Quelles voies pour un nouveau contrat social ?

Partager

Par Amar Naït Messaoud

La Kabylie renoue-t-elle avec l’acte de vote? Les taux de participation qui dépassent, pour les deux scrutins de jeudi dernier, le taux de 30 %, semblent ne pas démentir cette perception qu’ont eue plusieurs observateurs de la scène politique nationale. Si pour certains “aigris’‘ de la politique, cette tendance tiendrait d’une ‘’normalisation’‘ de la région, le sentiment général qui se dégage fait voir plutôt une évolution allant dans le sens de la “pacification” de la relation du citoyen avec l’urne. Tout en étant en retrait par rapport à la moyenne nationale- sans omettre de souligner que la capitale se trouve à la queue du peloton avec un taux de 26 %-, cette proportion de la participation en Kabylie donne une idée du nouvel esprit pragmatique en œuvre dans la région. Car, la nature ayant horreur du vide, ce sont souvent les mauvais choix qui s’imposent en l’absence d’une participation importante, en plus du manque de légitimité qui grèverait le mandat des élus.  En la matière, il n’y a pas de situation vraiment idéale. La politique est plutôt, comme l’on fait savoir des penseurs et des politologues depuis l’antiquité l’art du compromis, à ne pas confondre avec la compromission. Pour prétendre à un développement local harmonieux, pour pousser le pouvoir politique dans ses ‘’derniers retranchements’‘ et le mettre devant ses responsabilités, la politique de la chaise vide ne peut être d’aucun secours.  Les dures épreuves et les drames vécus par l’Algérie au cours des vingt dernières années ont, avouons-le, fini par contraindre l’administration à user de moins de fraude et de bourrage possible, même si la tentation persiste toujours. C’est assurément, par une organisation de plus en plus améliorée et une mobilisation toujours accrue de la société que l’arbitraire et les maladresses héritées de la période du parti unique pourront reculer et, à terme, battus. Tout en gardant un sens aigu du réalisme- auquel nous invite la période charnière et délicate par laquelle passe notre pays sur les plans politique, économique et social-, force est de constater que le dernier scrutin des communales et des assemblées de wilaya constitue un test de ce vers quoi aspire la société algérienne en matière de représentativité politique. Le tout est de savoir donner un sens concret à ce concept de représentativité en lui faisant dépasser la notion de chiffres et de taux pour le placer dans la notion de responsabilité de gestion des affaires publiques et de contrat social. Ce dernier suppose que les élus soient comptables de leur gestion aussi bien devant ceux qui leur ont accordé leurs voix, que face à ceux qui ont voté pour un autre parti. La mesure annoncée par le ministre de l’Intérieur et des Collectivités locales 48 heures avant le scrutin de jeudi dernier, à savoir que les élus dont le mandat vient d’expirer présenteront leur bilan après les élections, est loin de pouvoir travailler à l’assainissement de la gestion des affaires municipales, et pour cause. Tant que l’on n’arrive pas à établir une relation intime entre les actes de gestion accomplis pendant cinq ans et la sanction politique qu’ils sont censés recevoir, l’on est réellement loin du compte. En d’autres termes, le bilan des maires aurait dû être présenté quelques mois avant les élections pour qu’il puisse servir de base d’appréciation et de jugement des électeurs. Il appartient à ces derniers de reconduire ou de bouter hors de la municipalité les anciens élus, sans préjudice des poursuites judiciaires dont ils devraient l’objet an cas de forfaiture avérée.  Donc, les notions de bilan et de responsabilité restent à réhabiliter, au profit d’une vision alliant le souci de la bonne gouvernance locale aux idéaux de la modernité politique porté par le combat de plusieurs générations d’Algériens, aussi bien dans la clandestinité que dans la période du pluralisme politique. L’émergence de nouvelles forces politiques, que le les élections locales ont permis de constater, commande de jeter de nouvelles bases de ce contrat de performance devant lier l’élu aux électeurs. Aux cours de ces dernières semaines, l’idée de conseils consultatifs à l’échelle des communes a circulé au sein de certaines formations politiques. Ils sont destinés à réunir des associations de quartiers, de hameaux, ou des comités de villages pour coopérer avec les APC dans la gestion des affaires de la commune et dans le règlement des problèmes des citoyens.  C’est là une initiative qui pourra relativiser les incongruités et les incohérences du code communal. En effet, même révisé et amendé en 2011, ce dernier ne manquera pas de faire connaître bientôt ses limites objectives, celles d’une “camisole’‘ tissée par la prééminence du pouvoir administratif sur le mandat électif.  Cela ne soit pas vaincre les bonnes volontés et les élus engagés dans le développement local. Au contraire, c’est en exécutant honorablement et loyalement les tâches qui sont les leurs,  que les nouveaux élus montreront la part du pouvoir central qui reste à accomplir, non seulement sur les chantiers de développement, mais également sur le plan d’une législation décentralisée adaptée à la phase actuelle de la vie du pays.  C’est là une voie, parmi celles qui participent de la modernité politique, qui permettra au fossé qui sépare gouvernants et gouvernés, électeurs et élus, État et société de se réduire progressivement, à défaut de se résorber complètement. 

A.N.M

Partager