La session de toutes les anomalies

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Comme dans toutes les autres régions du pays, l’édition 2013 du baccalauréat s’est achevée, jeudi dernier, à Béjaïa, dans un climat de dépit, de tristesse et de désolation.

Les mots qui reviennent pour décrire ces cinq jours, pour beaucoup éprouvants, sont significatifs du malaise qui a régné lors de cet important examen. En effet, des phrases lourdes de sens sont lâchées par des surveillants. On retiendra celles que répètent un bon nombre  d’enseignants à la sortie des centres d’examens : « C’est une atmosphère malsaine », « Heureux ceux qui partent en retraite », « ça se dégrade », « Tu te rends compte, maintenant ils nous menacent ou ils nous soudoient ».  Et selon plusieurs témoignages, recueillis çà et là la version du bac 2013 a été marquée par « des comportements inhabituels et anti-pédagogiques ». Le constat qui revient avec insistance c’est le copiage et la tricherie qui sont devenus légion. Et on retrouve tous les procédés, « des petits bouts de papiers où des cours entiers ont été téléchargés à partir de sites Internet avec une police de caractères ne dépassant pas 6 », nous dira Mr Meziane, professeur de français. Ce que raconte notre interlocuteur n’est pas un cas isolé puisque tous les témoignages convergent vers un site spécifique très visité par les élèves, pour un objectif de copiage et non d’instruction et d’apprentissage, malheureusement. Et lorsque ce n’est pas un site que l’élève utilise, il vient avec « des cours rédigés sur les feuilles de brouillon qu’il récupère lors des différentes épreuves », nous dit Mme Hassaine, professeur de lettres arabes qui ajoutera : « Si on rassemblait le nombre de feuilles de copiages durant ces cinq jours, rien que dans le centre où j’étais, c’est l’équivalent de deux ou trois grands sachets de poubelles ». Il est vrai que le copiage a toujours existé mais d’une façon très isolée, cependant l’ampleur prise par ce phénomène est une véritable épidémie au sein de l’institution scolaire. « Il est commis (le copiage Ndlr) normalement, et on ose vous soudoyer par des propositions matériels ou, le cas échéant, vous menacer », nous dit un membre du secrétariat du baccalauréat qui a requis l’anonymat. Notre interlocuteur nous confiera : « Un candidat s’est approché de moi pour me demander d’affecter dans sa classe trois surveillants de son choix, lors de l’épreuve des mathématiques » et d’ajouter : « En échange d’argent ou de tout autre matériel de mon choix », nous dira cet éducateur. Concernant les menaces et les agressions, une enseignante au centre Challal (Nacéria 2), s’est fait agresser par un élève qu’elle a dénoncé au moment où il allait sortir un document pour copier, « Elle était dans sa salle et elle a surpris l’élève dans la salle d’en face sur le point de sortir une feuille pour copier, donc elle a été alerter ses collègues », nous dira cheikh Larab, un des témoins de la scène et d’ajouter :  « A la fin de l’épreuve le candidat s’est approché d’elle, devant un parterre d’élève et d’enseignants, l’insulta et promit de lui arracher les cheveux et ce n’est que grâce à l’intervention de ces collègues qu’elle échappa à une agression physique », nous dira ce témoin de la scène. Pire encore, l’enseignante qui a été voir le président du centre eut une réponse, pour le moins inattendue « Cela c’est passé en salle 7 et vous étiez en salle 6, de quoi vous mêlez-vous lui a répondu ce responsable, avec arrogance », a ajouté cet enseignant. D’autres événements sont venus s’ajouter à cette désolation. En effet, pendant les épreuves se sont les surveillants qui sont tenus de quitter la salle, où les candidats composent, pour accompagner les élèves aux toilettes, « nous sommes devenus, durant cinq jours des ‘’Hassan taxi’’ », ironise un enseignant. Pire encore, ces éducateurs se retrouvent en grand nombre avec les élèves au niveau des toilettes « où nous passons plus d’un quart d’heure à faire la chaîne et à fouiller les poches des élèves  », nous dit Mlle Belhoucine, enseignante au secondaire et d’ajouter : « nous quittons la salle pour faire les gardes du corps pour les candidats fumeurs et cela se répète jusqu’à la fin de l’épreuve », nous dit-elle, excédée par cette situation. « Il y a quelques années, ces situations scabreuses n’existaient pas. Nous n’avons jamais vu cela auparavant, mais depuis une quinzaine d’années, les choses se sont de plus en plus dégradées, heureux ceux qui ont pris leur retraite », nous dira un enseignant sexagénaire et d’ajoute : «  Monsieur Baba Ahmed, notre ministre, ne peut être tenu pour responsable de ce qui arrive, il a hérité d’une situation catastrophique. La politique de clochardisation a commencé il y a bien longtemps et nous espérons que le nouveau ministre pourra sauver quelque chose », ajouta-t-il. Aucun interlocuteur n’a en effet remis en cause le nouveau ministre. Bien au contraire, beaucoup espèrent être écoutés de lui : «  on aimerait bien lui rapporter fidèlement la réalité du secteur et lui expliquer comment on en est arrivé là », ajoutera notre interlocuteur.  Chose aberrante, les élèves ayant été surpris et pris la main dans le sac n’ont pas été inquiétés et aucun rapport n’a été établi.  Espérons que des mesures éducatives soient prises, pour que ces élèves prennent conscience de leurs actes et comprennent le véritable sens de l’effort et de l’intégrité.

Y. B.

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