Les walis seuls aux commandes ?

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Jamais l’autorité élue n’a été profusément mise à rude épreuve comme ce fut le cas ces dernières années. Les élus qui peinent à prendre en charge les préoccupations des populations sont renvoyés constamment au coin du ring à chaque mouvement de contestation. Devant cet état de fait, le wali, à la manœuvre, décrète et mène seul le bal.

Le projet de loi relatif à la wilaya, dont le débat est confiné dans les seules travées de l’Assemblée populaire nationale, changera-t-il les règles du jeu avec une APW capable de prendre en charge les préoccupations des populations ? S’achemine-t-on vers une gestion réellement participative des élus et une meilleure coordination entre l’autorité désignée et celle élue ? Quel levier d’action pour l’APW une fois le projet de loi relatif à la wilaya approuvé par l’APN ? Peut-on craindre, à contrario, une dérive autoritaire des walis, comme le laissent entendre certains élus ?

Dans ses sorties publiques, l’ex-ministre de l’Intérieur, Nourdine Yazid Zerhouni, plaidait en faveur d’un passage d’une démocratie représentative à une démocratie participative, en référence au nouveau code de la wilaya. Qu’en est-il concrètement ?

Annoncé depuis belle lurette, le nouveau code de wilaya vient en remplacement de la loi 90/09 du 7 Avril 1990. Un code, rappelons-le, voté dans des conditions chaotiques. Le nombre d’articles composant la loi passe de 158 à 183.

Dans l’ancien code de wilaya, les délibérations de l’APW étaient soumises à l’approbation du ministère de l’Intérieur avant qu’elles ne deviennent exécutoires.Ce n’est plus le cas avec le nouveau code à l’exception des délibérations relatives au budget et aux comptes, à l’aliénation et échanges d’immeubles, au jumelage et aux dons et legs.

Les délibérations de l’APW sont désormais exécutoires de plein droit 21 jours après leur dépôt au niveau de la wilaya. Seul le tribunal administratif territorialement compétent saisi, le cas échéant, par le wali après constatation de leur non-conformité aux lois et règlements en vigueur, peut prononcer leur annulation.

Selon les termes du nouveau code de wilaya le nombre de commissions permanentes de l’APW passe de 3 à 8 commissions. Cela à même, est-il expliqué de couvrir les besoins socioéconomiques des citoyens y compris l’information et les nouvelles technologies de l’information et de la communication. Pour se consacrer à leurs tâches électives, les présidents des commissions de l’APW sont permanents dans le nouveau code.

Quant aux pouvoirs et attributions du wali, ils sont mieux clarifiés dans le titre 3 de la loi. Il représente à la fois la wilaya et l’Etat. Dans le nouveau code de wilaya, il est stipulé que toutes les réductions des recettes fiscales du budget de wilaya résultant des mesures prises par l’Etat en termes d’exonération fiscale, réduction des taux ou suppression d’impôt, doivent être compensées par une ressource égale au montant du manque à gagner pour le budget de wilaya. La disposition de l’article 66 permettant un éventuel retrait de confiance au président de l’APW a été amendée et supprimée par la commission des affaires juridiques de l’APN. Le président de l’APW est élu pour une durée d’un mandat. Cette disposition, nous dit-on, n’est que le prolongement du nouveau code communal qui, lui aussi, prévoit l’élection du P/APC pour la durée d’un mandat. Les élus de l’APW peuvent initier des commissions “Ad hoc” pour s’intéresser de près à tout problème particulier de la wilaya dans le cadre des attributions de l’APW. Ces commissions peuvent aboutir à des résolutions approuvées par l’APW et exécutoires par le wali. Le député indépendant de Béjaïa, Meziane Belkacem, estime que le nouveau code de wilaya ne prévoit “aucun cadre légal de coordination ni de concertation entre l’APW et les APC pour l’élaboration des programmes», ajoutant que les indemnités des élus dans l’exercice de leurs fonctions sont fixées par voie réglementaire alors qu’elles sont prélevées auparavant sur le budget de wilaya, qui relève de la compétence de l’APW.

Il souligne qu’“en cas de dissolution d’un parti politique, les élus le représentant au sein de l’APW, sont systématiquement déchus de leurs mandats électifs», précisant qu’aucune disposition n’est prévue pour leur remplacement par d’autres élus. Il regrette au passage que les délibérations et leur transcription doivent se faire en langue arabe. “Les articles 25 et 53 qui en font référence ne sont pas conformes à la Constitution algérienne qui reconnaît les langues arabes et tamazight en tant que langues nationales», détaille-t-il.

Egrenant les insuffisances contenues dans le nouveau code de wilaya, Meziane Belkacem estime que “l’article 157 qui permet à l’APW de recourir à l’emprunt pour la réalisation d’équipements productifs de revenus n’est pas suffisamment explicite», expliquant que les modalités de son application sont fixées par voie réglementaire, or, poursuit-il, “cette mesure légale a un intérêt particulier pour propulser l’APW de simple chambre de distribution de subventions en une institution pouvant faire dans la projection pour la création d’une richesse locale pouvant renflouer les caisses du budget de wilaya”.

Pour lui, “la relation de travail entre les élus locaux et les représentants de l’administration reste à améliorer et à approfondir. Pour éviter un cloisonnement dans l’action quotidienne, beaucoup d’efforts doivent être fournis de part et d’autre pour apprendre à travailler ensemble et non l’un contre l’autre. La complémentarité au quotidien et la transparence doivent être le leitmotiv pour joindre la représentativité élective à l’application rigoureuse de la loi au profit exclusif du citoyen”.

Kamel Bouchoucha, député RND, estime, quant à lui, que le nouveau code de wilaya “comporte beaucoup de points positifs dans son contenu à l’image de la soumission à l’approbation de la tutelle des délibérations», et ce, précise-t-il, dans certains cas seulement, tel l’investissement touristique. Le parti d’Ouyahia, indique-t-il, a introduit des amendements notamment celui qui fera bénéficier une assemblée de 43 élus, comme celle de Béjaïa, de trois vice-présidents, de l’augmentation du nombre des commissions permanentes.

Il souligne en substance que le nouveau code de wilaya “est un grand pas vers la décentralisation” à condition, ajoute-t-il, que les textes d’application soient à la hauteur de ce code.

De son côté le député FLN, Foudil Zeghouati, met l’accent sur les attributions accordées aux élus et aux walis dans le nouveau code de wilaya. Il estime que celles-ci “y sont bien précisées», en constatant que le wali a une double casquette, celle du représentant de la wilaya et de l’Etat impliquant de fait, la mise sous son autorité des différents corps de sécurité.

D. Saïche

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