Rush sur les salons de glaces à Alger

Partager

En cette fin de saison, les rues d’Alger ne désemplissent pas, même à la nuit tombée. 

Encouragés par une situation sécuritaire renforcée, les habitants redécouvrent le plaisir de la vie nocturne. Les marchands de glaces, les parcs de loisirs et même les plages connaissent un engouement sans pareil. Des femmes, des couples, des familles entières sortent flâner. Nombreux sont ceux qui se dirigent vers la place de la Grande Poste, où un écran géant a été installé pour des projections cinématographiques organisées chaque soir. La foule est parfois si dense que les éclats de rire sont perceptibles à bonne distance. Il est notoirement connu que l’été est synonyme de sorties nocturnes et de veillées jusqu’à l’aube, et certains commerces sont plus prisés que d’autres. Les crémeries et les salons de glaces sont les plus fréquentés et ce, de jour comme de nuit. Un magasin, très réputé par ailleurs, situé rue Didouche Mourad, renseigne à lui seul sur cet engouement, en cette saison estivale. La « Fleur du Jour », l’un des plus anciens marchands de glace d’Alger, est envahi par les clients. Il ne reste jamais une chaise libre. Souvent, il faut  attendre en espérant qu’une place se libère, ou acheter un cornet et partir le déguster dehors, le temps d’une promenade. « Les choses ont changé au-delà de tout ce que l’on peut espérer », dit un vendeur qui y travaille depuis des années. « Je n’ai jamais vu autant de gens depuis au moins une décennie. Nous avions pris l’habitude, certaines années, de fermer à 19 heures, parce que personne ne s’aventurait dehors. Mais comme vous pouvez le constater, les jeunes et les moins jeunes se sont remis à sortir le soir, sans s’inquiéter ».

Sidi Yahia, Staouéli et Sidi Fredj pour les nantis 

A Sidi Yahia, un quartier de la capitale, à la mode, dont les néons éclairent les nombreuses boutiques de marque, tout reste ouvert pendant la nuit. Des jeunes gens issus des familles aisées viennent y faire du shopping ou simplement pour y être vus. Les salons de thé et les terrasses sont bondés. La clientèle se constitue en majorité de couples ou de groupe d’amis qui sortent pour prendre du bon temps. « Je viens tous les soirs avec mes amis à Sidi Yahia », dit Nazim, habillé à la dernière mode. « Nous sirotons un café ou dégustons une glace. C’est l’été il faut en profiter le plus possible !», ajoutera-t-il. Alors que certains restent en ville parce qu’ils n’ont pas les moyens d’aller ailleurs, les propriétaires de voiture s’aventurent hors de la capitale. Pour ceux qui quittent Alger pour s’offrir des moments de loisirs, Staoueli est la destination privilégiée. La ville est devenue si populaire que de nombreuses rues se sont transformées en zones piétonnes, pour des raisons de sécurité publique. Les restaurants et les marchands de glace s’efforcent de se surpasser pour attirer la clientèle. Et avec des kebabs vendus partout dans les rues, chacun peut ici trouver son bonheur. Les agents de police sont sur le qui-vive afin de s’assurer que rien ne viendra perturber la tranquillité des promeneurs, et ils savent intervenir rapidement lorsqu’ils sont sollicités, même pour les problèmes les plus insignifiants. « J’adore venir ici. Je me sens vraiment en sécurité », dit Rachid qui travaille dans une banque. « Je viens ici avec ma mère et mes enfants. Le fait que les  policiers soient omniprésents me donne une grande tranquillité d’esprit », ajoutera-t-il  A plusieurs kilomètres de là dans la ville portuaire de Sidi Fredj, l’ambiance est également plaisante. Les amoureux des plages y viennent flâner et admirer les magnifiques bateaux au mouillage. Ceux qui préfèrent danser toute la nuit se dirigent vers le petit théâtre romain de Casif dont la vie nocturne est intense le week-end. La ville de Staouéli, contrairement à plusieurs autres communes de la capitale, qui connaissent un grand manque d’ambiance en ces soirées d’été ne ferme pas l’œil jusqu’au petit matin. Ses crémeries, salons de thé et autre rôtisseries accueillent les familles algéroises qui y affluent par centaines chaque soir pour profiter de l’atmosphère à nulle autre pareille. Siroter en terrasse un bon thé déguster différentes gourmandises en écoutant de la musique  avec les maîtres du chaâbi et toute autre musique traditionnelle, les narines titillées par les effluves des viandes rôtissant sur les barbecues, sont des plaisirs recherchés. « Les rues de Staouéli vont continuer à veiller jusqu’à la fin de l’été. Les familles profitent même des veillées pour effectuer leurs courses », nous affirmera un marchand de glaces. Un peu plus loin, à l’ouest, La Madrague est restée fidèle à sa réputation de centre de loisirs, drainant une clientèle issue de tous les milieux. Dehors, on peut voir des gens déguster des glaces  assis aux tables de la terrasse. La musique Rai emplit l’air, en fonction des demandes criées, à plein poumon, par la clientèle. « Vous pouvez trouver tout et tout le monde ici, depuis le grand manager qui vient se détendre jusqu’à l’intellectuel qui vient débattre de l’état actuel de la société. C’est un carrefour de rencontres très intéressant », nous dit un visiteur régulier de l’endroit.

Bab El Oued, 10 DA le cornet de glace, qui dit mieux ? 

Les sorties nocturnes, à la recherche d’un rafraîchissant ou d’un bol d’air, après une journée suffocante ne se limite pas aux quartiers aisés. Le quartier populaire de Bab El Oued, connu pour son conservatisme, a maintenant beaucoup changé. A dix heures de la nuit, des familles entières se dirigent vers El Kettani, qui côtoie une plage entièrement repensée. Alors que certains se contentent de profiter de l’air marin en dégustant une glace, les plus aventureux prennent des bains de nuit. Sur une large terrasse qui surplombe la mer, à quelques pas de là l’ambiance évoque un champ de foire. Les enfants font la queue pour profiter des attractions. De telles scènes auraient été inimaginables il y a encore quelques années. « Bab El Oued était considérée comme une zone sensible », dit Malik, qui habite le quartier depuis plus d’une quarantaine d’années. « Lorsque les attentats terroristes étaient à leur apogée, il était impensable de se baigner ici, à El Kettani. Personne n’aurait osé sortir. Mais aujourd’hui, à notre grand soulagement, nous pouvons enfin prendre du plaisir », dit-il avec un grand sourire.  

Ferhat Zafane  

Partager