Réceptionné depuis trois ans, le barrage de Koudiet Acerdoun, situé dans la commune de Maâlla, daïra de Lakhdaria, est déjà partiellement fonctionnel pour la fourniture de l’eau potable à la région sud de la wilaya de Tizi-Ouzou (daïras de Draâ El Mizan, Tizi Gheniff, Boghni, Ouadhias).
Pour les autres régions ciblées, les adductions et les stations de pompage/refoulement sont en voie de réalisation aussi bien vers les communes de la wilaya de Bouira que vers les wilayas de Médéa et M’Sila. A moyen terme, un périmètre irrigué est prévu dans la basse vallée de l’Issers.
Cet ouvrage d’une capacité de 640 millions de mètres cubes- le second en Algérie après celui de Beni Haroun, dans la wilaya de Mila, dont la capacité est de 960 millions de mètres cubes- reçoit les eaux à partir d’un bassin versant étendu sur deux wilayas (Bouira et Médéa) avec une superficie de 2 831 km2.
Pour préserver aussi longtemps que possible les capacités de rétention du barrage et assurer ainsi une longévité économiquement acceptable à l’ouvrage, le bassin versant (ou impluvium) se doit d’être protégé sur la majorité de sa superficie. Les pouvoirs publics et les techniciens versés dans le domaine de l’hydraulique tiennent à ne plus reproduire les erreurs du passé où des ouvrages hydrauliques ont été livrés au bon vouloir d’une nature chamboulée par l’action de l’homme. Il s’agit de faire accompagner tous les nouveaux barrages par la protection de leur bassin versant ; celle-ci est censée être rapidement programmée, c’est-à-dire dès réception de l’ouvrage. Dans certains pays, on anticipe même la réalisation des travaux anti-érosifs. À sa livraison, le barrage est déjà sous l’effet d’une protection minimale qui croîtra au fur et à mesure de la croissance des plantations effectuées sur le bassin. Le bassin versant du barrage de Koudiet Acerdoun chevauche sur les deux wilayas de Médéa et Bouira avec respectivement 85% et 15% de sa superficie. L’Agence nationale des barrages et transferts (ANBT) a confié en septembre 2005, au bureau d’étude Tecsult-Canada l’étude de protection du bassin versant de cet important ouvrage hydraulique. Le bureau canadien a établi son schéma directeur d’aménagement. La prise en charge de l’application de ce schéma directeur est revenue à la conservation des forêts de la wilaya de Bouira, pour la partie qui la concerne, soit quelque 430 km2. L’établissement des fiches techniques relatives au programme de protection du bassin versant obéit aux procédures de montage de projets de proximité de développement rural intégré (PPDRI), faisant intervenir aussi bien l’axe de protection technique du sol contre l’érosion que l’assistance des populations habitant dans ce périmètre pour développer certaines activités rurales pouvant contribuer à l’amélioration de leurs revenus. Le schéma directeur de protection du bassin versant du barrage Koudiet Acerdoun s’est principalement basé sur le diagnostic dégagé pour ce vaste territoire. Le point de départ de ce bassin va du sommet de djebel Dirah à Sour El Ghozlane jusqu’à Kef Lakhdar, relevant de Aïn Boucif. Quant à la digue, elle est construite sur l’Oued Isser, commune de Maâlla, daïra de Lakhdaria.
De la nécessité d’impliquer les populations
Ce schéma directeur est considéré comme moyen idéal pour une approche rationnelle et technique, pour une prise en charge sérieuse du phénomène de l’érosion dans la région et pour asseoir une méthodologie de lutte anti-érosive, la plus efficace possible. Il prend en charge le souci de mettre en exergue les dangers de l’érosion à trois niveaux : dégradation et appauvrissement des sols, ce qui conduit inéluctablement à la réduction des rendements et à la paupérisation des populations ; envasement des barrages, ce qui réduit progressivement leurs capacités de rétention et altère la qualité des eaux ; endommagement et même destruction de certains équipements hydrauliques (pompes, canalisations,…). L’étude insiste sur le développement d’une approche sociologique qui devrait prendre en compte la réalité culturelle des populations et le mode d’organisation économique de celles-ci, dans le but de les impliquer dans la gestion rationnelle de leurs territoires et de les faire adhérer à la stratégie de protection des bassins versants de barrages.
Le sol de cette région, qui fait partie de ce que les géographes appellent l’Atlas blidéen, est marqué par une forte diversité de sa morphologie et de sa structure. Cependant, sur le plan de l’action anthropique (intervention de l’homme), les incidences sont à peu près les mêmes. Ces dernières se matérialisent par une forte dégradation du milieu biotique (incendies de forêts, défrichement, systèmes de culture inadaptés, processus d’urbanisation,…), ce qui, inévitablement, conduit à la fragilisation du support édaphique (sol). Les éboulements, érosions, glissements et affouillements de terrain n’ont jamais connu une telle avancée que lors des dix dernières années. L’obstruction des routes par des coulées de boue après de légères pluies automnales n’en est que l’élément le plus visible.
En matière d’envasement des ouvrages hydrauliques, notre pays a eu déjà des expériences malheureuses à Bechar (barrage de Djorf Torba), à M’Sila (barrage du K’Sob) et dans d’autres régions où les capacités des ouvrages ont été drastiquement réduites en l’espace de deux ou trois décennies.
S’agissant des techniques de lutte anti-érosive, les méthodes sont généralement à la portée des techniciens algériens, qu’il s’agisse des opérations de plantations forestières/fruitières ou d’autres aménagements tels que les seuils des corrections torrentielles (barrages de gabions). Cependant, sur le plan pratique, des cas de difficulté d’exécution de ces programmes ne sont pas à exclure, principalement celles liées à la nature juridique des terrains sur lesquels sont prévues les actions du schéma directeur. Sur l’ensemble de l’impluvium, la majeure partie des terres revient à des propriétaires privés. Les actions de reboisement, de fixation de berges, de corrections torrentielles, voire même de plantation fourragère, sont souvent mal acceptées par les populations rurales, particulièrement les ménages vivant de l’activité d’élevage. La wilaya de Bouira a déjà eu une expérience peu concluante avec le barrage de l’oued Lakhal, dans la commune d’Aïn Bessam, réceptionné en 1984, et où il ne reste que des vestiges des travaux de protection du bassin versant réalisés au milieu des années 1980. C’est pourquoi, les pouvoirs publics ont adopté une nouvelle stratégie, celle qui consiste à impliquer au maximum les populations dans le montage des projets avec des actions de développement susceptibles d’avoir rapidement des impacts sur leur niveau de vie (arboriculture, apiculture, aviculture, désenclavement par l’aménagement de pistes, électrification rurale, aide à la construction de logements ruraux,…). Un autre ouvrage d’importance capitale, le barrage de Tilesdit à Bechloul, situé au pied du Djurdjura avec une capacité de 170 millions de M3, mérite de voir son bassin versant protégé. Le Conservateur de forêts avait saisi l’occasion de la visite du ministre de l’Agriculture et du développement rural en novembre 2009, pour demander l’inscription d’une étude dans ce sens.
Amar Naït Messaoud