Le justicier sans reproche

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Arezki El Bachir, Hand Oumeri, Mohamed Abdoun, Belzemat, qui sont-ils ? Incontestablement des résistants, des combattants et des hommes de valeur. Ils aidaient les petits gens réduits à la misère et la pauvreté par l’inique senatus consulte : Promulgué le 14 juillet 1865, inspiré de Saint Simonien Urbain. Il établit la primauté du français sur l’indigène sur tout, tant sur ses possessions, ses biens et ce qui en découle. En 1857, après la bataille d’Icherriden où Lalla Fatma N’Soumer fut défaite, la Kabylie a chuté après avoir résisté à l’avancée des troupes françaises. L’une des conséquences de cette défaite est que les villages perdent leur autonomie et le droit administratif. Les assemblées de villages, qui étaient auparavant les « sages » du Conseil élu, deviennent un outil de l’administration française, avec leurs dirigeants («chevilles ouvrières» et «amines») nommés par l’autorité coloniale. Dans le même temps, en Kabylie, le pouvoir colonial a commencé l’exploitation du système de concession, et l’attribution des terres du village aux colons nouvellement arrivés d’Europe, selon les lois coloniales en vigueur à l’époque. Il n’y avait aucun autre moyen de résister que de prendre les armes, mais quelle arme ? Le pot de terre contre le pot de fer. On peut dire que, du moins ces 4 individus, qu’ils furent des écervelés, des inconscients ou des illuminés, ils furent les libérateurs dans bien des cas pour les populations qui n’avaient aucun saint auquel se vouer. Arezki Bachir est né « vers 1857 » dans le village d’Aït Bouhini en Kabylie (dans l’actuelle commune de Yakouren). Il était le fils d’El Béchir et Ali Nait Tassadit Tadjibat, et appartenait à la confédération de tribus kabyles, les Ait-Ghobri. 1857, c’est à peu près la date de naissance de Si Mohand ou M’Hand le poète. Dans la région d’Azazga et de Yakouren où Arezki El Bachir a vécu, les forêts du chêne-liège ont attiré des sociétés de développement de ressources. Arezki n’a que 14 ans au moment du soulèvement de 1871, dirigée par El Mokrani, qui enflamme l’ensemble de l’Algérie orientale. Il assiste, impuissant, à la répression coloniale sur la population. Le gouvernement français avait alors créé la loi de «responsabilité collective». En 1857, après la bataille d’Icherriden où Fadhma N’Soumeur fut défaite, la Kabylie a chuté après avoir résisté à l’avancée des troupes françaises. L’une des conséquences de cette défaite et que les villages perdent leur autonomie et le droit administratif. Les assemblées de villages, qui étaient auparavant les « sages » du Conseil élu, deviennent un outil de l’administration française, avec leurs dirigeants («chevilles ouvrières» et «amines») nommés par l’autorité coloniale. Dans le même temps, en Kabylie, le pouvoir colonial a commencé l’exploitation du système de concession, et l’attribution des terres du village aux colons nouvellement arrivés d’Europe, selon les lois coloniales en vigueur à l’époque. Arezki El Bachir est décrit par le sous-préfet de Tizi-Ouzou, il s’agit en fait d’un dossier de plus de 200 pages intitulé «Rapport sur la répression du banditisme adressé au gouverneur général de l’Algérie et au préfet d’Alger (novembre, décembre 1893 et janvier 1894)». Il contient entre autres l’historique des faits en rapport avec les «bandits d’honneur» entre novembre 1893 et janvier 1894, et les correspondances reçues par le sous-préfet de Tizi-Ouzou de ses différents administrateurs, lors de l’opération déclenchée en novembre 1893, en vue de combattre le «banditisme en Kabylie». Le phénomène des «bandits d’honneur» n’est pas propre à l’Algérie. Il est largement répandu dans le domaine méditerranéen, et cela de fort longue date. C’est avec le régime civil de la Troisième République qu’il va croître en Algérie. La presse trouvera d’ailleurs le moyen d’attirer de nombreux lecteurs en fabriquant des récits souvent romancés contant les exploits des «bandits au grand cœur». Trois d’entre eux se distinguent des autres : Bouzian El Kalai (1838-1876) dans la région de Beni Chougrane, Arezki L’Bachir en Kabylie du Djurdjura et Messaoud Ben Zelmat dans les Aurès, mort en 1921. Ces trois figures sont celles qui ont davantage attiré l’attention, mais elles ne doivent pas faire oublier l’existence d’autres personnages restés plus anonymes mais qui ont aussi porté des coups à l’ordre colonial établi. «Certains reporters, écrit le sous-préfet de Tizi-Ouzou, dans l’impossibilité où ils se trouvaient d’approcher Arezki, commirent des interviews bâties tout d’une pièce. Ils arrivèrent par ce moyen à servir un Arezki étrange, sorte de gentilhomme dévoyé qui invite ceux qu’ils volent à de succulentes agapes, qui guide obligeamment les voyageurs en détresse, qui se fait le chevalier servant des Anglaises égarées des forêts de Yakouren. D’après ces messieurs de la presse, c’était un gentil bandit … qui, si joliment, savait offrir à ses hôtes de rencontre, sous les figues violettes qui pendent pesamment, le tapis moelleux de son burnous étendu» (A.O.M, 7 G 2). Arezki L’Bachir en vint à décider de coordonner ses actions avec les autres chefs des «bandits d’honneur», en particulier les Abdoun, les Beni Haçain et les Beni-Felick. La coopération entre eux porta rapidement ses fruits, ainsi qu’en témoignent les descentes faites dans certains villages pour châtier ceux qui s’en prenaient à eux et se rendaient coupables de délits à leurs yeux. Le village de Tabarourt, appartenant à la commune mixte d’Azzefoun, en paya le prix par deux fois. Le motif de la première descente, le 3 juillet 1893, semble avoir été la volonté de tirer vengeance du meurtre de Bachir Abdoun, un proche d’Arezki, tué par les soldats de Bochot, administrateur d’Azzefoun. Voici un extrait du récit de l’attaque sous la plume du sous-préfet d’Alger. «Vers minuit, le 3 juillet, les bandits au nombre d’une quinzaine, dit-on, arrivèrent à Tabarourt et occupèrent une petite place située au sud du village. Plusieurs d’entre eux allèrent à quelques pas de là mettre le feu à la maison d’un nommé Mohammed Said, tirant des coups de fusil sur les habitants qui voulaient fuir l’incendie. Ils tuèrent ainsi Mohamed Said, blessèrent sa fille qui mourut quelques instants après, blessèrent aussi sa femme et son fils. Pendant ce temps, les bandits criblèrent de balles les maisons du village pour empêcher (leurs occupants) de sortir de chez eux… Cinquante-sept douilles de cartouches brûlées ont été trouvées sur le terrain». (A.O.M, 7 G 2). Il n’en demeure pas moins qu’Arezki El Bachir fut arrêté avec son compagnon et non moins complice Abdou dans les environs de Seddouk. Il était arrivé à diriger plus de trois cents personnes, révoltées contre les injustices de l’époque. En 1893, le gouverneur d’Algérie décide de mettre fin à cette «légende vivante». Arezki Bachir a été arrêté et jugé à Alger en janvier 1895. Verdict: condamnation à mort pour lui et neuf de ses lieutenants; déportation en Nouvelle-Calédonie pour le reste de son entourage capturé. Il a été exécuté à la guillotine le 14 mai 1895 à Azazga en compagnie de 5 de ses compatriotes. Il a connu la fin des héros par sa mort.

S. Ait Hamouda

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