Trois listes partisanes et deux listes indépendantes de 17 candidats chacune se disputeront les onze sièges de l’APC de l’importante agglomération d’Akbou, le 24 novembre prochain. Les 24000 électeurs de la troisième ville de Kabylie, choisiront entre la continuité avec le personnel politique connu du FFS et le changement avec une liste issue du mouvement et citoyen, ou opter carrément pour le retour de l’ex-parti unique aux commandes de l’exécutif local. Défendre le bilan de ses mandats et garder le pouvoir local dans une logique de défi envers le gouvernement qui a dissous les APC issues du scrutin d’octobre 2002, est la principale motivation du FFS. Revenir aux commandes de l’exécutif avec l’esprit de propriétaire légitime qui reprendrait ses biens après les années de “malentendu démocratique”, telle est la finalité du FLN, qui avec une liste officielle et une liste indépendante issue de ses rangs, a mis deux fers au feu. Capitaliser les avancées du Mouvement citoyen et les traduire en acquis politiques par la conquête de l’exécutif communal, organe privilégié de gestion de la cité, est la démarche de la liste “initiative citoyenne” parrainée par le sigle FNA. Le RND qui nez joue pas pour gagner, veut faire en apparition dans le paysage politique s’appuyant sur les particularismes d’une infime partie de la population qui se sentirait marginalisée du fait de ses origines régionales.Le FFS n’a pas quitté les commandes de la collectivité locale depuis 1997. On ne change pas une équipe qui gagne et c’est à Abderahmane Benseba, surnommé affectueusement “Bahmane” par les citadins de la vieille ville qui constituent le gros de l’électorat FFS, que revient pour la troisième fois la responsabilité de conduit la liste remaniée du vieux parti de l’opposition. Bahmane, fort du soutien de la nouvelle section locale et des nouvelles clientèles socio-économiques du FFS a été préféré à M. Arezki Chelat, un autre poids lourds leader d’opinion et cacique connu du FFS qui a incarné l’électorat de la périphérie. M. Benseba a pour colistier M. Ouali Medboua le fidèle technicien qui a supplée aux démissions récurrentes de son chef.
Les deux fers au feu du FLNl’hégémonie du FFS est contestée par le FLN qui se redéploie par un jeu d’alliances des plus ordinaires. Dans la vitrine officielle on trouve en tête de liste le docteur Tansaouti, une femme battante qui symbolise la science, la modernité et la patience dont aurait besoin la société civile de Kabylie pour sortir de la culture des barricades.Le choix paraîtrait judicieux s’il ne traduisait pas aux yeux de l’opinion locale une division du travail politique avec la liste indépendante conduite par M. Rachid Hamidouche, un leader d’opinion local formé à l’école du parti unique. Habitué de l’exécutif communal sous les couleurs du FLN, M. Hamidouche qui s’appuie à l’occasion sur son fidèle colistier M. Mohand Chérif Airouche, jouirait du soutien du vieux personnel des anciennes organisations de masse (ONM, ONEC, UGTA…) et des vielles clientèles du FLN.Il y a donc une liste FLN officielle, quelques peu surréaliste dans le contexte local, conduite par une femme médecin qui joue le rôle d’enjoliveur démocratique et moderniste et une liste indépendante apparentée au FLN, autrement plus solide dans sa composante, dénommée “El Amal” sur laquelle reposent les secrets espoirs des apparatchiks du parti en rupture de ban depuis la déconvenue des élections présidentielles du 8 avril 2004. Une lecture sommaire, distinguerait donc les soutiens de Ali Benflis, derrière la liste indépendante de M. Hamidouche et les fidèles à la nouvelle direction du FLN dans la liste officielle. Pour l’électorat de la région c’est kif-kif, les candidats de ces deux listes partagent pour l’essentiel la culture du parti unique et leur alliance est objective et aussi visible que la zone industrielle de Taharacht sur le nombril de la ville !Le RND, avec un électorat réduit à une poche urbaine bien localisée, est encore présent dans la course malgré des déconvenues de dernière minute. Le médecin contrôleur de la CNAS, était pressenti dans un premier temps pour prendre la tête de liste, mais c’est finalement Zahir Djemouli, un commerçant rentier qui a héritée du rôle de leader.La cinquième liste est sans doute celle qui éveille la curiosité du citoyen par son sigle FNA et sa composante, de nouvelles têtes qui dénotent dans le paysage politique local marqué par le recyclage du vieux personnel partisan, qui passe, sans état d’âme, d’un emballage à l’autre à l’occasion de chaque scrutin. Dirigée par M. Salah Benanoune, un professeur de lycée ex-détenu du printemps berbère, cette liste est composée d’animateurs du mouvement associatif culturel et sportif, des personnalités ayant en commun la rupture avec le FFS, la proximité du MDC parti mort-né fondé par le pharmacien Saïd Khellil et la participation active pour bon nombre d’entre elles dans les comités de quartiers du mouvement citoyen originel du printemps 2001. Cet amalgame d’intellectuels et d’hommes de terrain qui ont capitalisé les expériences de la proximité sociale, entend “réhabiliter le débat politique et la compétence par la libération des énergies citoyennes”. Le sens de la formule généreuse et le travail de proximité de ces jeunes politiciens qui ont grandi sur le front de la contestation social suffiront-ils à bousculer les vieilles clientèles du FLN et celles plus récentes du FFS ?
