De son opposition aux médiums

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Par Abdennour Abdesselam :

La notoriété du Chikh à mis de l’ombre à certains Lechyakh (pluriel de Chikh) qui vivaient de leur interprétation personnelle de la chose divine, mais surtout il s’opposait aux médiums. Il savait que la société kabyle dans son ensemble vivait pauvrement et que la pauvreté prédispose les gens à croire en ces choses qui relèvent du surréel et donc de l’impossible. Il blâmera sévèrement les nécromants. Son attitude envers eux n’était pas simple formalité. Il travaillait au redressement de la pensée qui amènerait les mediums à se mettre autrement au service de la société. Pour réduire leur influence il dira : «Win s-yennan dgi lberhan, winna rray-is ihan» (nul ne peut prétendre à la surréalité ; tout est fioriture). Il décourage en même temps les citoyens affaiblis et enclins à se livrer à eux et à leur fantaisiste profession. Il fera remarquer que : «Dduât, ur ssufughent, ur ssahluyent, ur ssengarent». Il limita ainsi grandement la pratique de la divination et ses effets néfastes sur la société. Ainsi donc pour ceux qui font une fonction du surréalisme, à ceux qui y croient et s’en remettent ; autant dire du pratiquant et du consommateur il dira :«Albaâdh irkeb-it wadhu Albaâdh irkeb adhu» (Il y a ceux qui rentrent en transe, il y a ceux qui sont entraînés dans la danse : tous brassent du vent). Lorsqu’un jour il entend un visiteur raconter qu’un médium avait fait pousser des dents à une poule devant lui, le Chikh déconcerté dira indifféremment : «Sâumet taâzeg ay imezzughen» (ô mes oreilles! faites que je n’aie rien entendu d’aussi insensé). D’autre part, il se savait objet de critiques par Lechyakh qui constataient que peu de gens s’en remettaient à eux. Chikh Mohand pouvait se sentir affecté intérieurement mais demeure serein. Il s’impose une attitude à l’image de son statut. Il dira en leur direction par analogie: «Mi ttfegh aggur, itran anda bghun ruhen» (Quand je tiens la lune entre mes mains ! les étoiles peuvent aller où elles veulent). Même si le Chikh ne s’attardait pas sur ces considérations, il ne s’empêchait cependant pas de rétablir l’équilibre en certaines circonstances. Il dira à propos de ses «détracteurs» : «Nitni d ifrax nek d lqaâa» (ils sont tels des oiseaux et moi tel le sol.) L’explication va d’elle-même. Pour se nourrir tout oiseau est contraint malgré lui de se poser au sol. Mais le Chikh ne fermera jamais sa porte même à ceux qui regrettent et viennent lui présenter leur mea-culpa. Il dira: «Win gh-ihemmlen nhemmel-it, win gh-ikerhen njuneb-it, win inedmen nqal-it» (nous aimons ceux qui nous aiment, nous pardonnons à ceux qui nous haïssent et ceux qui regrettent ont toute notre indulgence).

A. A.

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