Krim Belkacem, le film en tournage

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La journée de dimanche dernier restera, à jamais dans la mémoire de nombreux citoyens de la ville de Draâ El Mizan.

En effet, aux environs de midi, venant par la route de Boghni, un important convoi de véhicules,  civiles et militaires, précédé par celui de la gendarmerie qui ouvrait le passage, attira l’attention et la curiosité non seulement des badauds et des nombreux lycéens, mais même ceux qui étaient à l’intérieur des cafés, des restaurants et des magasins qui se mirent de la partie pour contempler ce défilé d’une douzaine de fourgons tollés aux châssis longs, des camions militaires, de véhicules spéciaux ainsi que des voitures de toutes marques, occupées par des hommes et des femmes en tenues civiles. Alors, chacun y allait de sa version. Il fallait donc attendre quelques instants pour que la nouvelle se répande comme une traînée de poudre à travers toute la ville, car les arrivants se sont arrêtés au centre-ville, plus précisément au carrefour de la station service et du café «Markès». En fait, il s’agissait de l’équipe de tournage du film retraçant la vie et le parcours du héros de la révolution, Krim Belkacem, conduite par le réalisateur Ahmed Rachedi. Aussitôt la délégation arrivée, les policiers durent fermer le boulevard Amirouche où sera installé le plateau de tournage, ainsi que la ruelle qui lui est perpendiculaire, une impasse baptisée Rue de la Paix. L’installation du matériel dura presque une heure, alors que les comédiens, ainsi que les figurants choisis parmi les jeunes de la ville commençaient à se concentrer. Pour la première séquence, qui est en fait la douzième du film, l’action se déroule au niveau de la Rue de la Paix, où deux jeeps militaires aux écussons de l’armée française étaient installées, alors que plus loin, au bout de la ruelle, un camion était stationné tandis que des figurants aux tenues d’anciens harkis se mêlaient aux badauds qui ne voulaient, à aucun prix, rater une telle occasion d’assister à l’événement. «C’est vraiment fantastique. C’est la première fois depuis l’indépendance, alors que j’avais une dizaine d’année, que je revois de telles tenues et de tels véhicules qui me faisaient une peur terrible, et j’en tremble encore à les regardant », nous confie, presque en larmes, un citoyen qui se tenait debout devant un petit salon de coiffure. Pour les jeunes, ce spectacle inédit ne leur rappelle rien, sinon des scènes de cinéma et de télévision. «C’est vraiment fabuleux pour moi qui suis jeune, d’abord, j’ai la chance d’être parmi les figurants, ce qui est très important dans ma vie de désœuvré ce sera un souvenir impérissable pour mes enfants et mes petits enfants, même si je n’apparaîtrait que dans deux séquences», nous déclare  Nabil, un jeune tout content de participer au tournage.  «C’est Krim Belkacem !» Ce cri fusa de nombreuses poitrines, comme s’il s’agissait d’une apparition divine, lorsque l’acteur principal qui campait le rôle du Lion du Djebel se tint au bout de la ruelle. Tous les yeux étaient braqués sur lui. Au fur et à mesure que le temps s’écoulait, la fascination prenait de l’ampleur. «Silence… ça tourne !», cet ordre se répercuta entre les techniciens et on vit s’avancer l’acteur principal, avant d’être accosté par un homme âgé qui sortait d’une échoppe, tenant deux paniers. Il lui fit remarquer qu’il y a un bon bout de temps qu’ils ne s’étaient pas rencontrés. Ils firent un bout de chemin ensemble. Cette séquence sera refaite trois fois, avant que Ahmed Rachedi ne soit satisfait. Les deux autres séquences seront tournées sur ce même plateau de la Rue de la paix et vont durer un temps interminable, surtout que les figurants n’ont pas l’habitude. Il avait donc fallu plus de trois heures pour mettre en boîte deux minutes de séquences de ce film, qui ont tout de même une très grande importance, d’autant plus qu’il s’agit de la réaction du colonialisme face au mécontentement des jeunes à la suite du truquage des élections de 1947. La quatrième et dernière séquence sera tournée au boulevard Amirouche où était installée la brigade de gendarmerie. Elle durera un peu plus d’une demi-heure, mais ne sera refaite que deux fois. Dans cette séquence, Krim Belkacem et ses amis descendront la rue, du côté de la gendarmerie, alors la patrouille motorisée de l’armée française remontait cette voie, mais sans qu’il n’y eut d’incident, dans l’indifférence la plus totale. Il était plus de dix huit heures quand le réalisateur décida d’arrêter le travail. Toute l’équipe poussa un grand ouf de soulagement, tout en remerciant la population de sa collaboration. Aussitôt, les techniciens commencèrent à ranger leur matériel dans un désordre indescriptible, d’autant plus que les jeunes n’hésitaient pas à saisir cette occasion pour prendre des photos avec les acteurs qui ont tous été ovationnés, à l’image de Malik Hamiche, Hakim Aoudjit, Ali Chikh ainsi que Nacer Mouhaouche. Par ailleurs, pour ce tournage, outre la mobilisation des éléments de la sûreté de daïra, l’aide matérielle de l’ANP a été plus qu’appréciable, de même que la mobilisation d’une ambulance de la protection civile et de nombreux citoyens activant dans le mouvement associatif.            

Essaid  Mouas

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