“L’émissaire de Zitouni à l’ambassade de France était le frère du chef du commando qui a détourné l’Airbus d’Air France en 1994”

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La Dépêche de Kabylie : Depuis quand travaillez-vous sur l’affaire des moines de Tibhirine ?

Malik Aït Aoudia : Pour être honnête, je travaille sur cette question depuis 1997. Au départ seul et ensuite depuis 2001, avec Séverine Labat, la coréalisatrice, lorsque nous avons commencé à travailler sur Autopsie d’une tragédie. Sévérine Labat travaillait déjà sur cette question en raison de ses travaux de chercheur au CNRS et moi-même parce que je m’étais fait un point d’honneur de rendre hommage à ces sept moines qui sont morts pour avoir aimé l’Algérie et les Algériens.

Comment avez-vous abordé cette affaire ?

Notre façon de travailler avec Séverine veut que l’on n’interviewe que les personnes directement impliquées dans une affaire. C’est ce que nous avons fait sur l’enlèvement et l’assassinat des moines de Tibhirine. Nous avons interrogé les plus avisés sur les faits dont ils ont été témoins ou directement les acteurs. C’est pour cela que cela a pris autant de temps de pouvoir rassembler autant de témoignages qui permettent de nous approcher le plus près possible de la vérité sur cette tragédie.

Dans quelles conditions?

Nous avons travaillé dans de bonnes conditions avec en permanence chevillée au corps l’angoisse de nous tromper ou ne pas suffisamment recouper et vérifier les informations.

Les contacts ont-ils été faciles à établir?

J’imagine que vous pensez à certains repentis comme Hassan Hattab que nous sommes les premiers à avoir interviewé. Quand vous travaillez pendant des années sur une question, il est vrai que c’est plus facile de rentrer en contact avec les protagonistes de l’affaire et de les convaincre de témoigner devant une caméra. En règle générale, ils sont sensibles au sérieux et à la précision des questions que vous leur posez. Le travail a également pris du temps parce que certains témoins étaient difficilement accessibles soit parce qu’ils étaient encore au maquis soit en prison.

Vous faites des révélations incroyables sur les négociations secrètes pendant l’enlèvement des moines, notamment sur l’épisode de l’émissaire du GIA à l’ambassade de France ?

En effet, certains savaient que l’émissaire de Djamel Zitouni auprès de l’ambassade de France était le frère de Yahia Abdallah le chef du commando qui a détourné l’Airbus d’Air France le 24 décembre 1994. Mais presque tout le monde ignorait que ce même émissaire a continué de travailler pour l’ambassade de France après le détournement et qu’un couple de diplomate français s’était rendu chez lui aux Eucalyptus pour son mariage en 1994. Vous imaginez un couple de diplomates Français aux Eucalyptus en 1994 ! Je peux même vous dire ce que nous ne disons pas dans le documentaire, c’est que le couple de français lui a offert un réfrigérateur comme cadeau de mariage.

Entretien réalisé par Djaffar C.

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