Par les chemins de la croissance et de l’innovation

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La notion d’entreprise semble traîner en Algérie un double malentendu. Vue sous l’angle d’une entité privée, les relents d’une mentalité archaïque nourrie par l’économie étatique et centralisée lui collent le complexe ‘’honteux’’ d’une machine à profit, froide et presque inhumaine. Vue sous l’angle d’entité publique, elle n’arrive pas à bénéficier d’une vision ou d’une attention qui lui appliqueraient les règles de la rationalité économique en dehors d’un excessif interventionnisme étatique somme toute contre-productif. N’ayant pas vécu une ‘’révolution industrielle’’ ou un capitalisme national triomphant qui, tous les deux, ont formé les forces sociales et décidé des grands agrégats des classes sociales en Europe, l’Algérie est passée d’un capitalisme colonial dominateur à un ‘’socialisme’’ populiste et rentier qui, en l’espace de moins de trois décennies, a montré ses limites historiques. Les événements d’octobre 1988 ont marqué symboliquement l’avènement du pluralisme politique et surtout une libéralisation économique accélérée par la crise d’endettement. Cette dernière poussera les autorités du pays à négocier le rééchelonnement de la dette extérieure au prix d’un drastique Plan d’ajustement structurel (PAS).

Les entreprises publiques, bénéficiant déjà depuis 1988 des textes de loi sur l’autonomie des entreprises, se mirent à licencier à tour de bras, phénomène qui, dans une espèce d’incontrôlable tempête, balaiera la structure même de certaines entreprises. Les dissolutions, liquidations et fermetures des entreprises sont devenus les concepts nouveaux les mieux partagés au cours de la décennie 1990. Sur le plan politique et sécuritaire, le pays était plongé dans les abysses de l’incertitude si bien qu’aucune autre formule de salut ne fut imaginée pour remettre sur rail les entreprises publiques et attirer les investissements privés nationaux et étrangers. L’entreprise privée en Algérie n’avait encore pratiquement aucun repère juridique, administratif, social ou managérial pour se positionner dans un environnement de remises en causes déchirantes aussi bien sur le plan économique que sur les plans politique et sécuritaire.

Par rapport à l’ancien système économique où il était question de ‘’satisfaire les besoins vitaux des populations’’, les nouvelles règles de l’entreprise- nouvelles pour l’Algérie de l’époque bien sûr-, supposant recherche du profit, équilibre financier, marché des biens et des services régulé par la loi de l’offre et de la demande, nouvelles règles de la formation des prix et, grande ‘’hérésie’’, un marché libre du travail, toutes ces notions disons-nous, ne pouvaient être assimilées ipso facto comme valeurs sociales d’autant plus que, sur le plan de la culture politique et de l’éducation , aucune préparation spéciale ne fut menée. L’installation du nouveau système économique basé sur la politique de l’entreprise, de la croissance et du profit se trouva handicapée ainsi par des facteurs politiques et culturels en plus du déficit en ressources humaines. Les formations scolaires, professionnelles et universitaires n’avaient pas préparé l’encadrement adéquat pour une véritable stratégie de l’entreprise.

En outre, l’acte de créer l’entreprise, de quelque dimension qu’elle soit, n’est pas une…entreprise de tout repos. Le climat bureaucratique, les tentations corruptrices, l’archaïsme des services de l’administration, le gel des réformes bancaires et les handicaps du foncier sont les éléments les plus visibles d’une toile d’araignée beaucoup plus fournie et insaisissable.

En 2009, beaucoup de choses ont changé. Le climat général de l’acte d’investissement tend à mieux être accompagné par les pouvoirs publics même si de grandes difficultés persistent. Ainsi les trois redoutables ‘’F’’ -Financement, foncier et fisc- montrent toujours une certaine rigidité que dénoncent beaucoup d’entrepreneurs et autres capitaines d’industrie.