Des rivalités de clans à la logique des quartiersAutrefois les scrutins organisés par le parti unique opposaient dans un schéma clanique ordinaire, la région d’Ighram à celle d’Ichellaten. Deux tribus, avec leurs lignages et leurs ramifications, se disputaient l’hégémonie sur la vieille ville d’Akbou sous le parapluie du FLN qui veillait aux équilibres de base de la paix sociale en organisant l’alternance à la tête de l’exécutif local, pratique intégrée dans la culture et les mœurs politiques amiantes. Le découpage administratif de 1984 a détruit les anciens équilibres socio-politiques exprimés par la culture politique rurale. Ighrem et Chellata séparées d’Akbou sont devenues des commune à parts entières avec leurs enjeux propres. La vieille ville délestée du fardeau des rivalités tribales avait accédé à une autre configuration politique où le quartier est le nouveau centre d’intérêt politique et de mobilisation de l’électorat où s’expriment les enjeux modernes de l’urbanité, tels que l’accus au logement et au confort social en général. Entre 1984 et 1997, le vieux bourg colonial, avec ses valeurs et son raffinement citadin, a subi l’assaut des campagnards qui voulaient leur part de l’aisance sociale. La contradiction centre-périphérie avait rythmée la vie politique à Akbou. Le FLN d’abord, puis le FFS avaient réussi avec plus ou moins de bonheur à concilier le conservatisme de la ville souche citadine et l’esprit de conquête de l’espace urbain des populations campagnardes et villageoises habitant les cités dortoirs des faubourgs de la ville. Ce fut en gros un jeu d’équilibre entre la vieille Akbou et sa ceinture de cités nouvelles qui s’arrachant péniblement à la culture paysanne sans accéder aux valeurs citadines. Depuis une dizaine d’années, le centre de la ville s’est dépeuplé, le poids des quartiers a évolué. Certains faubourg comme Guendouza sont devenus de gros villages à l’intérieur de la ville. De nouvelles populations sont arrivées des hameaux de la rive droit de la Soummam, principalement d’Amalou et de Tamokra, accédant à la propriété grâce à la manne financière de l’émigration. Trois villages, avec chacun son poids démographique traduit en influence politique, ceinturent la ville d’Akbou. Riquet à l’ouest, Laâzib à l’est sont de poids sensiblement équivalent. Tifrit au nord joue le rôle d’arbitre et fait souvent pencher la balance électorale du côté du candidat qui a pris le soin de choisir et réserver une bonne place à un colistier originaire de ce gros village qui ne cesse de grandir pour finir par rejoindre le bord de la ville.Les repères brouillésLa composition des listes électorales ne donne pas une grille de lecture des tendances lourdes du futur scrutin. Tout se jouera sans doute durant la campagne électorale. Nous remarquons cependant que la distribution démographique et le poids des quartiers transparaissent dans les listes du FLN où nous retrouvons des représentants des cinq îlots populeux, alors que la liste “initiative citoyenne” est composée de citoyens regroupés par affinités de parcours et complémentarité de profils.Ifrane à l’est, Ijdarène et le centre-ville,Arafou à l’ouest, Sidi Ali au nord et Guendouza au sud, sont les cinq quartiers pesant traditionnellement sur l’issue du scrutin, en plus des trois villages sus-mentionnés qui finiront grâce à l’accroissement de l’habitat par coller à la ville. Le FFS possède dans sa liste un représentant au moins par îlot d’habitation, dans un subtil dosage avec les représentants des corporations professionnelles dominantes (administrateurs, commerçants, artisans, éducateurs, entrepreneurs…). Ce qui est également le cas de la liste indépendante de M. Rachid Hamidouche. La différence entre les deux listes réside dans le profil des candidats et leur classement sur les listings qui traduit généralement le poids du quartier et la popularité de son représentant. La liste officielle du FLN, est marquée par une forte présence de commis de l’Etat, comme celle du RND dominée par les fonctionnaires. Seule la liste “Initiative citoyenne” parrainée par le FNA de Moussa Touati, déroge à cette régle en présentant une équipe de copains issus du mouvement associatif, culturel et sportif, proche du monde syndical.Comment se comportera l’électorat après la massive abstention du 29 septembre passé. Nul ne peut le prédire. Akbou est une ville cosmopolite, avec 70% de jeunes marqués par la culture des barricades et le pourrissement qui s’en est suivi. Les animateurs et militants du MCB ont vieilli et perdu leur influence sur la population. Leurs successeurs des archs, maîtres éphémères de la rue, ont aggravé par leur comportement violent la désaffection du politique déjà largement suscitée par l’absolutisme et l’inconséquence des partis politiques locaux. Vers qui la population blasée peut-elle se retourner ? Le FLN et le RND représentent le pouvoir central, tout récemment encore qualifié de “Pouvoir assassin”. Le FFS subit l’usure due à l’exercice du pouvoir local d’une part et les conséquences de son mariage contre-nature avec les archs qu’il avait accompagné dans leur dérive jusqu’au divorce d’octobre 2002 d’autre part. Le RCD a disparu de l’espace politique local. Aucune force politique n’appelle au boycott électorale qui a déjà démarré intra muros. La recomposition politique souhaitée par les organisateurs de ces élections partielles ne semble pas à l’ordre du jour, du moins à Akbou où les acteurs politiques proches de l’alliance présidentielle ne sont pas en mesure de jouer un quelconque rôle face à l’hégémonie du FFS et à l’émergeance de la liste du Mouvement citoyen.
Hassan Sadek
