Une bombe à retardement

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La wilaya de Béjaïa fait partie des régions les plus concernées par une pollution qui ne dit pas son nom, celle des huiles usagées, provenant des garages de vidange non conforme à la réglementation régissant cette activité.

Cela est dû à l’explosion du parc roulant, accompagné de  la multiplication de dizaines de stations et garages de vidanges, à travers les communes de la wilaya, dont plusieurs, comme nous l’avons constaté échappent à tout contrôle, alors qu’elles ne répondent aucunement aux normes. En Algérie, l’on parle d’un marché de production des huiles usagées qui est de l’ordre de 150.000 tonnes/an, reparties entre les huiles moteurs essence et diesel (75%), les huiles industrielles, ateliers et entreprises industrielles (19%), graisses et paraffines (3%) et huiles aviation et marine (3%). Cette production provient de plusieurs sources d’activités, notamment les garages, les concessionnaires, les stations de vidanges, les stations services, les transports (routiers, fluviaux, aériens, ferroviaires), les usines, les ateliers, les entreprises industrielles et les entreprises traitant des déchets contenant des huiles usagées (cas de la démolition automobile, du traitement de filtres à huiles, d’emballages souillés par des huiles). Pour faire face à cette, énorme quantité d’huile usagée susceptible d’empoisonner  les sols, la société Naftal a institué un système de collecte des huiles de vidange, selon des informations du CNTPP (centre national des technologies de production plus propre), pour les traiter par la suite et les recycler de manière à produire une nouvelle huile mécanique de base, ou de les utiliser comme combustible pour les cimenteries. Uniquement 27% de ces huiles usagées sont récupérées par NAFTAL, ce qui fera quelques 12000 tonnes/an, le reste a une destinée douteuse, alors que l’on évoque très rarement ce genre de déchets de l’automobile, où moment même, où sa devient un véritable problème écologique.  Les huiles usagées sont déterminées comme étant non biodégradables, elles sont classées dans la catégorie des déchets spéciaux dangereux, leur rejet dans la nature est strictement interdit, car elles peuvent engendrer une détérioration importante du milieu naturel, qui peut être traduit par une pollution de l’eau, du sol et de l’atmosphère La dispersion de l’huile de vidange dans la nature semble une solution de facilité pour certains, mais se révèle très pénalisante pour l’environnement. Il s’agit en effet de substances toxiques, qui entraînent de très importantes pollutions de la nappe phréatique quand elles pénètrent le sol, tout comme des rivières quand elles sont mélangées à leurs eaux. La dangerosité de ces huiles usagées doit être prise en compte avec la plus grande rigueur, car on y retrouve des résines, des métaux lourds et des suies qui sont susceptibles d’altérer notre santé et notre environnement. Leur potentiel de contamination est énorme, ce sont 1000mètres carrés d’eau, qui peuvent être pollués par un seul litre d’huile provenant de vidange d’un véhicule ! C’est pendant plusieurs années, que la faune et la flore concernées souffriront en conséquence d’un manque d’oxygénation. Cela explique l’interdiction absolue que les huiles usagées soient jetées sans contrôle, elles doivent être collectées par contre avec soin pour les recycler, mais cela n’est pas tout à fait ce qui se passe sur le terrain. L’huile usagée, en dépit d’être un facteur de pollution du plus haut degré reste un « tueur silencieux » de la nature et une réelle bombe à retardement qui menace la nature, pour cela  l’état tente d’enrayer la pollution en adoptant de nombreux texte et lois relatifs à l’environnement, qui en fait partie des préoccupations de l’Etat en matière écologique.