Pour une nouvelle culture d’entreprise

Depuis 2009, des voix, dans la haute administration, se sont élevées pour appeler à l’élaboration d’un nouveau code des investissements qui puisse libérer davantage l’acte d’investir des pesanteurs et incertitudes qui le grèvent jusqu’ici. Cependant, comme dans les autres domaines de la vie publique, il est fort probable que le ‘’réaménagement’’ des textes réglementaires relatifs à l’investissement ne crée aucun déclic particulier tant que l’environnement général de l’économie algérienne demeure tributaire d’une culture politique et managériale ‘’intériorisée par les hommes et les institutions sous formes de réflexes. Cette culture qui ne confère pas encore une place de choix aux segments de l’économie hors des hydrocarbures est devenue otage d’une rente qui nous a valu bien des errements et des déconvenues. Le rehaussement de la fiscalité ordinaire- de façon à contrebalancer le poids démesuré de la fiscalité pétrolière dans l’élaboration du budget de l’État- ne peut guère s’effectuer dans un climat qui ne favorise pas l’investissement hors hydrocarbures. L’un des signes, et pas des moindres, de cette anomie ou ‘’paresse’’ fiscale est sans aucun doute cette liberté rare dans le monde, accordé au secteur informel. Un secteur qui tue à petit feu- par une concurrence déloyale connue de tous- le peu d’économie structurée qui existe ; qui génère une évasion fiscale incommensurable et qui défie les caisses de la sécurité sociale et d’assurance (CNAS, CASNOS, assurance contre les risques techniques et naturels, …). Une économie basée sur un minimum de rationalité ne peut se permettre de fermer les yeux indéfiniment sur un secteur qui, selon les estimations du Conseil économique et social (CNES) emploie quelque presque un million et demie de personnes et qui s’accroîtrait annuellement de 8 %. Cela, indépendamment des risques de santé et des risques technologiques que les produits transitant par ce secteur font courir aux populations.

Ainsi, outre les mesures et réglementations destinées à lutter contre le blanchiment d’argent, la contrebande, la contrefaçon et la corruption, le président de la République met en exergue les réformes économiques engagées sous son règne, en déclarant en 2007 : «[ces réformes]qui ont permis une meilleure bancarisation de l’économie, la réduction de la pression fiscale, la libéralisation du commerce extérieur, la convertibilité commerciale de la monnaie nationale, la simplification des formalités douanières ». Ce sont des facteurs, assure Bouteflika, « qui doivent concourir à l’assèchement des activités dans la sphère informelle ».

Dans cette situation peu sereine où la crédibilité des institutions de l’État est engagée, les investissements nationaux ou étrangers ne trouvent pas les encouragements et l’assise nécessaire à leur déploiement.

Le dernier amendement apporté en octobre 2010 au Code des marchés publics ne constitue pas non plus une révolution pour les entreprises postulant à la commande publique. En projetant de rendre les procédures plus transparentes et de faire acquérir aux entreprises algériennes leur place au soleil face à une concurrence étrangère peu soutenable, le Code des marchés a péché par ses excès en conduisant à l’infructuosité des milliers d’appels d’offres et de consultations.

Le bruit court depuis novembre 2011 qu’un nouvel amendement est envisagé pour le Code des marchés publics.

Création d’entreprises : une copie à revoir !

En matière de création d’entreprises, l’Algérie n’arrive pas à se situer dans la bonne place des pays créateurs d’entreprises. Par exemple, en 2009, notre pays occupait la 141e place sur un total de 181 examinés par la Banque mondiale.

A titre de comparaison, l’Arabie Saoudite est positionnée 16e. Pour l’embauche des travailleurs, l’Algérie occupe la 118e place. Le reste des critères utilisés par la Banque mondiale ne donnent pas une bonne image du climat d’investissement et des affaires de notre pays.

Pourtant, au niveau des orientations politiques officielles, des signaux forts et des mesures incitatives de façon à drainer plus efficacement et plus diligemment les investissements hors hydrocarbures, n’ont pas manqué. Dans les rangs de l’Assemblée populaire nationale, seuls quelques députés remettent en cause la politique nationale de privatisation ou la font accompagner de propositions sociales dissuasives. Les grands projets que le gouvernement a conçus depuis 1999 et dont le plus important est le Plan de soutien à la croissance économique (PSCE) étant des projets structurants, c’est-à-dire qu’ils sont censés servir, en tant que grandes infrastructures publiques, d’armatures susceptibles de drainer et recevoir les vraies investissements portés par les entreprises. Ces derniers, en tant qu’actes économiques généreront à leur tour les emplois et les plues-values sociales exigés de tout système économique. Cependant, dans une première phase, comme l’on si opportunément rappelé certaines institutions internationales, les lourds investissements publics déployés dans les ouvrages, les infrastructures et les équipements génèrent toujours un surcroît de consommation sans équivalent en production immédiate. Ce qui, nécessairement nous conduit à un phénomène inflationniste ne serait-ce que temporaire. Si les chiffres officiels situent l’inflation à moins de 5 %, la réalité du marché et du pouvoir d’achat est autrement plus amère. Les effets d’une inflation ‘’sournoise’’ sont, en tout cas, bien ressentis depuis les trois dernières années par les populations algériennes dans leur vie de chaque jour. Le phénomène semble s’aggraver avec les augmentations de salaires consenties à presque deux millions de fonctionnaires avec un effet rétroactif à partir de janvier 2008.

