En quête d'une vraie relance

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 Par  Amar Naït Messaoud

La visite qu’effectue en Algérie, depuis hier, l’Émir du Qatar va relancer une nouvelle fois le débat sur les choix industriels du pays, d’autant plus que, sur les sept accords qui vont être signés cette semaine entre les deux parties- pour un montant global dépassant 5 milliards de dollars-, l’investissement sidérurgique dans la zone de Bellara (Jijel) constitue le  »gros morceau », avec une enveloppe financière de 2,1 milliards de dollars et une capacité de production de 10 millions de tonnes par an à moyen terme; soit cinq fois la capacité théorique du complexe d’El Hadjar.  Dans une première étape, la plate-forme de Bellara produira 5 millions de tonnes d’acier plat par an. Rappelons que la zone industrielle de Bellara a été déjà sollicitée par l’homme d’affaire algérien Issaâd Rabrab pour un investissement de 3,2 milliards de dollars et une production de 10 millions de tonnes à l’horizon 2020. En août 2012, il y a même effectué une visite, et a tenu une réunion avec le comité de wilaya chargé du soutien à l’investissement (Calpiref). Les voies impénétrables des hautes sphères de décision ont orienté le projet sur les investisseurs qataris. Les Qataris auront aussi à construire une centrale électrique de 1000 mégawatts sur le même site, en vue d’alimenter l’unité sidérurgique. Le surplus de production sera destiné au renforcement du réseau national par un système d’interconnexion.  L’agenda d’investissement qatari comprend également la construction d’une base logistique de 450 hectares à Boumerdès destinée au stockage et au conditionnement. Cette base sera gérée par une société mixte algéro-qatari (Société des dépôts du Golfe et l’Aniref). Les deux parties ont projeté à moyen terme, de réaliser 7 autres bases de même typologie à travers d’autres villes d’Algérie. Sur la même lancée, d’autres projets industriels (mines, engrais,…) sont retenus dans le cadre de ce partenariat, en plus de la création d’un fonds commun entre les deux États destinés à la solliciter des participations dans des investissements étrangers. Au-delà du partenariat avec l’étranger, supposé pouvoir donner un  »coup de fouet » à l’industrie nationale qui a subi un net mouvement d’inflexion depuis le début des années 1990, au point où des experts parlent d’une grave désindustrialisation du pays, les pouvoirs publics semblent se mettre à la recherche d’une autre voie que celle héritée des « assises de la stratégie industrielle » de 2007 organisées par l’ancien ministre, Abdelhamid Temmar. En effet, depuis le remaniement ministériel intervenu au début de septembre 2012, le nouveau détenteur du portefeuille de l’Industrie, Cherif Rahmani, fait montre d’une nouvelle vision dans la politique industrielle telle qu’elle est appelée à se décliner au cours des prochaines années. Le nouveau ministre a installé le 13 décembre 2012, un comité de travail chargé de dégager les moyens conceptuels, réglementaires et techniques pour la  »promotion et la dynamisation de l’industrie nationale en vue de couvrir le marché et réduire les importations ». Ce comité est constitué de cadre du ministère de l’Industrie, de la PME et de la Promotion des investissements, de représentant de l’UGTA et d’experts. À la lumière de l’analyse et des propositions que ce groupe de travail aura à faire, une conférence nationale sur l’industrie sera organisée. Ce sera, sans doute, dans les prochains mois. Une de plus? On ne peut, dès à présent, préjuger de rien. Cependant, pour ceux qui suivent de près l’évolution de la scène économique algérienne, la transition a, pour le moins, trop duré. Il y a lieu de rappeler ici que lorsque les réformes économiques ont été envisagées dans la foulée du pluralisme politique naissant, le segment prioritairement visé était bien celui du secteur industriel. Vingt ans après- avec, dans l’intervalle de temps, le rééchelonnement de la dette extérieure et le passage sous les fourches Caudines du FMI (auquel nous prêtons aujourd’hui 5 milliards de dollars!)-, les hésitations semblent s’allonger et, malheureusement, pénaliser tout un secteur sans lequel la croissance économique- telle qu’elle est déclinée sous la formule de surconsommation et d’investissements publics dans les infrastructures-, serait un leurre. Un leurre que le pays risque de payer cher dans le cas où les recettes pétrolières venaient à subir une chute au-delà d’un certain seuil. Ce seuil, qui était, il y a dix ans, aux environs de 25 dollars le baril, est vertigineusement haussé pour se situer aux environs de 70 dollars le baril. C’est-à-dire, avec le modèle de consommation qui est aujourd’hui celui de l’Algérie- sustenté par la dépense publique et produisant l’inflation-, une baisse des prix de l’or noir à 70 dollars constituera une alerte quasi ingérable. La suite, à Dieu ne plaise, est redoutée par tout le monde.  Les autres secteurs ne sont pas mieux lotis. La vocation agricole du pays, longtemps mise en avant par la littérature gouvernementale, souffre encore  de plusieurs aléas fonciers, techniques et d’orientation stratégique. Le tourisme, dont on vante toutes les vertus de création d’emplois et de rentrées de devises, est encore embourbé dans l’identification des zones d’expansion touristique (ZET) et dans une offre squelettique et médiocre en matière d’hôtellerie et d’artisanat. En outre, notre culture environnementale et notre cadre de vie ne se prêtent pas encore à des flux humains d’une certaine envergure.  Il faut dire que la rente pétrolière a rendu perclus la quasi-totalité de l’appareil économique algérien. Dans ce contexte, que peut apporter la nouvelle stratégie industrielle que le gouvernement Sellal compte mettre en place? En réalité l’Algérie a les possibilités financières et l’assise industrielle minimale de mener une politique industrielle aux dimensions maîtrisables et investissant des créneaux jusqu’ici laissés presque en friche (agroalimentaire, chimie, pharmacie, textile,…), et ce, ‘’en s’appuyant sur la faculté des acteurs économiques à entreprendre et sur la nécessité pour l’État de promouvoir un cadre flexible et efficient, plutôt que sur un investissement industriel massif et une importation technologique effrénée’’, selon les termes du président Bouteflika tenus à l’occasion des Assises industrielles de 2007.  Autrement dit, il y a lieu de convoquer l’esprit industrieux et le pragmatisme des différents partenaires pour concevoir des projets industriels créateurs de richesses et d’emplois et qui soient à la mesure des capacités managériales et financières du pays.                                          

   A. N. M.

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