Le cas de la commune d’Amizour

Le nombre de garages de vidange a nettement augmenté , ces dernières années, et c’est parallèlement au nombre de véhicules. Ce genre de station qui fait bonne activité s’implante à travers toutes les communes où l’on compte l’existence de pas moins de deux garages, cela au niveau des municipalités à petite densité d’habitation. Notre choix sur Amizour s’est basé sur le fait qu’il s’agit d’une commune à deux facettes, urbaine avec une forte agglomération et rurale regroupant quelques 70 villages autour. L’état des lieux n’est pas vraiment différent des autres municipalités de la wilaya, où même des autres régions du pays, il nous a révélé un état qui laisse à désirer, où des fraudeurs continuent à détruire la nature en silence. Dans cette commune, il y’a environ 10 garages de vidanges, mais à en croire un des gérant de ces garages, ils sont rares ceux qui possèdent un bassin de décantation conforme à la réglementation. La réponse à la question ne fait pas l’unanimité des gérants de ces garages, puisque chacun donne des arguments propres à lui. On y va de ceux qui sont conformes aux textes régissant cette activité à la solution du « moindre mal », jusqu’à ceux qui avouent catégoriquement que leurs « déchets toxiques » sont jetés dans la nature. Pour le premier cas, il s’agit de ceux qui possèdent des bassins de décantation où sont mis en stase les huiles usagées après les séances vidanges des véhicules, leur bémol est que ces filtres semi naturels sont, soit mal conçus ou mal entretenus, par conséquent le risque « zéro » de contaminer les sous sol est à écarté. Pour la seconde catégorie, le facteur de risque s’amplifie avec un état d’inconscience des auteurs de la pollution, lesquels croient avoir établi une procédure normale de se débarrasser des huiles usagées recueillies. Certains d’entres eux ont avoué que le rejet se fait en plein nature mais, seulement, dans leurs propres terrains, quoique le risque de pollution et de contamination reste conséquemment le même, sachant que ces huiles versées s’incrustent dans les sous sols pour atteindre plusieurs mètres de distance. Quant à la dernière frange de pollueurs, l’on peut dire qu’ils sont sciemment responsables du désastre, du fait qu’à priori il y’a atteinte à la réglementation régissant cette activité qualifiée « d’activité classée ». Hanine Yessad, élu à l’APC d’Amizour et de surcroît responsable de la Commission Environnement indique, que cette activité de gérer des garages de vidange est régie une nomenclature et une réglementation juridique stricte, en expliquant que c’est la rubrique 2912 qui régit les ateliers de réparation de véhicules et engins à moteurs, y compris les activités de carrosserie et de tôlerie. « C’est une activité à déclaration obligatoire » selon notre interlocuteur, expliquant que cela doit se faire 60 jours avant le début d’exploitation. Par ailleurs, il est impératif d’indiquer que cette nomenclature date de 2007, alors que beaucoup de garages de ce genre d’activité existent bien avant, et c’est à partir de cet état de fait que cette armada de textes relatifs au respect de l’environnement n’a pas pour autant mis des balises aux dépassements tous azimuts. Pour le chargé du volet de l’environnement d’Amizour, une procédure de contrôle consiste à la mise en conformité des anciens garages, d’une manière progressive, et de l’autre coté imposer le respect strict de ces mesures coercitives avant toute livraison d’autorisation d’exercice. En dépit de cela, les recalcifications existent comme c’est le cas d’un garage de vidange qui déverse ses déchets dangereux à ciel ouvert jusqu’à contaminer des champs agricoles et des puits situés en contre bas et en aval de la source. Les victimes ont adressé une requête aux responsables locaux, lesquels avaient mis en demeure le pollueur.   Pour l’instant, c’est vrai que le contrôle total des rejets s’avère impossible, et c’est pour cela qu’au niveau de la commune d’Amizour, les chargés de l’environnement comptent s’investir dans la collecte de ces déchets pour diminuer le facteur de pollution. A cet effet, la Commission d’environnement oriente et motive les gérants des garages de vidange à conclure des marchés avec une entreprise de collecte des huiles usagées, et à son tour cette entreprise assurera le dépôt de ces déchets auprès de la société NAFATAL qui s’encharge du recyclage. Belle manière, du fait, qu’elle créera un circuit fermé de ces huiles dangereuses et du fait que ces produits sont cédés à titre de prix, cela encouragera davantage les gérants de garage à adhérer à la collecte, malgré que le nombre d’entreprises spécialisée dans la collecte est insignifiant pour couvrir le territoire de la wilaya.                      

Nadir Touati  

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