Spécialité : tondeur d'ovins…

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L'élevage ovin dans la région de M’Chedallah a enregistré ces dix dernières années son plein essor, avec l'arrivée de nouveaux éleveurs dans ce créneau.

Et cela grâce au retour du cycle humide avec une importante pluviométrie. Cela a été également possible grâce à un recul net de l’insécurité, notamment dans les zones montagneuses de la région à caractère agro-pastoral. Pour rappel, durant la décennie noire, des dizaines d’éleveurs avaient fui les maquis de Saharidj et d’Aghbalou – deux communes de montagne réputées pour l’élevage ovin et bovin – en raison de la recrudescence des actes terroristes.

Aussi, l’une des plus importantes opérations de l’élevage d’ovins est la tonte. Cette dernière doit être menée à terme avant l’arrivée des grandes chaleurs de l’été, pour avoir une bonne qualité de la laine, et éviter aux bêtes d’en souffrir à cause de leur toison épaisse. À M’Chedallah et comme partout à travers le pays, l’opération en question débute normalement le 15 avril de chaque année, selon le calendrier agricole ancestral. Mais cette année, un retard de trois semaines est constaté.

Les leveurs de la région expliquent cela par un récent décalage des saisons, observé depuis 2004, soit depuis le retour du cycle humide. Un cycle qui s’étale, pour rappel, sur 36 ans. Ce qui explique les perturbations atmosphériques durant le mois d’avril, survenues avec la même densité que celles de l’hiver. Un climat qui a retardé le démarrage de la campagne de la tonte d’ovins (brebis et moutons) et cela pour plusieurs raisons.

La première est le risque des coups de froid (grippe et bronchite) auquel l’on expose une bête qu’on débarrasse de sa toison, alors que les températures sont encore sensiblement basses. Ensuite, ce sont les enclos et bergeries qui ne sont pas complètement secs à cause toujours des températures basses. Le cheptel se salirait aussitôt à cause du fumier humide qui est comme une matière adhésive qui colle aux bêtes.

Ainsi, il a fallu aux éleveurs attendre que les espaces, où sont parqués les animaux, soient complètement asséchés avec l’arrivée des chaleurs qui n’ont commencé à se manifester que durant la première semaine de ce mois de mai. Il importe de souligner que la tonte des moutons est l’une des plus pénibles opérations de l’élevage ovin, car durant cette période, la plupart des femelles sont pleines. Ce qui rend la tâche davantage difficile, car dans de pareilles conditions, la bête ne doit pas être allongée par terre, tant les risques de perdre la portée sont très élevés. Aussi, la bête étouffe rapidement et peut mourir facilement.

Elle doit être tondue debout et surtout avec beaucoup de prudence ; ce qui n’est pas une tâche aisée, d’autant que les tondeuses électriques, dont l’utilisation s’est généralisée dans les pays développés en Europe et l’Amérique notamment, ne sont toujours pas disponibles en Algérie. Pour tendre le cheptel, l’on continue encore à utiliser de gros ciseaux, qu’il faut manipuler avec beaucoup de précautions, au risque d’éventrer la bête.

Un éleveur expérimenté peut tondre un maximum de 4 brebis par jour, ce qui explique l’effervescence qui s’est emparée d’eux en menant cette opération avec adresse, notamment par les propriétaires de troupeaux importants. D’autant plus que ces derniers sont talonnés par la campagne de fenaison qui démarre dans moins de dix jours.

Cette période, entre mai et juillet, est la plus chargée pour les éleveurs avec de nombreuses tâches qui arrivent à la fois, dont le grand nettoyage des enclos, qu’il faut débarrasser du fumier accumulé durant tout l’hiver, la tonte des moutons et la fenaison pour certains. Vient ensuite la campagne des moissons.

Ces opérations ne peuvent accuser aucun retard, au risque de perdre des récoltes, telle que le foin ou les céréales. À signaler que les brebis, qui ne sont pas en gestation, une fois débarrassées de leurs toisons, elles dégagent une odeur qui attire les mâles pour l’accouplement. La mise à bas, qui intervient vers le mois de septembre (la portée est de 5 mois), est dénommée localement «amenzou».

La filière du tissage, un métier à réinventer

À noter, enfin, qu’en l’absence d’ateliers de transformation de laine dans la région de M’Chedallah et dans toute la wilaya de Bouira, les éleveurs ne tirent pas de grands profits des toisons, surtout que la transformation de la laine de façon traditionnelle, qui se fait à la main et destinée au tapissage de tapis traditionnels et burnous, est en net recul, sinon en voie de disparition.

En effet, rares sont les femmes qui maîtrisent encore cette technique ancestrale de la transformation de la laine manuellement qui passe par plusieurs opérations avant d’être prête à l’utilisation. D’aucuns trouvent qu’il est dommage que personne n’envisage à investir dans ce créneau, malgré l’abondance de la matière première.

À souligner que les matelassiers de jadis, qui utilisaient la laine, ont disparu depuis plus de 20 ans. De l’avis de bon nombre d’éleveurs, ce créneau doit intéresser le ministère de la Formation professionnelle, qui, rappelons-le, a introduit, dans son programme d’apprentissage, la tapisserie traditionnelle.

À signaler que plusieurs centres de la daïra de M’Chedallah et Bechloul sont équipés de la gamme complète des «métiers à tisser», composés de plusieurs éléments, mais inutilisés à l’exception de celui de Raffour qui a assuré la formation à plusieurs sections de femmes aux foyers, grâce au concours de l’association culturelle féminine «Agraw Adelsan».

Cette dernière a fait du porte-à-porte, pour inscrire des femmes intéressées par cette formation de tissage traditionnel. De l’avis des citoyens, il suffirait d’accompagner cette filière (tissage) par la dotation d’ateliers de transformation de laine, pour éliminer la contrainte de la matière première.

Cela se révélera, aussi, comme étant un moyen de soutien direct, pour la relance de l’élevage ovin, qui reste l’un des plus importants créneaux de l’agriculture au niveau de Bouira, une wilaya à vocation agro-pastorale dans sa totalité, d’autant que tous les indispensables paramètres y existent, tels que d’infinis espaces de pâturage, de l’eau, auxquels s’ajoute à un climat des plus favorables.

Oulaid Soualah

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