“C’est une pièce des plus réalistes”

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La Depêche de Kabylie: Qu’avez-vous à dire sur le texte ?

Yasser Nacerddine: C’est à partir d’un texte de youcef Taouint, que j’ai trouvé très bien écrit et où les dialogues sont savamment travaillés, que j’ai décidé de le porter sur scène. D’ailleurs je tiens à le remercier chaleureusement, de la liberté qu’il m’a accordée quant à l’adaptation. A mon humble avis, sacraliser le texte le fige et interdit toute interprétation artistique, la représentation théâtrale n’est pas l’équivalent sémantique d’un texte dramatique…

Qu’en est-il de l’écriture dramatique chez nous, de manière générale ?

Un effort doit être consenti dans ce sens, car je pense qu’il existe une véritable crise de dramaturges, et une certaine «pénurie» de textes de création, nous n’avons plus l’excuse de moyens matériels, ce qui manque plutôt ce sont les bonnes volontés qui doivent œuvrer pour la réhabilitation et le rétablissement du théâtre à texte.

Votre théâtre rejoint-il un courant ou une école donnée ?

Je suis contre la catégorisation, mon travail est plus une synthèse de tout ce qui a été fait par les anciennes écoles. Ce qui me tient vraiment à cœur, et que j’ai toujours défendu, c’est d’abord un théâtre basé sur le comédien qui, loin d’être une machine, doit avoir tous les moyens nécessaires à sa portée, pour pouvoir s’exprimer. Il faut le mettre en confiance, lui faciliter le travail, c’est lui qui construit son personnage, vous aurez compris par la qu’il s’agit d’un théâtre tel que préconisé par Stanislavski, qui prône une certaine dimension psychologique, où l’acteur ne doit pas «faire semblant», mais vivre et re-vivre sur scène…il est artiste, du moins, il est censé l’être, donc il produit de l’émotion….

La pièce a chaleureusement été accueillie par le public, mais certains spectateurs regrettent son pessimisme prégnant, notamment la fin tragique des personnages, cela na va-t-il pas à contre-courant d’une certaine évolution de la société et de l’Histoire… ?

C’est une pièce des plus réalistes, je trouve ! C’est une vision philosophique de la vie qui suscite d’incessantes remises en questions, l’instinct de survie qui est montré sur scène l’est tout aussi visible dans la réalité sauf que dans cette dernière, il est masqué par des artifices sociaux et culturels…L’art de manière générale, est là pour zoomer sur les comportements humains. L’Homme a ce côté négatif, que l’on veuille ou non, nous avons fait le choix de le montrer, comme nous aurions pu montrer ce qu’il a de beau… cela reste une question de choix…

Le décor est simple, on peut en dire autant des autres artifices ; lumières, bandes de son…

Je suis contre ! C’est au comédien d’occuper la scène, en général, ces techniques sont là pour combler des vides, qu’ils soient dans le texte ou dans la mise en scène…

On vous a vu, plutôt entendu «rappeler à l’ordre» vos comédiens qui prenaient la «liberté» de s’adresser au public …. ?!

Là aussi c’est une influence Brechtienne, c’est une technique qui consiste à briser le quatrième mur, c’est une forme de complicité établie avec le spectateur…

Justement, les réactions du public, vous les redoutez ? vous les apprivoisez ?

Ce qui est attendu de nous autres artistes et gens de théâtre n’est pas de plaire au public, on ne plaira que si l’on est sincère, authentique. Beckett se retrouvait assez souvent avec des salles vides, cela ne l’a pas freiné il s’est exprimé à sa façon, il avait quelques choses à dire, il l’a fait…

Je vous laisse conclure…

Je suis content d’avoir pu mener à bien ce projet qui comme je l’ai souligné me tenait vraiment à cœur, je remercie les gens du théâtre de la confiance qu’ils ont placée en moi, et tous ceux qui ont participé à sa mise sur pied…

Propos recueillis par N. G.

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