Les raisons d’un blocage

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Le projet d’aménagement de la forêt d’Errich, un haut lieu de villégiature, traîne en longueur. 

Inscrit en 2010, et lancé en novembre 2011, pour une durée de réalisation initiale de 8 mois, ce projet est toujours au stade de chantier. Les autorités de la wilaya ont pourtant, énormément, misé sur l’aménagement de cette forêt, située à la sortie-Ouest de la ville de Bouira. En effet, une enveloppe de 12 milliards de centimes a été allouée pour ce projet, qui devait être, selon les pouvoirs publics à leur tête l’ex-wali de Bouira, un petit havre de paix en milieu urbain. Force est de constater, que la lenteur du projet a réduit quasiment à néant les espoirs des citoyens de pourvoir un jour profiter des grands espaces qu’offre cette forêt. Ce gâchis pousse les citoyens à s’interroger, voire à s’inquiéter de l’état d’avancement de ce chantier. Et pour en savoir plus sur le sujet, attache a été prise avec les deux responsables. D’une part, l’entreprise chargée de la réalisation d’une partie des travaux, de l’autre, le maître d’ouvrage, à savoir la conservation des forêts de la wilaya de Bouira. Pour rappel, cette affaire a été pour ainsi dire, « étouffée » par les deux parties. Et c’est au cours d’une conférence de presse donnée par le Premier magistrat de la wilaya, (lire notre édition du 23 juillet), que les distensions existant entre la conservation des forêts et l’entreprise Ider, ont éclaté au grand jour. Ainsi, en répondant à une question relative au retard qu’accumule ce projet, le wali a évoqué « la défaillance » de l’entreprise réalisatrice. « J’ai saisi le directeur des forêts à ce sujet et j’étais très clair avec lui. Si l’entrepreneur ne se ressaisit pas dans les plus brefs délais, son contrat sera résilié et il devra payer des pénalités. Cet espace est un gâchis et nous devons impérativement y remédier », avait-il prévenu. Cette déclaration fera réagir l’entreprise mise en cause et l’incitera à apporter quelques précisions. « Le chantier de travaux supplémentaires et complémentaires ne m’ont pas été payés, par le maître de l’ouvrage, depuis le 13 mai dernier. Ce dernier a visé le premier avenant sans prolongation des délais, et le second avenant n’a pas encore été signé (…) quatre correspondances ont été déjà adressées au directeur de la conservation des forêts afin de l’interpeller sur les défauts de paiement. Le SG de la wilaya a, lui aussi, été destinataire à deux reprises d’une correspondance où j’expliquais les raisons qui ont conduit à ce que ce chantier soit à l’arrêt ». En somme, c’est la « cacophonie » entre M. Ider Belaid et la conservation des forêts. 

 «Je réclame mon d&ucirc,; sans plus !» 

M. Ider Belaid, que nous avons rencontré sur le site dudit chantier, a tenu à expliquer en détails les raisons qui l’ont conduit à stopper net ce projet. « Je suis conscient que ce retard pénalise au plus haut point les citoyens. Toutefois, mon entreprise à l’instar des autres, pour son bon fonctionnement et sa survie, se doit d’être rémunérée en fonction des travaux effectués. Chose qui n’a pas été faite par les services de la direction des forêts », a-t-il affirmé. Interrogé sur les travaux dont-il a la charge, notre interlocuteur dira: « J’ai soumissionné pour la construction de 16 kiosques livrés clés en main, l’aménagement des pistes et sentiers pédestres, également l’aménagement et installations des portiques pour jeux d’enfants, la création d’espaces verts et la fourniture et pose des bancs publics. Le tout pour un montant de 49 millions de dinars », a-t-il mentionné. Par la suite, notre interlocuteur s’est empressé de nous montrer les kiosques qu’il devait réaliser. « Mon entreprise a été invitée à commencer les travaux de 06 kiosques du côté de la retenue d’eau, ainsi que l’opération d’évacuation des terres. Toutefois, je dois attirer l’attention sur le fait que ces travaux n’ont pas été prévus ni dans le marché initié et encore moins dans le 1er avenant. Ils ne sont ni quantifiés, ni régularisés par un avenant, donc impayés à ce jour ! », a-t-il précisé. Interrogé sur les différents arrêts qu’a connu ce chantier, dont le dernier en date qui remonte au 15 mai dernier, cet entrepreneur déclare que : « Oui, le chantier est à l’arrêt pour défaut de paiement. Mon entreprise se trouve dans l’incapacité de réaliser les travaux par ses propres moyens », a-t-il souligné. Avant d’ajouter : « Il y a rupture de l’article qui prévoit le paiement mensuel ». Abordant le volet des dépassements des délais contractuel, M. Ider les confirme sans toutefois assumer la responsabilité. « En effet, les délais ont expiré le 5 janvier 2013. Toute situation présentée au-delà de cette date, sera soumise à des pénalités de retard. Chose que nous refusons catégoriquement, car nous ne sommes pas responsables du refus de l’approbation du second avenant », soutiendra-t-il fermement. M. Ider indiquera par la suite, que l’ordre de services (ODS) d’arrêt des travaux a été signé le 09 juillet 2012, et a pris fin le 11 novembre de la même année. « Cet ODS d’arrêt a été signé pour divers motifs, à savoir la pose des dalles pleines, des fermes en briques et une charpente élémentaire à huit versants en tuile rouge », a-t-il expliqué. Ce dernier élément, les tuiles rouges, semble irriter au plus haut point notre interlocuteur, qui insistera sur le fait que « la toiture a été omise dans le devis quantitatif et estimatif du marché initial ». Questionné sur d’autres motifs, qui seraient selon lui à l’origine des piétinements de ce projet, M. Ider Belaid notera que : « L’avancement des travaux a été entravé par l’omission de plusieurs articles dans le marché initial. A titre d’exemple, le terrassement en masse, la filerie électrique, le décapage de la terre végétale, les travaux de maçonnerie, la réalisation de la charpente, etc. », déplorera-t-il encore. A propos d’éventuels écrits adressés aux autorités compétentes, notamment à la conservation des forêts, M. Ider dira que plusieurs requêtes ont été transmises au maître de l’ouvrage, mais en vain : « J’ai personnellement adressés plusieurs écrits au directeur des forêts de la willaya afin de réclamer mon dû. Cependant, mes écrits sont restés lettres mortes ». En dernier lieu, cet entrepreneur demande l’arbitrage de la commission des marchés publics, représentée par le SG de la wilaya.