Les pouvoirs publics se sont penchés sur l’identification des divers et nombreux blocages qui ont bloqué ou freiné jusqu’ici les grands flux d’investissements que notre pays est en droit d’attendre dans une conjoncture exceptionnellement propice sur le plan des finances publiques et de l’équilibre des grands agrégats économiques. Le traitement des dossiers par l’ancienne APSI, devenue par la suite ANDI (Agence nationale du développement de l’investissement) ne semble pas donner tous les résultats escomptés. Et pour cause, le passage au crible de cette Agence des différents dossiers qui atterrissent sur son bureau se limitait à faire valoir les avantages (fiscaux, douaniers, taux d’intérêt des crédits,…) accordés par l’État aux candidats à l’investissement. De nombreux projets validés par cette institution qui travaille pour le compte de l’État n’ont pas pu voir le jour des années après leur validation en raison des lenteurs, entraves et dysfonctionnements qui caractérisent les autres institutions chargées d’encadrer l’investissement (banques, caisses de garantie, services de la wilaya pour ce qui a trait au foncier industriel,…).

« Les entraves résultant de la complexité de l’arsenal juridique, des difficultés d’accès au foncier et de la rigidité du système bancaire étant identifiées comme principales contraintes que rencontrent les investisseurs potentiels et les entrepreneurs nationaux et étrangers », reconnaissait, déjà en 2006, le président de la République.

Depuis l’année 2009, le rôle de l’ANDI a été renforcé par des textes réglementaires de façon à ce que cette structure qui travaille pour le compte de l’État suive la réalité des investissements pour lesquels elle a accordé des avantages fiscaux ou parafiscaux.

Démystifier l’entreprise privée

M. Redha Hamiani, reconduit en novembre 2011 à la tête du Forum des chefs d’entreprises (FCE), soutient que la conjoncture économique en Algérie est caractérisée par de grandes disponibilités financières générés par la rente pétrolière, mais qu’elle souffre du déficit des acteurs sur le terrain. « Les entreprises publiques souffrent de difficultés structurelles, tandis que le secteur privé demeure encore faible », déclarait-il en 2009. Il expliquera que le secteur économique public subit des restructurations perpétuelles qui l’ont affaibli et l’ont conduit à voir ses parts de marcher reculer d’une façon constante. Le secteur privé quant à lui, patine toujours du fait que sa composante n’a pas dépassé le stade d’entreprise familiale. « Elle est de faible envergure et enfermée sur elle-même. Il faudra parvenir à des entreprises privées capables de s’autofinancer à hauteur de 30% au moins et s’acheminer vers la séparation entre les notions de propriété et de gestion. Il faut se départir de l’idée que celui qui détient les capitaux doit nécessairement gérer. 90% des entreprises privées ont une gestion familiale qui n’intègre jamais le budget de Recherche et Développement (R&D) et qui ne montre aucune volonté d’ouverture du capital. Leur comptabilité manque de transparence, ce qui explique leur non admission en bourse. Le secteur privé a recours aussi au marché parallèle puisqu’une grande partie des ressources financières ne transitent pas par les banques ».

Le président du FCE révèle que même si le secteur privé contribue à la création de richesses à hauteur de 80%, il n’a bénéficié en 2009, que de 53% des montants des crédits destinés à l’économie. Le reste, c’est-à-dire 47%, tombe dans l’escarcelle des entreprises publiques. Il met en garde contre la poursuite d’une politique économique qui risque de faire de l’Algérie un pur marché de la consommation. « La production locale est en train de vivre une rude concurrence face aux produits d’importation. Gardons-nous de répéter les erreurs du passé qui ont fait qu’on s’était appuyé sur l’industrie industrialisante et les usines clefs en main », avertit-il.

