’agit de faire l’inventaire des nouvelles possibilités d’investissement et de la densification d’investissements déjà existants. La communauté universitaire nationale, la société civile et les experts indépendants devraient participer à cet effort d’identification des secteurs les plus porteurs et qui peuvent bénéficier des avantages comparatifs lorsqu’il s’agit d’élaborer une politique d’exportation. Le processus de labellisation de la figue de Beni Maouche, en collaboration avec la Commission Européenne, même s’il patine quelque peu pour des raisons sans doute subjectives, donne une idée des possibilités d’investissement et d’exportation qui demeurent en friche dans notre pays. Il y a même des domaines où l’on peut carrément inverser la tendance, à l’image du tourisme thermal qui demeure à l’état primaire dans un pays qui regorge de stations naturelles, au moment où les Algériens se rendent en Turquie pour des cures thermales. Il en est de même des énergies renouvelables qui, en plus des possibilités d’exportations, vont assurer à l’Algérie sa transition énergétique du tout-fossile vers le solaire, le thermique et l’éolien.

Amar Naït Messaoud

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