L’aède entre cime et écume

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Natif de Tigzirt, charmante station balnéaire située à 120 km d’Alger, Rachid Azzouz est l’un des auteurs compositeurs interprètes qui auront su réinventer la chanson kabyle moderne. 

L’année1969 est incontestablement un grand millésime pour Tigzirt avec la naissance de ce prodige de la chanson qui sait si bien allier verbe et mélodie pour le grand bien des mélomanes. Poète au verbe recherché Rachid maîtrise l’art de taquiner les mots. Il s’amuse à les chatouiller pour leur donner une sensibilité qui vous transcende. A quarante ans passés, Rachid Azzouz est fort d’une maturité artistique bien confirmée. Sa passion pour la musique est née à l’exorde de sa vie, où contrairement aux bambins de son âge fascinés par le ballon rond, il s’amusait à confectionner une petite guitare à l’aide d’un bidon en plastique et des fils de pêche. De ce semblant d’instrument rudimentaire, le petit garçon entreprit d’apprivoiser ses premières notes. Chemin faisant, le petit Rachid va faire ses preuves dès le  collège et réussira à attirer l’attention sur son aptitude et ses capacités incontestables à percer dans cet art. L’amour pour la musique ne détourna pas l’adolescent de ses études. Bien au contraire, il passe avec succès ses années de lycée pour rejoindre les bancs de la faculté de Tizi-Ouzou où il effectua une bonne partie de ses études de biologie. Les soirées entre copains, sur le sable de la plage de Tigzirt, lors des congés hebdomadaires et des vacances scolaires ainsi que les excursions et les galas dans les campus universitaires, étaient autant d’occasions offertes à cette graine d’artiste pour faire valoir son talent et se forger une expérience musicale. Bercé par les airs de chanteurs kabyles modernes tels que Idir, Brahim Izri et des plus anciens comme Slimane Azem, Chikh El Hasnaoui, le chanteur à la voix rauque avait également des références musicales de grande notoriété sur l’autre rive de la Méditerranée, voire outre-atlantique avec les Beatles, Bob Dylan, Simon&Garfunkel, Francis Cabrel et tant d’autres. Son départ pour Paris en 1992, fut déterminant pour la concrétisation de sa carrière artistique. Carrefour des cultures, la ville lumière n’a pas réussi à l’éblouir ni à le détourner de son amour pour l’art. A Paris, Rachid multiplie les rencontres enrichissantes tant sur le plan artistique qu’humain avec des gens venus de différentes contrées du monde ce qui lui permit de mûrir son oeuvre déjà en pleine gestation depuis longtemps du haut de sa colline natale Tizi-Temlelt (colline blanche), bourgade qui surplombe la région et qui offre une vue magnifique sur la Méditerranée, source de son inspiration artistique. Musicalement, Rachid Azzouz tend vers le genre pop music aux influences folk nuancées par des rythmes traditionnels et des ballades romantiques. Il met en musique et interprète en s’accompagnant d’une guitare, avec le concours d’autres instruments, une dizaine de poèmes qui constituent le texte de son premier album intitulé « Tigzirt » du nom de son patelin qui signifie en tamazight l’îlot. Pour Rachid Azzouz, « Tigzirt » sonne dans son esprit comme un réveil qui l’interpelle et l’invite à chanter la terre qui l’a vu naître et grandir. Il lui rend ainsi un bel hommage en empruntant son nom pour en faire non seulement le titre de son album mais aussi celui de l’une des chansons les plus renversantes de son répertoire. Composé en grande partie de mélodies douces jouées sur des airs tantôt romantiques et tantôt comiques, le premier album de Rachid Azzouz navigue entre burlesque et tendresse, inscrivant le chanteur dans une démarche artistique qui donne un nouveau souffle à la chanson kabyle tant traditionnelle que moderne. Le style musical de l’auteur compositeur se veut profond, déclenchant l’émotion, la quête et la nostalgie. D’expression exclusivement kabyle, ses chansons recouvrent différentes thématiques parmi lesquelles, l’amour dans Amek akem-tsugh (comment t’oublier) ou edj-iyi (laisse-moi) ou encore Talemmast (amour sobre). La question identitaire n’est pas délaissée dans cet album et le chanteur l’aborde dans sa dimension linguistique notamment dans Amger (la faux). Les autres chansons traitent des problèmes de la  société comme Isfuyla n’tussna (la lumière nous attend) et Aghyoul (l’âne), ou alors mettent en avant l’amour de la terre natale, comme Tigzirt. Lors de sa dernière représentation à l’Espace B en région parisienne, Rachid Azzouz a fait vibrer la salle de concert. Le public a répondu avec grand enthousiasme à son jeu, certains, en reprenant en chœur les quelques chansons qu’il connaît déjà de lui et d’autres en découvrant avec intérêt son beau répertoire. En plus de ses différents passages principalement à Paris, Rachid Azzouz a également effectué une tournée au Japon en 2011 qui a connu un grand succès à tel point qu’il est convié tous les ans au pays du soleil levant. Tigzirt, premier album déjà disponible sur le marché local est en attente de distribution en France. À noter qu’un second album est déjà en route avec des textes et compositions totalement inédits, signé Rachid Azzouz un artiste à découvrir impérativement.                                  

 Samira Khelifa.

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