«Il a présenté des factures gonflées à quatre fois le prix !» 

De leur côté les services de la direction des forêts de Bouira nient en bloc les « allégations » de l’entrepreneur. Ainsi, le directeur par intérim de cette intuition, M. Si Ali Saïd explique que le M. Ider s’est montré « trop gourmand » dans l’acquisition de certains matériaux contenus dans l’avis de travaux complémentaire. « Notre rôle consiste en la bonne gestion des deniers publics. Dans le cas qui nous intéresse, l’entreprise réalisatrice a gonflé certaines factures », a t-il souligné. Interrogé sur la nature de ces surfacturations, ils nous donneront l’exemple des tuiles prévues pour la toiture des kiosques. « Ce monsieur (l’entrepreneur, NDLR), a voulu s’enrichir sur notre dos! Chose que nous refusons catégoriquement. Il s’agit de l’argent public et on n’est pas fou pour le gaspiller inutilement », dira-t-il d’un ton ferme. Concernant le premier avenant qui serait, selon M. Ider, visé sans prolongation de délais, on apprendra de la bouche du conservateur par intérim, qu’il n’a pas été validé par la commission des marchés, car cette dernière a mis quelques réserves. Par la suite, ce responsable expliquera que: « Cette entreprise a facturé ces tuiles à trois ou quatre fois plus que le prix réel lors du second avenant. Effectivement, ce dernier n’a pas été signé à ce jour », confiera-t-il. Toujours à propos de ces tuiles qui seraient, selon M. Si Ali, facturées à un prix exorbitant et à la question de savoir est ce qu’il y a eu des tentatives de négociations autour des prix, le directeur par intérim, dira : « Bien évidemment! À plusieurs reprises, on a essayé de raisonner ce monsieur, mais il ne voulait rien entendre! Il prend notre direction pour une vache à lait! À cela, je m’oppose fermement! », s’est-il emporté. Répondant aux accusations relatives au non-paiement des différentes prestations de services, notre interlocuteur lancera : « Il ne nous a présenté aucune facture! Qu’il le fasse, par la suite on en discutera! ». Cette révélation intrigante, nous entraîne en toute logique à s’interroger sur les raisons de cette « omission » de taille. Et bien, selon ce responsable, la réponse est « clair comme de l’eau de roche ». « Il ne veut présenter aucune facture, car s’il le faisait, plusieurs mensualités seront obligatoirement défalquées. Pour être plus précis, cet entrepreneur est en dépassement de délais. Plus de huit mois en tout! », nous a-t-il indiqué. Avant d’ajouter : « Je vais être encore plus explicite, l’entreprise en question a été mise en demeure par voie de presse à deux reprises. La dernière en date, remonte au 17 du mois en cours. Et à aucun moment M. Ider n’a daigné se présenter pour reprendre son travail ». À propos des factures qui seraient impayées, à la conservation des forêts, on se dit « outré » par ce que notre interlocuteur qualifie d’aberrations, et sortira de son tiroir toutes les factures validées par le trésorier. « Contrairement à ce qu’il avance, ce n’est pas trois milliards de centimes, mais il a déjà perçu cinq milliards! », a-t-il certifié en montrant les factures dûment signées. Enfin, interrogé à propos d’éventuelles solutions à ce blocage, le directeur s’est montré intransigeant sur la question. « On appliquera la réglementation à la lettre! À la fin des délais réglementaires de la mise en demeure, on enclenchera la procédure de résiliation du contrat. On estime que nos citoyens profiteront de cet espace récréatif dans les plus brefs délais et ce n’est certainement pas une entreprise récalcitrante, qui va mettre un frein à ce projet tant attendu », a-t-il conclu.

Ramdane. B.

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