Un maître de la voie Soufie

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Né en 1713 à Ath Warthilane en Kabylie, El Hocine El-Warthilani est issu d’une famille pieuse. Il était subjugué par Béjaïa, une ville qui fascine et qui rayonne de mille feux à cette époque, qui est devenue sa destination privilégiée. Il y passe notamment les mois sacrés de jeûne, à cause de la ferveur religieuse qui y règne. Les querelles qui opposèrent les docteurs de l’islam en orient, suivies souvent de persécutions ne parviennent que discrètement à Béjaïa qui a ouvert grandement ses bras au savoir. Se défendant d’être un innovateur, il se présente comme un digne continuateur des Sohabas. Pour mettre les connaissances qu’il a acquises à la portée des générations futures, il a écrit plusieurs œuvres dont La Rihla, fruit de ses multiples pérégrinations, qui est un essai où se côtoient géographie, ethnologie et religion. Dense, riche en observations et en analyses, cette œuvre a été pour le colonisateur français un document de référence pour la compréhension de la société algérienne. Al Warthilani a aussi été un excellent commentateur de plusieurs textes de son époque, il a notamment commenté la célèbre «El Wadhifa » de Sidi Yahia El Aidli. Dans son œuvre majeure La Rihla, on trouve beaucoup d’éclairages sur l’islam et sur la pratique du soufisme, un soufisme qu’il veut au service de la société : « Saches que la sainteté la plus noble et la plus élevée est celle qui prend en charge les soucis et les préoccupations des musulmans. Elle est intégrée dans l’héritage prophétique sur terre, dans la défense de la religion, la sauvegarde de la voie, la maîtrise du savoir et du travail », écrit-il dans son livre. Homme érudit, avide de savoir, il a commencé à aiguiser son intelligence en sillonnant la Kabylie, allant d’une Zaouia à une autre, sans en négliger aucune. C’est à partir delà qu’il a reçu sa première formation. Faisant partie de ces ulémas kabyles qui ont consacré leur vie à errer à travers le monde à la quête du savoir, Lhocine El Warthilani, dans son long périple à travers le monde, était sur les traces des Mouhadithines qui sillonnaient aux premiers siècles de l’hégire tout l’orient à la recherche de hadiths attribués au prophète. D’un pays à un autre, il entame ses pérégrinations à travers le monde musulman pour enrichir ses connaissances. Tunisie, Libye, Egypte, Syrie … El Warthilani se rend dans plusieurs pays musulmans et s’initie auprès des grands ulémas de l’époque à la voie soufie. Homme de sciences et de convictions, il devient même l’un des maîtres de cette voie religieuse et reçoit l’autorisation d’initier les novices et de transmettre son enseignement. Ses voyages, qui le mènent un peu partout, en plus de lui ouvrir les yeux sur les us et coutumes des autres peuples musulmans, lui font découvrir, surtout, les querelles dogmatiques qui déchirent les docteurs de la foi. Ainsi, et un peu à cause des désagréments des voyages, et de l’intolérance religieuse qu’il avait vue, El Warthilani se rend à l’évidence que « finalement, il n’est bien que chez lui », dans sa Kabylie natale, où le soufisme qui n’est pas vu comme une hérésie, est vécu librement. Il meurt en 1779, laissant à la postérité l’image d’un Ibn Batouta kabyle, qui a livré d’intéressants témoignages sur son époque.

L. Beddar

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