De poète à poète entre Menouche Akli et Moh Toumi

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Par Abdennour Abdesselam

Quand deux poètes se côtoient, la poésie devient parole enchantée. Akli Menouche, poète par vocation, a rencontré un autre poète par essence, le vieux Moh Toumi de Draâ Ben Khedda. La rencontre s’est, d’emblée, débarrassée des attitudes de pure configuration qui souvent plonge les locuteurs dans une systématique qui fait grincer et pétiller l’ambiance oratoire. Rien de cela puisque les deux poètes ont pris soin de laisser leur parole libérée de toute précaution. C’est justement et d’aventure l’excès de précaution, ou tout simplement la précaution qui corroie tout entretien et à plus forte raison quand il a lieu entre deux paroliers. Il n’y eu même pas de notes préétablies chez l’un et l’autre des interlocuteurs et encore moins de feuille de route. Tout est de tête et de cœur pour un « tête à tête » pas comme les autres. Tout est inspiration. A notre grand bonheur, l’entretien a été filmé sur le standard de cinquante deux minutes montré sur la BRTV. Voilà une tradition qui devrait nous inspirer pour constituer des archives pour l’avenir. Il est vrai que nous n’avons pas de bibliothèque et encore moins de filmothèque à exhumer tant notre passé a été happé par nos multiples démarches revendicatives. Nous n’avons pas eu à ce titre le temps nécessaire à consacrer à la fixation du son et de l’image. Akli Menouche s’est intéressé à Moh Toumi pour sa longue expérience dans la prosodie kabyle. Et ce ne sont certainement pas ses cheveux blancs, coincés et débordant sous un béret de d’antan, qui peuvent prétendre à le rendre aphone, car pour Moh la poésie est tout son moyen d’expression sur tout sujet de société. Les tumultes de sa ville de Draâ Ben Khedda (comme toutes les villes en produisent d’ailleurs) n’ont point fait d’effets sur ses regards intérieurs.  Moh Toumi n’a presque pas de langue au sens évocation d’un vocabulaire classique. Un principe langagier dirions-nous. Sa langue est toute poésie. Mais Akli, l’imposant interviewer, a su tirer de son exercice question cette autre façon de parler et de faire parler un poète illustre. Parfois, l’appréhension l’a guetté mais ses provocations ont porté plus loin la répartie. Même très prosodique, le discours de Toumi emprunte des tournures et autres métaphores qui nous replongent dans un bain linguistique éloquent et rare. Il est connu que dans la culture berbère de Kabylie, la métaphore dispute à la rhétorique les formes structurelles. L’expression classique a consacré aux spécialistes de la rhétorique le statut de rhéteurs. Pour ceux de la métaphore, leur discours est dit plutôt métaphorique. Il reste qu’il est dificile de tracer une démarcation entre les deux spécialités du langage. À plus forte raison dans une culture où domine l’oralité.

A. A.

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