Du proverbe kabyle (4).

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Par Abdennour Abdesselam

En ce qui concerne sa provenance, le proverbe est souvent la sélection d’un ou plusieurs vers de poésie que la tradition a consacrés en valeur proverbiale. C’est là une des utilités de la récolte des poèmes anciens entre autres et dont profite grandement la langue. C’est dire que nos poètes anciens et même actuels n’ont pas considéré le poème comme simple ornement du discours. L’idée centrale qui les anime et autour de laquelle la composition poétique se fait forme est le socle sur lequel le poème trouve son assise. C’est dans cette « architecture » du verbe qui sort du lot de la versification qu’un vers entame une seconde vie culturelle. Exemple : le proverbe : « Asm’ara ghaben at tissmin, a gh-wten widak nekkat », qui célèbre les hommes d’honneur, est sélectionné directement du poème de Muhend Umusa Awagennun grand parolier de la région d’Aït Ouaguennoun et qu’il composa vers 1886 à la demande de Belkacem Ouqasi pour fixer la révolte des Amraoua contre l’occupant colonial. Nous avons déjà traité le détail de ce fait historique dans nos précédentes chroniques. D’autre part, le proverbe « a nerrez wal’a neknu », très présent dans la conversation courante, est utilisé pour maquer la recherche de la dignité même dans la douleur plutôt que la servitude dans la soumission. Il est également une sélection du long poème composé par le grand Ssi Mouhand Oumhend en partance d’Alger pour Tunis et qui constatait l’inquiétude de la Kabylie face au nouveau conquérant. Autres exemples, le proverbe : « Idhelli nennugh nefra, assa nughal d atmaten», privilégiant le reglement des incompréhensions, est tiré d’un poème de Yusef u Qasi. « Ddaw usemmidh t-times, di ccetwa ur tesâi nnuba » qui traite de la rudesse des longs et pénibles hivers en Kabylie, est emprunté au poète Qala At Jlil. Le proverbe « Tamussni nnsen d aghilif, laŸmala nnsen d asawen » est de la composition de la poétesse Yemma Xlidja Tamceddalt répondant à des malfaiteurs qui vivent aux dépens de ceux qui les écoutent. Ce sont ces vers ou distiques, en provenance de poèmes et qui excellent par leur sens profond, qui finissent par passer dans le circuit proverbial. La sélection n’est pas le fait du hasard. Elle se fait pour les besoins intenses de l’expression et elle est liée à des faits historiques des diverses et nombreuses situations que traverse la société. A suivre.                                                                              

 A. A.

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