AMAWAL : lexique de Berbère moderne

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Par Abdennour Abdesselam

Dans les années 40 et 50, la mission chrétienne à caractère social et éducatif en Kabylie, menée par les sœurs blanches a mis en place, à travers la région, l’édition périodique d’une revue appelée : La Ruche de Kabylie. C’est un magazine culturel qui accorde une représentation graphique au monde magique de l’oralité qui a de tout temps caractérisé la culture de chez nous. Le côté rédactionnel fut confié aux jeunes filles qui revenaient en classe la mémoire chargée de contes, de devinettes, de chants, de berceuses et autres chants des métiers, qu’elles ont récoltés auprès de leurs grand-mères surtout mais aussi auprès d’autres personnes âgées de leurs villages respectifs. Avec une graphie parfois hésitante et laborieuse, les Sekkoura, Tassaadit, Khelloudja, Nouara, Ghenima, Fazia, Rosa et tant d’autres ont, de leurs noms, signé des textes et des pièces douces et agréables à lire. La langue kabyle rentrait ainsi dans ce nouveau moyen de réalisation et de communication qu’est l’écrit. Les textes sont construits sur des expressions et une structure syntaxique bienfaisantes, car tirées telles quelles du langage réel. C’est une véritable reconstitution de la vie naturelle de la langue. Point de formalisme littéraire ni de règles imposées. Le ballet des abeilles de toutes les ruches de Kabylie, allusion faite aux filles, dans toute sa vérité et accompagné d’agréable dessins aux couleurs savoureuses et fragiles, est décrit sans heurt ni tournoiement autour d’inlassables formules à l’emporte pièce. L’ensemble est un véritable traité de linguistique appliquée spontané et pur dont on ferait bien de s’inspirer au lieu de faire dans la stricte mécanique qui rend inhumaine toute langue. Les mots, par lesquels s’écoulent doucement la délicatesse des poèmes de berceuses ou encore celle du subtile autre genre littéraire qu’est le conte, nous disent et nous parlent des épopées glorieuses du verbe alchimique et, du coup, ne nous laissent pas indifférents. Autant dire que les mots de la revue «La Ruche de Kabylie» correspondent à la manifestation de la langue et inversement.  Plus de soixante-dix années après les feuilles jaunies de la revue, fragilisées par le temps et dont les auteurs sont devenues à leur tour des grand-mères qui, certainement, assurément même, perpétuent pour leurs progénitures cette magique langue kabyle dans laquelle se dénouent toutes nos contradictions.                              

 A. A.

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