Dans le contexte de l’économie algérienne, le marché a subi de profondes transformations. Les acteurs économiques sont invités, dès lors, à revoir leur perception des défis. Les grands écueils ne se situent pas exclusivement au niveau du foncier, du financement bancaire et de la bureaucratie administrative. De nouveaux problèmes, inconnus par le passé sont en train de surgir dans la sphère de production ». Le président du FCE enchaîne en ajoutant : « l’acteur économique ne sait pas encore que sa marchandise peut rester en stock suite à l’entrée envahissante des produits asiatiques et turcs, lesquelles bénéficient de prix concurrentiels et de la meilleure qualité. De nouvelles charges devraient être supportées par le producteur algérien : publicité réseau de distribution, réseau commercial. Le marché algérien connaît d’autres problèmes nouveaux à l’exemple de la croissance fulgurante du marché parallèle et la contrefaçon. On est arrivé au constat qu’il est plus facile d’acheter de l’étranger des produits de contrefaçon à prix modique que de les fabriquer localement. Sur plusieurs aspects, le marché est dominé par les importateurs en place et lieu des producteurs ».

Si des faiblesses techniques et des lourdeurs administratives grèvent encore de leur poids l’acte d’investissement, il demeure cependant acquis que les orientations économiques établissant la nécessité de l’investissement privé qu’il soit national ou étranger, ne relèvent plus de choix doctrinaux qu’il serait loisible de prendre ou de répudier en cours de route, mais répondent à une impérative nécessité de faire redémarrer la machine économique du pays sur des bases solides délestées de la mentalité rentière qui nous a valu bien des errements. Que cela se fasse simultanément avec un secteur public rénové et revigoré ce n’est qu’un atout de plus. Cependant, les effets de l’ancienne mentalité ne cessent, jusqu’à présent, de brouiller, au sein de certaines structures décisionnelles, la vision et l’organisation de l’acte d’investir au point de faire subir à certains secteurs de l’économie des situations de dommageable surplace. Il est tout à fait vrai que les rentes de situation et la solidarité ‘’clanique’’ autour de certains intérêts ne peuvent être neutralisées du jour au lendemain. Mais une chose demeure certaine : la course effrénée vers la mondialisation et l’interdépendance des économies- tout en ayant leur revers de médaille- ne peuvent tolérer les replis et la navigation à vue qui caractérisent la gestion de certains secteurs de notre économie et particulièrement notre politique de développement de l’entreprise.

Le pari de la modernisation

Les économies modernes, qu’elles soient celles des pays développés ou celles des pays dits émergents, sont basées essentiellement sur la gestion de l’entreprise. Les autres secteurs, consommateurs d’argent, font partie de la politique générale de l’État consistant à organiser son administration, son armée et son école, et consistant aussi à orienter les flux des transferts sociaux (soutiens publics à des secteurs fragiles, aide de certaines franges de la population,…). Cette politique de l’État matérialisée par la confection d’un budget repose justement sur la fiscalité issue de l’activité des entreprises. C’est cette plus-value sociale qui est redistribuée à la nation sous forme de services et de différentes prestations.

Pour sortir de la logique rentière mortelle dans laquelle elle évolue depuis quatre décennies, l’Algérie est appelée à s’engager de plus en plus hardiment dans une vraie politique d’entreprise, génératrice de richesses, d’emplois et de revenus fiscaux.

Une fois que les contraintes du climat d’investissement seront globalement dépassées, se posera alors l’épineuse question de la gestion et du management de l’entreprise.

En tout cas, la gestion de l’entreprise publique telle qu’elle est connue jusqu’à ce jour ne pourra guère servir de modèle. Loin s’en faut. Il faudra certainement revenir d’abord à ce qui constitue le baba de l’entreprise, à commencer par cette définition simple mais lourdement engageante : une entreprise est une organisation économique autonome, disposant de moyens humains et matériels, qu’elle combine en vue de produire des biens et des services destinés à la vente.

L’économie du savoir ou de la connaissance est le nouveau concept consacré depuis moins d’une décennie pour désigner le capital ‘’Savoir’’ (background managérial, technique et scientifique) qui sert d’assise à la politique de la gestion économique et particulièrement à la gestion des entreprises.

En effet, pour maîtriser la gestion d’une entreprise, il importe de maîtrise ses différents environnements (politique et juridique, culturel, géographique, social, économique et technologique). L’importance de la connaissance de l’environnement pour un manager d’entreprise est capitale. Certaines composantes de cet environnement peuvent présenter des risques à tout moment : inflation subite de certains matériaux, basculement du niveau de changes, climat social tendu, nouvelle politique fiscale contraignante,…). D’autres composantes se présentent sous formes d’opportunités à saisir (croissance économique soutenue, innovations technologiques, hausse des salaires soutenant la consommation,…). Les managers apprennent, pour réduire certains risques liés à l’environnement de l’entreprise, à transformer une menace en opportunité en se donnant l’imagination et les moyens nécessaires d’anticiper la menace.

