Comme chaque année, Akbou a commémoré, avant-hier, l’assassinat de six jeunes en juin 2001 durant les événements qui ont embrasé la Kabylie cette année-là. Une tradition mémorable perpétrée depuis longtemps pour honorer leurs âmes.
«Akbou est l’une des rares communes à organiser chaque année une journée de rappel et d’évocation», dira Sofiane Adjlane, activiste politique.
En présence de certains parents des victimes, des autorités locales et d’autres convives, deux gerbes de fleurs ont été déposées au niveau du cimetière des Martyrs ainsi qu’au niveau de la placette Berri Ahcène, repeinte et entretenue pour cette occasion. Mesbah Abdelkrim a été assassiné le 19 juin 2001, Chekkal Rachid et Karim Sidhoum sont tombés aussi dans le même jour.
«C’était un jour triste », évoque-t-on lors de la séance dédiée aux témoignages, organisée en collaboration avec le CCS (comité des citoyens de la Soummam) au niveau de la salle de cinéma d’Akbou. Un silence «d’église» a régné dans la salle lors de la projection d’une vidéo montrant des images et des scènes marquantes. Avant eux, soit la veille, le 18 juin, Rezzoug Slimane et Noukali Abdennour subissaient aussi le même sort. Iffis Ramdane, quant à lui, a succombé à ses blessures quelques jours plus tard. Certains parents des martyrs présents durant la cérémonie ont encore les larmes aux yeux, comme ce père qui n’a pas encore fait le deuil de son fils. «Le plus douloureux est le fait qu’aucun responsable n’ait été jugé à ce jour», se désole-t-on.
Les intervenants ont interpellé les autorités compétentes afin que justice soit rendue. Par ailleurs, l’assistance a eu droit à un témoignage émouvant et bouleversant sur le jeune martyr Rachid Chekkal issu du village enclavé de Tigrine dans les hauteurs d’Ighil Ali. Ce fils unique d’un couple de paysans a dû surseoir à la moisson du champ du blé pour rejoindre les manifs à Akbou. «Les parents de Chekkal sont maintenant morts. Ils n’ont que lui. Je me souviens qu’à chaque fois qu’on leur rendait visite dans leur si piètre et si modeste demeure, sa mère nous faisait ce rappel touchant sur ce jour maudit du 19 juin où elle a pris connaissance du décès de son unique fils», racontent avec amertume Sofiane Adjlane et Boussaâd Bendiab, deux anciens délégués des Archs.
Ces derniers sont revenus longuement sur l’atrocité des événements mais surtout sur «la controversée histoire» des dialoguistes et non dialoguistes». «Le temps aura à donner à chacun ses raisons», présume Bendiab Boussaâd. Blessé par balles lors de ces événements sanglants, maître Sofiane Ikken s’est étalé sur la commission dite Issaâd Mohand chargée par l’ex-président Bouteflika pour enquêter sur les dessous de ces événements. «Le rapport Issaâd était très attendu pour situer les responsabilités des uns et des autres sur ce qu’il s’est passé réellement en Kabylie», estime-t-il. Néanmoins, le rapport a fini par être classé et jeté aux oubliettes. L’enquête menée par l’éminent juriste Issaâd a abouti, selon Me Sofiane, à trois éléments essentiels : «les événements enclenchés en Kabylie suite à la mort du jeune Guermah Massinissa ne sont pas fortuits. Ils sont prémédités.
Le constat fait sur l’ensemble des victimes pour mieux comprendre les circonstances de leur mort indiquait que les forces de l’ordre n’avaient pas tiré pour se défendre mais il y avait, en revanche, une volonté de tirer pour tuer et abattre».
Menad Chalal