Deux ans après le déclenchement de la lutte armée, la guerre faisait rage. La France du gouverneur Lacoste, qui a déployé en Algérie un arsenal de guerre impressionnant et un effectif de 200 000 hommes, s’apprêtait à doubler son contingent. Le peuple algérien, outré par les exactions de la soldatesque française, a pris fait et cause pour la révolution. Les différentes tendances du mouvement national sont parvenues à mettre en sourdine leurs dissensions et à rallier le mouvement de lutte armée, y compris Ferhat Abbès, avec qui le FLN avait jusque-là maille à partir. C’est donc un FLN fort de son unité et cristallisant l’aspiration de tout un peuple à l’indépendance, qui a jugé de la nécessité de faire le point sur la situation et d’élaborer de nouvelles stratégies de lutte. Ce fut le 1er Congrès du FLN, tenu le 20 août 1956 à Ifri, dans la commune d’Ouzellaguen. Les travaux de ces assises ont été sanctionnés par une charte qui a consacré la naissance du premier Etat algérien républicain. Des résolutions majeures y ont été adoptées : Création de deux instances de direction, chargées de conduire la suite de la guerre : Le CNRA (conseil national de la révolution algérienne), qui fait office de direction politique du FLN et le CCE (conseil de coordination de d’exécution), structure investie de la mission de coordination des opérations militaires. La propagande colonialiste, qui tentait de faire accréditer la thèse selon laquelle la lutte armée n’était que le fait de « hors-la-loi » et de quelques groupuscules isolés, venait de subir un sérieux revers. Hélas, sitôt la guerre achevée, les luttes intestines transcendées jusque-là reprennent le dessus. De graves conflits d’intérêt éclatent au grand jour. Le complot de Tlemcen, la guerre des wilayas, le conflit de GPRA avec l’état major général (EMG), les clivages autour des négociations de Meulin, la cristallisation des contradictions des chartes de Tripoli et d’Alger… La lutte pour le pouvoir est ouverte ! On fera alors du FLN un parti unique… Durant plusieurs décennies après l’indépendance, parler de cet héritage collectif relevait du tabou. On s’astreignait à un régime forcé de totale amnésie. On craignait le froid des Aurès et du Djurdjura, encore plus le sirocco du Grand Sud. On se parlait par charades, à mots couverts. La rumeur se chargeait de faire le reste. Cette propension inepte consistait à considérer toute sensibilité qui véhiculait de la fraicheur, comme un courant d’air géniteur de germes pathogènes, dangereux pour la santé fragile de notre jeune nation. Balivernes que tout cela. Tous ceux qui confinent notre héritage historique dans le ghetto du subjectivisme humiliant, contribuent objectivement au développement des clivages irrédentistes. Notre histoire reste à écrire. Pour ce faire, il faut l’expurger de tous les apocryphes. Il est tellement plus sain et autrement plus bénéfique pour le pays de se réconcilier avec sa grande histoire… sans histoires !
N. Maouche