Dans quel état de préparation et de maîtrise se trouve le personnel de l’entreprise algérienne par rapport à cet environnement identifié et intégré par les entreprises des pays développés ou émergents ?

La réalité de la gestion des ressources humaines dans l’entreprise algérienne est en tout loin de pouvoir s’inscrire dans la logique de la stratégie de développement de l’entreprise, de sa conduite vers une croissance durable et de sa projection dans la sphère de la performance. Il est vrai que la notion même d’entreprise en Algérie est très récent et a fait son entrée par effraction depuis l’ouverture du pays sur l’économie de marché. L’un des handicaps majeurs qui empêche de rattraper ce retard dans un délai raisonnable est sans aucun doute la qualité de l’encadrement et du personnel d’exécution appelés à jouer les grands rôles au sein de l’entreprise.

Ressource humaine : la Talon d’Achille

Dans ce contexte, l’attention est vite happée par la qualité de la formation scolaire, professionnelle et universitaire. Le moins que l’on puisse en dire est que l’intégration et l’adéquation formation/emploi n’est pas assurée. Soit on forme pour des métiers qui ne sont pas encore installés et que les frais émoulus de l’université n’ont pas les moyens matériels et financiers d’initier ; soit, on forme d’une façon médiocre au point où le cadre de conception ou d’exécution ne trouve pas sa place dans une entreprise privée qui exige imagination, réactivité compétence et sens de l’initiative pour s’insérer en son sein.

Les derniers rapports du CNES (Conseil économique et social) ont estimé à 200 ou 300 000 le nombre de primo-demandeurs d’emploi par an. Le rythme actuel des investissements ne permet d’absorber qu’une partie de cette bouillonnante ‘’armée de réserve’’. Plus grave, cette institution publique d’évaluation sociale et de prospective a déjà averti que le peu de progrès réalisé en la matière- l’investissement- reste fragile puisqu’il n’arrive pas à s’auto-entretenir par une croissance durable. Les experts nationaux et étrangers tablent sur une croissance du PIB d’au moins 8% étalée sur plusieurs années pour prétendre réduire substantiellement le chômage dans notre pays ; voie étroite qui requiert une stratégie expansive en matière de création d’entreprise et une politique de formation adaptée au contexte économique.

Ainsi, parler de la compétence au sein de l’entreprise algérienne et de la manière dont elle est utilisée ou gérée comporte une ‘’aporie’’ liée à la déconnexion du monde de la formation qualifiante par rapport à l’univers de l’entreprise.

Le problème serait encore plus complexe si l’on introduisait la notion de recherche-développement (R & D) telle qu’elle est mise sur rail par la plupart des entreprises des pays développés. Sur le plan de la recherche scientifique appliquée, l’Algérie, au vu de l’embellie financière qui caractérise son économie depuis presque une décennie, est supposée pouvoir engager de grands chantiers pour mettre à niveau les entreprises et l’administration sur le plan technique en adaptant les dernières inventions et créations du monde développé. Il est désolant de voir des logiciels pirates- qui circulent en toute impunité- prendre la place et le rang de recherche applicables à nos entreprises. Or, en matière de solutions informatiques, des Algériens de valeur sont en train de rendre des services inestimables à des boites étrangères au moment où s’échaudent ici de fumeuses chimères lors de dispendieux séminaires tendant à inciter les cerveaux algériens à revenir au pays pour y investir et s’y investir ! La part prise par la matière grise algérienne sous les cieux ‘’plus cléments’’ d’Europe, d’Amérique et des pays du Golfe est un signe révélateur des échecs recommencés de la politique nationale de recherche et de la stratégie de la valorisation des énergies humaines nationales.

Que ce soit dans le secteur primaire (agriculture, forêts environnement) que dans le secteur secondaire (industrie, agroalimentaire) en passant par le secteur des services (tertiaire), l’Algérie a des besoins énormes de mise à niveau technique et de gestion. Aucune mesure administrative ou ‘’jurisprudence’’ étrangère ne peut remplacer l’action de la recherche scientifique. Des actions de recherche appliquée ont été déjà initiées en Algérie pour adapter des inventions ou créations occidentales de façon à en tirer le meilleur parti pour les entreprises de notre pays. Cependant, c’est d’une politique offensive, aussi bien dans la formation que dans la recherche, qu’il s’agit de s’armer pour affronter les défis de l’économie moderne.

Amar Naït Messaoud

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